STRATFORD, ONT. — Le premier ministre Doug Ford assure qu’il fait tout pour ajouter plus de travailleurs de la santé dans le système, mais il ne s’engage pas à abroger la loi qui plafonne les salaires dans la fonction publique — ou même d’augmenter la «prime de rétention» offerte aux infirmières.
M. Ford n’a pas tenu de conférence de presse en Ontario depuis la fin juin. Il a répondu mercredi pour la première fois aux questions des journalistes sur la crise hospitalière, alors que les services d’urgence de plusieurs hôpitaux de l’Ontario ont été contraints cet été de fermer pendant des heures, parfois des jours, en raison d’une pénurie de personnel.
Le premier ministre s’en est tenu en grande partie au message gouvernemental selon lequel la plupart des patients qui nécessitent des soins très urgents les reçoivent en temps opportun. Il assure aussi que les chirurgies sont effectuées à des taux proches de ceux d’avant la pandémie.
Mais son gouvernement essaie aussi, a-t-il dit, d’ajouter plus de personnel au système, avec par exemple l’objectif d’embaucher 5000 infirmières supplémentaires et d’essayer d’accélérer l’accréditation des infirmières formées à l’étranger.
«J’apprécie les travailleurs de la santé de première ligne, ils travaillent sans relâche, jour après jour, a déclaré M. Ford après une annonce dans le sud-ouest de l’Ontario. Ils sont épuisés. Je comprends. Et vous savez, nous ne pourrions pas fonctionner sans l’excellent travail qu’ils font, les infirmières, les (préposés), les médecins.
«Avons-nous besoin de plus de gens ? Oui, certainement. Sommes-nous prêts à recruter plus de gens ? Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour recruter plus de gens», a-t-il soutenu.
Le Nouveau Parti démocratique et la présidente de l’Association des infirmières de l’Ontario ont accusé M. Ford de «minimiser» la crise dans les hôpitaux.
Le Réseau universitaire de santé du centre-ville de Toronto a prévenu cette semaine que ses unités de soins intensifs cardiovasculaires, cardiaques et médico-chirurgicaux ont atteint leur capacité totale en lits, ou n’ont pas suffisamment de personnel pour garder tous les lits ouverts en toute sécurité.
Plusieurs hôpitaux avaient déclaré la semaine dernière qu’ils réduiraient le service dans certains départements au cours du long week-end en Ontario en raison de la pénurie de personnel.
La loi 124
Des associations d’infirmières, des dirigeants d’hôpitaux, des professionnels de la santé et des défenseurs du réseau public estiment que de nombreux employés, épuisés par plus de deux ans de pandémie — et s’estimant mal payés —, ont décidé de partir.
Plusieurs infirmières croient que leur profession a été dévalorisée par l’adoption, en 2019, de la «loi 124», qui a plafonné à 1 % par année, pendant trois ans, les augmentations de salaire des employés du secteur public en Ontario.
M. Ford a souligné mercredi que les dispositions de cette loi viennent à échéance et ne s’appliqueront pas lors des prochaines négociations des conventions collectives. Mais le premier ministre n’a toujours pas précisé s’il abrogerait ce plafonnement des augmentations de salaire. Il a simplement rappelé que son gouvernement avait offert aux infirmières une prime de 5000 $.
«Je tiens également à mentionner qu’elles ont obtenu la plus forte augmentation de tout le pays, a-t-il déclaré lorsqu’on lui a demandé s’il abandonnerait la loi 124. C’est un grand remerciement. Lorsque nous vous avons donné les 5000 $ — vous pouvez appeler ça de la rétention, vous pouvez appeler ça un remerciement —, j’apprécie l’excellent travail qu’elles font.»
Lorsqu’on lui a demandé s’il s’engagerait à augmenter le salaire des infirmières, M. Ford a déclaré que personne ne pense plus que lui au monde des infirmières et des autres travailleurs de la santé.
Les paiements de transfert
M. Ford a également déclaré que d’autres provinces sont confrontées aux mêmes défis et il a appelé le gouvernement fédéral à augmenter les transferts de santé.
Cathryn Hoy, présidente de l’Association des infirmières de l’Ontario, a rappelé que les infirmières souhaitent des augmentations réelles de salaire, et non des primes uniques. Même si les dispositions de la loi 124 arriveront à échéance, dit-elle, les infirmières pourraient renégocier leurs salaires dans leurs conventions actuelles si la loi était abrogée.
«(M. Ford) peut bien faire venir toutes les infirmières formées à l’étranger qu’il veut, mais si vous n’avez pas d’infirmières ici pour les soutenir, on va avoir un sérieux problème», a-t-elle fait valoir.
La porte-parole néo-démocrate en matière de santé, France Gélinas, a déclaré que M. Ford devait abandonner immédiatement la loi 124. «J’ai été horrifiée d’entendre M. Ford ce matin minimiser la crise dans les hôpitaux de l’Ontario», a-t-elle écrit dans un communiqué.
«Il ne veut pas entendre les appels désespérés des travailleurs de la santé et ne veut pas voir l’angoisse que vivent les patients, car il ne veut pas payer les travailleurs de la santé à leur mérite.»