OTTAWA — Les survivants d’une période où les enfants autochtones étaient arrachés à leur foyer et confiés à des familles d’accueil espèrent que l’entente de principe intervenue avec Ottawa mettra fin à l’acculturation des jeunes des Premières Nations.
La chef de la Première Nation de Beaverhouse, Marcia Brown Martel, soutient que les 750 millions $ promis en indemnisations par le gouvernement fédéral lui ont donné espoir.
La leader autochtone de 54 ans — qui a elle-même été happée par le système de placement familial, dans lequel elle a subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles — dit ne s’être toujours pas remise de ces traumatismes de son enfance.
«Les gens me demandent « Comment as-tu survécu? », raconte-t-elle. Je ne sais pas. (…) J’étais consciente que si jamais je buvais ou consommais de la drogue, je me tuerais.»
Lors de l’annonce de l’entente de principe, vendredi, aux côtés de la ministre des Relations Couronne-Autochtones, la chef Brown Martel a fait état d’une «rafle du millénaire» qui se poursuit à ce jour.
«Des enfants sont toujours dans le système de protection de l’enfance, a-t-elle signalé. Ils disent qu’ils sont « placés », mais ça ajoute un facteur de risque pour eux. (…) Nos enfants doivent rentrer à la maison.»
La ministre Carolyn Bennett a retenu ses larmes en annonçant les détails de l’entente avec les survivants de la rafle — qui comprend aussi un investissement de 50 millions $ pour la mise sur pied d’une fondation dédiée au processus de guérison des Autochtones.
«Avec la fondation pour la guérison, je pense que c’est un début où nous, en tant que survivants, pourrons nous attaquer au problème de dépendance d’une perspective différente», a souligné Stewart Garnett, qui a été enlevé à ses parents et envoyé en Californie alors qu’il n’était qu’un nourrisson. «La perte de la culture, la perte de la langue, ça m’a suivi toute ma vie.»
Aux 750 millions $ destinés aux victimes s’ajoutent 50 millions $ pour couvrir les frais juridiques.
Un chapitre sombre de l’histoire du Canada
La «rafle des années 1960» incarne un chapitre sombre et douloureux de l’histoire du Canada, a soulevé la ministre Bennett.
«Leurs histoires sont déchirantes, s’est-elle désolée. Ils ont parlé du fait que leur identité leur a été volée. Ils ont parlé du fait qu’ils n’ont jamais vraiment eu de sentiment d’appartenance où que ce soit parce que les gens ont été déplacés si souvent ou parce qu’ils n’avaient pas vraiment de chez eux.»
Elle estime elle aussi que le système de placement familial doit être réorganisé de sorte que l’argent aille aux enfants, à leurs proches et à leur communauté, plutôt qu’aux avocats et aux familles d’accueil allochtones.
L’entente annoncée vendredi ne constitue qu’une première étape dans la résolution du litige entourant la «rafle des années 1960», a-t-elle ajouté, puisque les procédures se poursuivent avec des provinces et territoires.
Le recours collectif intenté par Marcia Brown Martel en Ontario, en 2009, réclamait des indemnisations totalisant 1,3 milliard $ pour les 16 000 enfants qui ont été coupés de leur patrimoine de 1965 à 1984.
Un des avocats dans ce dossier, Jeffery Wilson, estime qu’il s’agissait du premier recours collectif à reconnaître le préjudice causé par la perte de sa langue, de sa culture et de son identité.