OTTAWA — Le gouvernement fédéral investit une première tranche de 50 millions $ sur deux ans dans le cadre d’une stratégie visant à financer de nouveaux moyens de dispenser des services sociaux.
Cette somme aidera les organismes à vocation sociale à se préparer à faire des investissements et à accéder au nouveau «Fonds de finance sociale», qui doit être lancé en 2020.
Les fonctionnaires fédéraux travaillent depuis des années sur une stratégie en matière de «finance sociale», dans l’espoir d’introduire des fonds privés, des incitatifs et de la rigueur dans les services sociaux que les gouvernements fournissent eux-mêmes ou financent directement par le biais d’organismes à vocation sociale.
Le gouvernement espère que le Fonds de finance sociale permettra «aux organismes de bienfaisance, sans but lucratif et à vocation sociale d’avoir accès à une nouvelle aide financière pour mettre en œuvre leurs idées novatrices, et de les mettre en contact avec des investisseurs non gouvernementaux qui cherchent à appuyer des projets qui favoriseront un changement social positif».
Les libéraux ont promis 755 millions $ sur 10 ans pour aider des organismes offrant des services tels que l’hébergement des sans-abri ou la formation de personnes qui ont du mal à se trouver un emploi. L’enveloppe de 50 millions $ sur deux ans sera d’abord consacrée au Programme de préparation à l’investissement, afin de former ces organismes à un environnement qu’elles ont rarement fréquenté — ou même jamais envisagé.
Le gouvernement a annoncé mercredi qu’il se tournait vers 17 organismes existants, comme le Chantier de l’économie sociale ou la Fondation canadienne des femmes, qui transféreront les 50 millions $ à d’autres organismes plus petits, afin de s’assurer que le plus important Fonds de finance sociale, lors de son lancement en 2020, ne restera pas inutilisé parce que personne ne sait comment s’en servir.
Le fisc rechigne
«Nous savons que de nombreux organismes à vocation sociale n’ont pas accès au capital nécessaire pour leur permettre de faire grandir ce qu’ils font déjà, a expliqué mercredi la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Patty Hajdu. «Le Programme de préparation à l’investissement les aidera à réfléchir à la façon dont ils peuvent se préparer à de nouvelles possibilités d’investissement.»
Toutefois, aucune stratégie plus large visant à aligner diverses réglementations, y compris les règles fiscales, n’a été définie par les libéraux. Au lieu de cela, le gouvernement a annoncé mercredi la création d’un nouveau Conseil consultatif sur l’innovation sociale, pour guider ses initiatives. Car le travail au sein de la machine gouvernementale pour faciliter la vie des organismes à vocation sociale est semé d’embûches, selon de nombreuses sources qui ont parlé à La Presse canadienne sous le couvert de l’anonymat.
«Cela n’a jamais été fait auparavant, donc le gouvernement fédéral n’a aucune expérience dans ce domaine», a admis le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jean-Yves Duclos.
Il semble que des problèmes se soient posés à la fin de l’année dernière lorsque des hauts fonctionnaires des Finances et d’autres d’Emploi et Développement social Canada se sont affrontés sur la façon dont le gouvernement devrait utiliser les 755 millions $ du Fonds de finance sociale, dévoilé dans l’Énoncé économique de l’automne 2018.
La dernière version de la stratégie suggérait qu’un administrateur et un secrétariat soient hébergés au sein d’Emploi et Développement social, avec un conseil consultatif composé d’experts externes formulant des recommandations de financement. Le ministre Duclos a indiqué que le gouvernement envisageait différentes options et que des discussions avaient lieu avec des organisations extérieures.
Des sources affirment que l’Agence du revenu du Canada a rapidement refusé de réécrire les règles fiscales afin de permettre à des organismes sans but lucratif de gérer des entreprises à vocation sociale, dont les profits seraient ensuite réinvestis, sans craindre de perdre leur statut fiscal d’exonération d’impôt. Des documents précédemment obtenus par La Presse canadienne en vertu de la loi sur l’accès à l’information suggéraient qu’un tel changement désavantagerait les petites entreprises à but lucratif.