Québec estime être à 60 % de l’effort pour sa cible de réduction de GES fixée en 2030

MONTRÉAL — Avec la somme de 9 milliards $ que le gouvernement Legault a investie dans le plan pour une économie verte (PEV), il croit être en mesure d’atteindre au moins 60 % de la cible de réduction des GES qu’il s’est fixée pour 2030.

Le gouvernement estime donc qu’il lui reste sept ans pour mettre en œuvre d’autres mesures qui permettront de réduire de 37,5 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) sous leur niveau de 1990.

La lutte au changement climatique «est le défi du 21e siècle», a déclaré le premier ministre François Legault en présentant vendredi les mises à jour du PEV, qui inclut notamment des mesures pour l’électrification des transports et la décarbonation des bâtiments.

«Tous les citoyens ont une responsabilité» pour que «cette planète reste encore vivable», a ajouté le premier ministre au Jardin botanique de Montréal avant de mentionner que le Québec est «l’État qui émet le moins de GES par habitant en Amérique du Nord».

Le Québec émet environ 9 tonnes de GES par habitant par année et François Legault a rappelé que l’objectif du gouvernement est «d’atteindre 6 tonnes par habitant».

Pour y arriver, Québec a bonifié le PEV de 1,4 milliard $ (18 %) par rapport au plan précédent. Tel qu’il avait été annoncé dans le dernier budget, les nouveaux investissements dans le Plan pour une économie verte vont totaliser plus de 9 milliards $ sur cinq ans.

Le gouvernement Legault compte dépenser cette somme de la façon suivante: 7,6 milliards $ seront utilisés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES),  860,6 millions $ seront consacrés au  renforcement de la capacité d’adaptation face aux impacts des changements climatiques et 534,2 millions $ sont réservés au «soutien à la transition climatique et autres mesures».

Réduction des GES des bâtiments

Le gouvernement compte investir plus de 1 milliard $ pour appuyer la décarbonation des bâtiments, qui sont responsables de près de 10 % des émissions de GES. 

Sur ce milliard, un investissement de 215 millions $ est prévu dans la valorisation des rejets thermiques. Plusieurs installations industrielles produisent de grands rejets thermiques dans l’environnement. Cette chaleur n’est ni récupérée ni valorisée et le financement vise à mettre sur pied des projets qui permettront la captation des rejets thermiques afin de les distribuer pour que l’énergie qui s’en dégage puisse être utilisée pour chauffer divers grands bâtiments. 

L’Hôpital de l’Enfant Jésus, qui utilise la chaleur de l’incinérateur de Québec, est un exemple de valorisation des rejets thermiques. Une somme de 74 millions $ est également prévue pour soutenir l’utilisation de la biénergie.

Décarboner les immeubles

Le gouvernement compte mettre en place un système de déclaration et de cotation pour évaluer la performance énergétique des grands bâtiments, soit les immeubles qui comptent au moins 30 portes. Des programmes d’aide financière seront disponibles pour les propriétaires qui doivent effectuer des travaux afin que leur bâtiment respecte les normes énergétiques, qui elles,  entreront en vigueur progressivement. De nouvelles normes sont également prévues pour les constructions neuves.

Selon le Conseil du patronat (CPQ), le gouvernement vise juste en accordant des investissements importants pour la décarbonation des bâtiments résidentiels et industriels.

«L’approche préconisée permettra d’accélérer le virage de façon progressive. Par contre, il faudra en faire davantage pour les transporteurs routiers et les secteurs industriels qui ont besoin de plus de moyens pour soutenir les coûts élevés de la transition technologique et énergétique», a mentionné le président et chef de direction du CPQ, Karl Blackburn.

Québec prévoit des investissements supplémentaires de 254,9 millions $ dans le programme Défi GES pour aider les «industries dans la réalisation de projets de réduction d’émissions de GES de grande envergure».

Le gouvernement Legault compte également investir 280,3 millions $ dans des projets d’énergie renouvelable pour les communautés isolées qui ne sont pas connectées au réseau d’Hydro-Québec. 

Ainsi, des parcs éoliens sont  prévus pour certaines communautés nordiques qui s’alimentent encore largement au diesel.

Des plans de réduction pour les cimenteries

Au Québec, 15 % des GES proviennent de quatre cimenteries. Ces cimenteries devront présenter des plans de réduction de GES, toutefois, des cibles de réduction ne seront pas obligatoires.

«La prochaine année sera dédiée aux discussions, on va regarder avec eux ce qui peut être fait et on regardera si ce qu’ils nous proposent sera suffisant ou pas», a mentionné le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en ajoutant «qu’on ne parle pas de bâton à ce moment-ci, il y a un espace de dialogue».

