MONTRÉAL — Ottawa mise sur l’observation de la Terre du haut du ciel pour lutter contre le changement climatique et le fédéral a annoncé un investissement de 8 millions $ dans 21 organisations pour le développement de nouvelles technologies.
L’entreprise Lux Aerobot, basée au Saguenay–Lac-Saint-Jean, fait partie des récipiendaires.
La jeune pousse a développé une technologie qui permet de lancer des ballons à haute altitude pour surveiller et aider à combattre les incendies de forêt.
«On est la première compagnie de robotique spatiale canadienne qui utilise des images provenant de ballons lancés à haute altitude pour créer des outils d’aide à la décision pour le marché de la défense et le marché civil», a indiqué Katrina Albert, présidente de l’entreprise.
En entrevue avec La Presse Canadienne, la jeune entrepreneuse a expliqué que les ballons stratosphériques, et les différents instruments scientifiques qu’ils contiennent, sont en mesure d’être envoyés à environ 20 km d’altitude directement au-dessus d’un incendie et fournir aux autorités des images d’une grande résolution, «encore plus précises que les images satellitaires».
«On peut identifier les feux dès qu’ils sont petits et ainsi répondre plus rapidement.»
Katrina Albert a précisé que le financement d’Ottawa permettra à Lux Aerobot d’augmenter ses compétences analytiques et donc livrer «des données précises» aux autorités, par exemple «où sont les feux en temps réels et où ils se dirigent».
L’entreprise basée à Alma et qui a des bureaux à Montréal, Québec, mais aussi en Australie, n’a pas encore mis à l’épreuve sa technologie lors d’incendies de forêt, mais sa présidente a indiqué «qu’il est prévu de le faire l’été prochain».
«Le marché est mondial, c’est une innovation qu’on développe au Canada, mais qui peut être exportée dans d’autres pays», a souligné Katrina Albert.
Lux Aerobot a d’ailleurs récemment signé des contrats avec la défense australienne pour l’aider à combattre les incendies de forêt, mais aussi pour la gestion des zones côtières.
Des Inuits surveillent la glace de l’Arctique grâce aux satellites
Parmi les principaux récipiendaires des subventions annoncées par le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, et l’Agence spatiale canadienne, il y a également l’organisation inuite Artic Eider Society qui a développé une application appelée «Siku», qui signifie «glace de mers» en inuktitut.
L’application, qui utilise un système de localisation par satellite, permet à la communauté d’échanger des informations sur le mouvement et l’épaisseur des glaces, la météo, les activités des animaux sauvages et ainsi mieux comprendre l’impact des changements climatiques.
Le financement annoncé jeudi après-midi par Ottawa s’inscrit dans le projet «utiliTerre» de l’Agence spatiale canadienne, qui «incite les organisations canadiennes à trouver des solutions avec des données satellitaires et à contribuer à la résolution de problèmes tangibles sur Terre».
Le ministre Champagne a souligné que cette stratégie «vise aussi à ce que les entreprises canadiennes – petites et grandes – puissent innover et relever les défis réels et tangibles auxquels nous devons faire face dans notre quotidien, comme le changement climatique, les feux de forêt et les inondations».
Un marché de 3,3 milliards $ US
Selon le ministère de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, «le marché mondial de l’observation de la Terre par satellite est estimé à 3,3 milliards $ US et sa valeur devrait grimper à 7,2 milliards $ US au cours des dix prochaines années».
Dans son budget de 2021, le gouvernement du Canada a prévu 90 millions $ «pour tirer profit de l’observation de la Terre par satellite». Récemment, Ottawa a accordé 20 millions $ à l’entreprise québécoise GHGSat qui conçoit des satellites servant à mesurer les émissions de gaz à effet de serre.
Même si les moyens mis en œuvre par d’autres pays comme les États-Unis pour soutenir les entreprises qui surveillent la Terre depuis l’espace sont colossaux par rapport à l’appui que peut accorder Ottawa, le ministre Champagne croit que le Canada peut devenir un leader dans cette industrie.
«Si on veut devenir un leader, il faut investir, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui», a indiqué François-Philippe Champagne tout en reconnaissant que «la compétition des autres pays est forte» dans cette industrie.
Le ministre a tenu à rappeler que l’expertise canadienne dans le domaine n’est pas nouvelle et que «le Canada se sert de satellites pour surveiller notre environnement depuis l’espace» depuis 60 ans.
Le premier satellite canadien, appelé Alouette 1, a en effet été lancé et placé en orbite en 1952.