Le PDG de la SOLIM congédié par Jean Lavallée devant Tony Accurso, mal à l’aise

MONTRÉAL – Richard Marion, qui a été PDG de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds, de 1995 à 2004, s’est fait annoncer son congédiement par Jean Lavallée, président du conseil de la SOLIM, devant l’entrepreneur Tony Accurso, à son restaurant L’Onyx à Laval.

Devant la Commission Charbonneau, mercredi, l’ancien PDG de la division immobilière a décrit l’importance de l’entrepreneur Tony Accurso auprès du Fonds de solidarité de la FTQ, plus particulièrement de la SOLIM.

À la SOLIM, Tony Accurso «avait son mot à dire», même s’il était un entrepreneur qui sollicitait des fonds à la SOLIM, a admis M. Marion.

Pour illustrer l’ambition de M. Accurso, M. Marion a relaté une conversation qu’il a eue avec lui, lorsque M. Accurso était intéressé à acheter des terrains face au Centre Bell, au centre-ville de Montréal, pour y construire des immeubles d’appartements en copropriété. M. Marion, lui, trouvait que le marché n’y était pas propice à l’époque.

«Écoute Tony, ce n’est pas un projet que je veux faire. Et à part de ça, ce n’est pas dans mon mandat d’acheter des terrains; on veut faire du développement immobilier, c’est ça mon mandat. Tu n’auras pas tout, avec moi», lui a dit M. Marion.

«Tu n’as pas compris? Je veux tout», lui a répondu M. Accurso. Selon M. Marion, M. Accurso voulait alors dire tous les projets possibles avec la SOLIM.

Il a déjà été mis en preuve par la commission que M. Accurso était un grand ami de Jean Lavallée, qui était à la fois président du conseil de la SOLIM, siégeait au Fonds de solidarité et était président de la FTQ-Construction jusqu’en novembre 2008.

«Les gens de l’industrie trouvaient qu’Accurso en menait large», a rapporté M. Marion.

C’est d’ailleurs devant M. Accurso que M. Marion a été congédié par Jean Lavallée.

«Tu n’as jamais rien fait pour moi», lui a lancé Jean Lavallée, avant de le «lapider d’injures et de gros mots» pendant 10, 15 minutes. Puis il a appelé l’entrepreneur Accurso et «a continué». L’entrepreneur était «mal à l’aise, il regardait à terre», a rapporté le témoin.

M. Lavallée lui aurait alors dit «je vais te descendre», une phrase que M. Marion a prise au figuré, dans le sens qu’il veillerait à ce qu’il perde son emploi et que même après, la progression de sa carrière soit bloquée.

M. Lavallée lui a offert 50 000 $ en lui disant «t’es pas mal vieux là, prends ta retraite».

En fait, M. Lavallée lui reprochait surtout d’avoir refusé certains projets qu’il lui avait présentés, en plus d’avoir mis fin au contrat de son neveu, Stéphane Lavallée, qu’il lui avait dit d’embaucher.

Il a cité un troisième facteur à son renvoi: son adjoint Guy Gionet voulait son poste et coulait de l’information à Jean Lavallée sur les dossiers qui étaient présentés à la SOLIM.

M. Marion a cité trois dossiers soumis par Jean Lavallée dans lesquels il a refusé que la SOLIM investisse: la marina Brousseau à Saint-Sulpice, un projet d’édifice d’appartements en copropriété à Saint-Léonard et la pourvoirie Joncas dans le parc de La Vérendrye.

Dans tous les cas, M. Marion croyait qu’il ne s’agissait «pas d’un deal d’affaires» en immobilier.

Dans le cas du projet d’édifice d’appartements en copropriété, en plus, il voyait trop de proximité avec des représentants de la FTQ-Construction, qui envisageaient d’y acheter une unité.

«Ce sont des gens qui sont très près de Johnny Lavallée et le groupe est très près de la FTQ. Et je ne crois pas que la SOLIM a été créée, ou que le Fonds a été créé, pour faire plaisir aux gens de la FTQ en particulier», a répondu M. Marion à la juge France Charbonneau, qui lui demandait ce qui l’avait indisposé au juste dans ce dossier.

Mais de crainte que le puissant Jean Lavallée lui fasse perdre son emploi s’il refusait des projets qu’il lui présentait, M. Marion ne refusait pas d’emblée. «Un refus catégorique et je serais parti plus tôt de la SOLIM», a avancé M. Marion.

Deux de ces projets ont plutôt été référés à la FIPOE (Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité, le plus gros syndicat de la FTQ-Construction que présidait aussi Jean Lavallée). Un autre a fait l’objet d’un investissement, mais après le départ de M. Marion.

C’est d’ailleurs peu après son refus d’investir dans la marina Brousseau que M. Marion a perdu son poste.

Finalement, M. Marion a touché 1 250 000 $ à son départ et a reçu six ou sept mois de salaire, après près de 10 ans à la présidence de la SOLIM.

Il a dû invoquer un addendum signé en 2001 à son contrat d’embauche, qui prévoyait une rémunération proportionnelle à la plus-value du portefeuille immobilier. Sous sa gouverne, le parc immobilier est passé d’une valeur de 50 millions $ à 330 millions $.

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Ce type de manège a préséance dans plusieurs entreprises. Ces situations ne sont pas l’exclusivité des organismes publics. Combien de professionnel intègre sont congédié ou mené à démissionner au bénéfice d’un ami qui permettra l’avancement personnel de celui qui passe la commande? Les choix politique, la complaisance, serviront toujours à ceux et celles qui ont l’intégrité malléable (ou se disent et sont même reconnus politiquement compétent) et dont l’intérêt personnel fait toile de fonds à toutes leurs décisions. Régulièrement, j’entends des témoignages de gens victimes de situations semblables, situations qui se sont déroulées au su et au vue de plusieurs et souvent de la haute direction. Pourtant rien n’est fait ou mis en place pour corriger ce tir qui vient tarir et entacher les principes éthiques que l’on tente de faire vivre dans notre société. Éventuellement, ces pratiques sont intégrées à la culture de l’entreprise et deviennent la règle non dite dans le processus décisionnel. Ce qui est étonnant est que l’on s’étonne encore de leur existence, que l’on se scandalise lorsqu’ils émergent au grand public. Les comportements éthiques sont l’affaire de tous. Les élus devraient faire figurent de modèle comportementaux. Pourtant, le processus mis en place pour leur sélection reste déficient en matière de mesure des valeurs qui permettraient le redressement nécessaire des pratiques organisationnelles.