Ottawa lance ses consultations sur l’aide médicale à mourir

OTTAWA — Le gouvernement Trudeau lance lundi des consultations publiques sur la meilleure façon de répondre à une décision de la cour qui a conclu qu’il était inconstitutionnel de permettre uniquement aux Canadiens qui sont déjà sur le point de mourir de demander une aide médicale pour mettre fin à leurs souffrances.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que le gouvernement accepte la décision rendue le 11 septembre par la Cour supérieure du Québec et modifiera la loi fédérale en conséquence.

Mais bien que le gouvernement ait accepté d’éliminer le critère de mort imminente, son questionnaire de consultation suggère que d’autres obstacles pourraient être imposés pour garantir ce qu’il considère comme un équilibre entre le droit d’une personne de choisir de mettre fin à sa vie et la protection des personnes vulnérables susceptibles d’être soumises à des pressions.

En vertu de la décision de la cour, il a jusqu’au 11 mars pour modifier la loi.

Les Canadiens auront jusqu’au 27 janvier pour donner leur avis sur la façon dont la loi devrait être modifiée par le biais du questionnaire en ligne lancé lundi.

Parallèlement, le ministre de la Justice David Lametti, la ministre de la Santé Patty Hajdu et la ministre de l’Inclusion des personnes handicapées Carla Qualtrough organiseront des tables rondes et des réunions avec des intervenants clés.

Le calendrier de consultation — qui ne laisse que six semaines au gouvernement pour rédiger une nouvelle loi et la faire passer à temps à la Chambre des communes et au Sénat pour respecter le délai fixé par la cour — suggère qu’Ottawa devra demander un délai à la cour.

La décision a été rendue le premier jour de la campagne électorale fédérale l’automne dernier.

La juge Christine Baudouin a déterminé que la restriction de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir à ceux dont la mort naturelle est «raisonnablement prévisible» est inconstitutionnelle. Elle a également déclaré qu’il était inconstitutionnel pour le Québec, qui a sa propre loi sur l’aide à mourir, de limiter l’admissibilité à ceux qui sont en «fin de vie».

La décision ne s’applique techniquement qu’au Québec, mais, puisque le gouvernement Trudeau a refusé de faire appel de la décision, toute modification s’appliquera à travers le pays.

La loi fédérale est entrée en vigueur en juin 2016, à la suite d’une décision historique de la Cour suprême du Canada qui a annulé la précédente interdiction de l’aide médicale à mourir.

M. Lametti, un député d’arrière-ban à l’époque, avait été l’un des quatre députés libéraux à voter contre la loi. En tant qu’ancien professeur de droit, il s’était dit préoccupé par le fait que la loi était trop restrictive, ne satisfaisait pas aux critères d’admissibilité fixés par la Cour suprême et serait finalement déclarée inconstitutionnelle.

En entrevue avec La Presse canadienne, le ministre Lametti soutient que le gouvernement Trudeau a «toujours envisagé une évolution» de la loi.

«C’est toujours une question difficile. J’ai reconnu à l’époque que c’était difficile. Nous sommes en train d’équilibrer les droits d’autonomie des personnes dans des situations très difficiles, des personnes qui souffrent, des familles appuient les personnes qui souffrent et des questions d’éthique pour les personnes qui travaillent dans ce domaine», a-t-il affirmé.

Le questionnaire en ligne lancé lundi demande aux gens de réfléchir aux garanties à mettre en place pour prévenir les abus si l’exigence de décès prévisible est supprimée de la loi.

Entre autres choses, il demande aux gens de se demander si:

– la période de réflexion actuelle de 10 jours entre la demande et la réception d’une aide médicale à mourir devrait être allongée;

– la loi devrait exiger que le médecin et le patient conviennent que d’autres traitements et options raisonnables pour soulager la souffrance ont été essayés sans succès;

– des évaluations psychologiques ou psychiatriques obligatoires devraient être exigées pour déterminer la capacité à consentir;

– une consultation obligatoire avec un expert de l’état de santé d’une personne devrait être exigée, en plus des deux évaluations médicales obligatoires actuelles.

Bien que les consultations publiques visent principalement à savoir comment répondre à la décision du tribunal québécois, elles plongeront également dans des questions plus larges qui ont été exclues dans la nouvelle loi et qui doivent être prises en compte dans le cadre d’une révision parlementaire de la loi qui doit commencer cet été.

Ces questions consistent à savoir si les mineurs matures et les personnes souffrant strictement de maladies mentales devraient être admissibles et si les personnes qui craignent de perdre leurs capacités mentales devraient pouvoir faire des demandes préalables d’aide médicale à mourir.

Le ministre Lametti dit que les consultations annoncées lundi ne sont que la «première étape» de la révision de la loi. À compter de juin 2020, le fédéral entreprendra un examen obligatoire du régime actuel d’aide médicale à mourir, qui est entré en vigueur en juin 2016.

«Déjà, depuis 2015-2016, la société canadienne a beaucoup évolué et il y a une acceptance beaucoup plus élevée pour l’aide médicale à mourir. Il y a maintenant plus de professionnels qui sont confortables avec le concept, a-t-il soutenu en entrevue. Et donc, on va continuer. Ce n’est qu’une étape, mais le défi est très profond et il faut agir avec prudence.»