Mort de la détenue Ashley Smith: l’avocat de la famille parle d’un homicide

TORONTO – La mort de la jeune Ashley Smith, qui s’était étranglée dans sa cellule en isolement alors que des agents correctionnels filmaient la scène sans intervenir, devrait être traitée comme un homicide, a fait valoir l’avocat de la famille, lundi, au jury de l’enquête du coroner.

Dans les plaidoiries finales à l’enquête sur la mort de la jeune Néo-Brunswickoise de 19 ans, présidée par John Carlisle, l’avocat a soutenu que les preuves ne laissaient aucun doute: le personnel de première ligne avait bel et bien l’ordre de rester à l’extérieur de la cellule tant que la jeune détenue respirait encore.

Ces directives au personnel émanaient de la directrice du pénitencier, Cindy Berry — «le nouveau shérif en ville», selon les termes de l’avocat — et avaient été transmises par son adjointe, Joanna Pauline, a dit Me Julian Roy. Puisqu’il s’agissait d’une «infamie», a soutenu l’avocat, l’ordre n’était pas écrit, mais il a été tout de même signifié clairement aux agents correctionnels et aux cadres.

Me Roy a aussi incité les jurés, qui ont entendu 83 témoins depuis le 14 janvier, à recommander l’interdiction de l’isolement pour les détenus déficients intellectuels ou qui peuvent s’infliger des blessures, disant croire que cela ne cause davantage de torts.

Plus tôt, lundi, le procureur à l’enquête du coroner, Marg Creal, a livré 103 suggestions à l’endroit du jury. Le vaste éventail comprend notamment une imposition de limiter l’isolement d’un détenu à 30 jours — et en dernier recours seulement. Le procureur recommande aussi de restreindre le nombre de transferts de détenus souffrant de troubles mentaux.

Les plaidoiries finales à l’intention des cinq membres du jury se poursuivront ce mardi.

Ashley Smith, originaire de Moncton, au Nouveau-Brunswick, est morte lors de sa détention à l’Établissement pour femmes Grand Valley, près de Kitchener, en Ontario, à l’automne 2007. La détenue, qui avait tendance à s’automutiler, est décédée à l’âge de 19 ans dans sa cellule en isolement mais sous le regard de ses gardiens.

«Il ne s’agit pas d’un grand malentendu (…) Ce ne fut pas improvisé. Il s’agissait d’un ordre évalué soigneusement par ceux qui l’ont donné», a plaidé Me Roy.

La mort d’Ashley Smith est survenue quelques mois après l’arrivée de Mme Berry au poste de directrice du pénitencier de Kitchener. En contre-interrogatoire le mois dernier, Mme Berry a assuré à plusieurs reprises n’avoir jamais donné de telles directives aux agents. Elle a aussi affirmé qu’elle faisait confiance à son adjointe, Joanna Pauline, pour dire aux gardiens à quel moment ils pouvaient entrer dans la cellule d’Ashley Smith.

Me Roy a tenté de démontrer que les agents correctionnels, qui étaient initialement intervenus dans la cellule d’Ashley Smith après qu’elle eut enroulé du tissu autour de son cou, ont succombé à de la pression accrue de la haute direction pour rester à l’extérieur de sa cellule à moins que son décès soit imminent.

Aussi, l’avocat Howard Rubel, qui prenait la parole pour les employés de première ligne, s’est montré en désaccord avec l’hypothèse de l’homicide. Il a dit croire à une possible confusion des directives dans l’esprit des agents correctionnels, mais a soutenu que ceux-ci ne s’étaient jamais vraiment pliés à l’ordre de ne pas entrer dans la cellule.