Pensionnats: le pape François demande pardon et promet de se rendre au Canada

ROME — Les leaders autochtones se disent profondément émus par les excuses, tant attendues, que le pape François a présentées vendredi au Vatican pour le rôle de l’Église catholique dans les pensionnats fédéraux au Canada.

Le souverain pontife s’est tenu devant près de 200 délégués autochtones, vendredi, et a demandé le pardon de Dieu pour la conduite déplorable de membres de l’Église catholique.

«Je veux vous dire de tout mon cœur: je suis vraiment désolé», a déclaré le pape lors d’une dernière rencontre au Vatican avec les délégués des Premières Nations, des Inuits et des Métis. «Et je me joins à mes frères, les évêques canadiens, pour vous demander pardon.»

On estime que 150 000 enfants autochtones ont été forcés de fréquenter des pensionnats fédéraux et que plus de 60 % de ces établissements étaient dirigés par des membres de congrégations religieuses catholiques romaines.

Le chef de l’Église a indiqué vendredi qu’il ressentait de la honte et du chagrin que des catholiques, en particulier ceux qui étaient chargés de l’éducation, aient causé un préjudice aussi grave. Le pape a également déclaré qu’il viendrait au Canada.

Le chef Gerald Antoine, qui dirigeait la délégation de l’Assemblée des Premières Nations, a déclaré que c’était comme marcher dans la neige et voir des traces fraîches d’orignal. «C’est le sentiment que j’ai, parce qu’il y a une possibilité», a déclaré M. Antoine, place Saint-Pierre, tout juste après la rencontre avec le pape.

Natan Obed, président d’Inuit Tapiriit Kanatami, a déclaré sur le moment qu’il ne pouvait s’empêcher de penser à la façon dont les gens peuvent changer le monde. Il a réfléchi à la façon dont il peut y avoir un chemin vers la justice.

«Derrière les dissimulations, derrière l’indifférence de plus de 100 ans, derrière les mensonges, derrière le manque de justice, ce pape, le pape François, a décidé d’aller jusqu’au bout et a décidé de prononcer des paroles que les Premières Nations, les Inuits et les Métis attendaient depuis des décennies», a déclaré M. Obed.

L’importance du geste

Bon nombre des délégués qui étaient dans la salle sont des victimes des pensionnats. Des larmes ont coulé sur leurs joues après avoir entendu les excuses, dans la Sala Clementina, l’une des salles du Palais apostolique.

L’aîné Fred Kelly a prié pour les enfants qui ont été placés dans les pensionnats et pour la guérison. Marty Angotaluk et Lizzie Angotaluk ont chanté en inuktitut, et le Métis Emile Janvier a prié en déné.

Certains membres avaient exprimé leur appréhension et leur anxiété avant cette dernière rencontre avec le pape, parce qu’ils n’étaient pas sûrs d’obtenir les excuses pour lesquelles ils avaient travaillé si fort.

«Je sais à quel point ces mots seront importants pour nos survivants au pays», a déclaré Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis.

Chacune des trois grandes organisations autochtones impliquées dans la délégation avait dit au pape, lors de réunions distinctes plus tôt cette semaine, qu’ils espéraient des excuses. Aucune date n’a été fixée pour le voyage pontifical, mais des délégués ont estimé que cela pourrait avoir lieu dès cet été.

Ils ont également demandé à l’Église d’offrir des réparations pour soutenir la guérison, restituer les artefacts autochtones et partager tout document sur les pensionnats.

Des excuses en sol canadien

La Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié un rapport détaillé qui documente les mauvais traitements dans les pensionnats dirigés par l’Église, y compris les agressions psychologiques, physiques et sexuelles. Un des «appels à l’action» recommandait que le pape présente les excuses de l’Église en sol canadien.

Les survivants, leurs familles et leurs communautés ont maintenant entendu les excuses qu’ils attendaient depuis des générations, a déclaré Stephanie Scott, directrice générale du Centre national pour la vérité et la réconciliation, à Winnipeg.

«Aujourd’hui marque le début de mesures significatives de la part de l’Église pour assumer la responsabilité de ses actions flagrantes, dont les effets se font encore sentir à travers les communautés et les générations aujourd’hui», a déclaré Mme Scott dans un communiqué.

Au Vatican, il y avait un échange de cadeaux pour marquer la journée. Le pape François a reçu une croix faite de fanons de baleine boréale, placé dans un sac en peau de phoque. Il a également reçu une étole en cuir perlé, qui est un gilet liturgique, et des raquettes traditionnelles faites à la main, ainsi qu’un livre de souvenirs de survivants des pensionnats.

En retour, le pape François a remis à chaque groupe autochtone un rameau d’olivier en bronze, en signe de paix et de réconciliation, selon des informations de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Trudeau impatient d’accueillir le pape François

Le premier ministre Justin Trudeau a qualifié les excuses formulées par le pape d’«étape importante» et ajouté qu’il était impatient que celles-ci puissent être offertes en personne, au Canada.

En marge d’une annonce virtuelle en matière d’infrastructures pour la population du Nunavut, vendredi matin, M. Trudeau a souligné que de telles excuses ne seraient jamais venues sans la mobilisation de survivants qui ont raconté et revécu leurs douloureux souvenirs.

«Notre gouvernement va continuer de soutenir les communautés autochtones à travers le pays avec les ressources nécessaires pour poursuivre les recherches de tombes anonymes, dévoiler la vérité et continuer à guérir», a-t-il promis.

La gouverneure générale Mary Simon a parlé d’une «journée historique et chargée en émotions pour les peuples autochtones du Canada».

«Ces excuses nous permettent de prendre un pas de plus sur la voie de la réconciliation, mais cela ne représente qu’un pas. Sur cette voie, nous devons toujours chercher à admettre les souffrances et la vérité de notre histoire», a-t-elle affirmé dans un communiqué publié vendredi.

«Je me réjouis de savoir que Sa Sainteté a décidé de visiter le Canada pour poursuivre le processus de réconciliation avec les peuples autochtones sur leurs propres terres. De mon côté, comme je l’ai fait tout au long de ma vie, je suis prête à m’acquitter du travail nécessaire, à tenir des conversations difficiles et à promouvoir la sagesse et la compassion», a dit la gouverneure générale.

«En inuktitut, nous disons ajuinnata — la promesse de ne jamais abandonner, de persévérer. Que nous puissions unir nos efforts dans l’esprit d’ajuinnata afin de promouvoir la compréhension, le respect et la réconciliation dans tout le Canada», a-t-elle conclu.