L’Association canadienne du ciment estime, dans un document publié dans les derniers jours, que l’industrie peut réduire ses  émissions de 40 % d’ici 2030, de 59 % d’ici 2040 et atteindre la carboneutralité dans sa production d’ici 2050.

Électrification du parc automobile

Le gouvernement Legault veut se doter du «parc automobile le plus électrifié en Amérique du Nord d’ici 2030». Pour y arriver, il compte dévoiler prochainement une «stratégie de la recharge», au coût de 514 millions $.

Le gouvernement s’est donné l’objectif de faire rouler deux millions de véhicules électriques sur les routes du Québec d’ici 2030.

Le programme Écocamionnage devrait également bénéficier d’une augmentation de son financement de 82,5 millions $.

Les mises à jour du PEV confirment le prolongement du rabais à l’achat de véhicules électriques du programme Roulez vert.

Le financement consacré à l’électrification des autobus interurbains et privés augmentera de 13,5 millions $.

Favoriser la mobilité durable

Le gouvernement injectera 68 millions $ supplémentaires dans le Programme d’aide financière au développement des transports actifs dans les périmètres urbains, ce qui portera le budget total à 140 millions $ sur cinq ans. Ce programme sert à financer des projets de systèmes de vélos en libre-service et des réseaux piétonniers et cyclables.

240 millions $ pour les municipalités

La mise à jour du PEV prévoit également mettre à la disposition des municipalités «près de 240 millions de dollars supplémentaires» pour les accompagner dans la mise en œuvre d’un «plan climat».

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) «salue» cet investissement qu’elle qualifie de «début d’une démarche structurante».

L’UMQ a publié, il y a quelques mois, une étude qui chiffre à 2 milliards $ annuellement les besoins pour adapter les infrastructures municipales au changement climatique.

«Je suis présentement en tournée dans différentes régions du Québec et les répercussions des changements climatiques se font ressentir partout. Les besoins sont nombreux, et varient d’une région à l’autre. Il est essentiel d’intervenir rapidement. Je le rappelle, s’adapter coûte moins cher que réagir», a souligné le président de l’UMQ et maire de Varennes, Martin Damphousse, dans un communiqué.

En conférence de presse, le premier ministre Legault a indiqué «que les municipalités aussi doivent faire leurs efforts» et que l’adaptation au changement climatique «ne peut pas seulement être financée par les impôts sur le revenu».

Dans un communiqué, l’organisation Équiterre a salué la bonification des enveloppes dédiées à l’adaptation climatique, mais croit que «ces programmes seraient plus efficaces s’ils étaient structurés dans le cadre d’une stratégie d’adaptation en bonne et due forme».

De son côté, la Fédération québécoise des municipalités (FQM) a souligné que l’investissement de 240 millions $ «permettra enfin à chaque territoire de se doter de véritables plans à mettre en place pour la lutte aux changements climatiques et la transition écologique».

Greenpeace déplore un «demi-plan»

Selon Greenpeace, le plan du gouvernement est nettement insuffisant.

«L’ONU nous dit qu’il faut couper les émissions mondiales de moitié d’ici 2030, ça prend des plans aujourd’hui, et là, le gouvernement présente un demi-plan et se pète les bretelles», a réagi le porte-parole Patrick Bonin.

Il déplore notamment qu’il n’y ait pas de taxe pour les véhicules polluants ou de mesures restrictives pour les grandes industries polluantes.

«C’est toujours la carotte. La carotte pour les automobilistes, la carotte pour les industries, à qui on donne des centaines de millions, alors qu’on pourrait simplement réglementer et forcer la réduction des émissions», a ajouté le porte-parole de Greenpeace.

Ça regarde mal, selon QS

À Québec, le deuxième parti d’opposition a souligné qu’il manquait encore 40 % des mesures pour atteindre la cible de 2030.

«La mise à jour du Plan pour une économie verte (PEV) n’identifie que 60 % des mesures pour l’atteinte d’une cible déjà insuffisante de 37,5 % d’ici 2030. Considérant que le PEV est presque le seul guide de la CAQ pour lutter contre les changements climatiques, ça regarde mal», a indiqué la députée de Québec solidaire Alejandra Zaga-Mendez.

La responsable en matière d’environnement pour QS a avancé que son parti «a été capable d’identifier et de modéliser 100 % des mesures nécessaires à l’atteinte de sa cible beaucoup plus ambitieuse», et ajouté que «c’est une question de manque de volonté politique de la CAQ».

Érosion et protection des berges

La mise à jour du PEV contient des mesures pour «accélérer l’adaptation du Québec aux impacts des changements climatiques».

Parmi elles, on retrouve 2,5 millions $ pour cartographier et diffuser des risques d’érosion et de submersion côtières, ainsi qu’une somme de 58 millions $ pour «l’implantation de structures de protection des berges». 

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