La pêche à la civelle se poursuit en N.-É. malgré le moratoire, selon des images

HALIFAX — Des images ont été publiées montrant des personnes pêchant des bébés anguilles — appelés civelles — en Nouvelle-Écosse, malgré le récent moratoire du gouvernement fédéral qui a mis un terme à la saison de cette pêche.

Les civelles sont transportées par avion vers l’Asie où elles sont cultivées pour l’alimentation. Elles sont pêchées de nuit dans les rivières à marée au printemps, lorsqu’elles migrent de l’océan vers l’intérieur des terres. L’année dernière, les prix ont atteint 5000 $ le kilogramme.

Le ministère fédéral des Pêches a fermé la pêche à la civelle pendant 45 jours à compter du 15 avril en raison d’allégations de braconnage et de cas de violence parmi les pêcheurs de bébés anguilles.

Les pêcheurs commerciaux soutiennent pour la plupart que le braconnage est commis par des pêcheurs des Premières Nations qui ne font pas partie des accords fédéraux, bien que ces pêcheurs autochtones sans permis rétorquent qu’ils revendiquent des droits issus de traités.

Stanley King, propriétaire d’une entreprise agréée de pêche aux civelles, a fourni des photos de personnes qui pêchent des bébés anguilles dans les rivières de la Nouvelle-Écosse malgré l’interdiction temporaire.

En entrevue, il a expliqué avoir transmis ses photos au ministère fédéral, identifiant les rivières et les heures de pêche.

Mesure «inefficace»

M. King et huit autres titulaires de licence commerciale rencontrent des fonctionnaires fédéraux et des politiciens pour faire pression contre le moratoire.

Le moratoire est également appliqué contre plusieurs communautés autochtones des Maritimes qui détiennent des permis pour la pêche à la civelle.

«Les photos me disent que la note ministérielle pour fermer la pêche a été inefficace et qu’elle ne punit que les détenteurs de permis respectueux des lois», a affirmé M. King au bout du fil depuis Ottawa.

Il a indiqué que les images avaient été obtenues par des caméras activées par le mouvement qui utilisent la technologie infrarouge pour prendre des photos la nuit.

«J’envoie des mises à jour quotidiennes aux forces de l’ordre de Pêches et Océans Canada pour leur indiquer l’heure et les lieux où le braconnage illégal se déroule et je ne reçois aucune réponse. Ils ne vont pas dans les rivières pour faire respecter la loi», a-t-il dit.

Jeff Woodland, porte-parole de la ministre fédérale des Pêches Joyce Murray, a déclaré que les priorités d’Ottawa étaient la sécurité publique et la conservation du stock d’anguilles.

«Comme c’était le cas avant même l’ouverture de la pêche et cela continue d’être le cas, les agents de conservation et de protection travaillent aux côtés de la GRC et d’autres agences pour lutter contre la pêche illégale à la civelle et faire respecter la loi», a-t-il écrit.

Droits revendiqués par les Autochtones

Cheryl Maloney, une Micmac qui défend les droits issus de traités, a mentionné en entrevue qu’elle ne considère pas les Autochtones qui attrapent des civelles pendant le moratoire comme des braconniers.

Mme Maloney, qui a participé à la pêche avant l’interdiction, soutient être en mesure de coopérer avec des pêcheurs commerciaux sur la même petite rivière.

Au début de la saison, explique-t-elle, les agents des pêches et la GRC n’avaient pas respecté les droits des pêcheurs autochtones établis dans une décision de la Cour suprême du Canada de 1999, qui confirmait un droit issu d’un traité de pêcher pour gagner sa vie

La décision indique également que le droit est soumis à une réglementation fédérale, l’objectif «principal» de cette réglementation étant la conservation des stocks.

Mme Maloney a déclaré que la décision historique soulève la question de savoir si la ministre a le droit d’imposer la fermeture de la pêche autochtone.

«Si (Mme Murray) prenait sa décision sur la base de la science et de la conservation, plus de personnes (micmacs) la respecteraient. Mais ce qui s’est passé sur l’eau, c’est que (les agents) n’ont pas réussi à maintenir la paix. Au début de la saison, le ministèreet la GRC ne surveillaient rien. Ils nous laissaient juste nous battre sur la rivière», a-t-elle relaté.

Selon Mme Maloney, les peuples autochtones sont prêts à affirmer leur droit de pêcher des civelles. «Si nous reculons maintenant, nous ne retournerons jamais sur l’eau», estime-t-elle.

Pour la deuxième année consécutive, Ottawa a accordé cette année aux pêcheurs autochtones 14 % du quota commercial en reconnaissance du droit énoncé dans un traité de gagner convenablement leur vie grâce à la pêche.

Brian Giroux de Shelburne Elver a déclaré que le transfert de permis a coûté à sa coopérative environ 1 million $ de quota annuel en 2023 et l’année dernière.

Il fait partie d’une contestation judiciaire faisant valoir que la politique fédérale n’a pas indemnisé les pêcheurs commerciaux pour la perte de ces permis.

M. Giroux estime que la pêche a maintenant dégénéré en un gâchis non réglementé, avec des pêcheurs autochtones et non autochtones sans licence sur les rivières et la conservation largement ignorée.

«Nous avons prévenu le ministère en 2016, 2017 et en 2020, il a été fermé pour la première fois par un braconnage massif. C’est juste devenu de pis en pis», a-t-il déclaré mardi.

La ministre Murray a affirmé au moment de la fermeture que les braconniers venaient de l’extérieur des Maritimes, et même de l’extérieur du Canada, dans ce qui équivalait à une «énorme escalade» de la pêche illégale.

Laisser un commentaire

Les commentaires sont modérés par l’équipe de L’actualité et approuvés seulement s’ils respectent les règles de la nétiquette en vigueur. Veuillez nous allouer du temps pour vérifier la validité de votre commentaire.