Retour à la case départ pour 3 évadés, qui ont comparu avec menottes et chaînes

QUÉBEC – Le retour en cour de trois accusés de trafic de drogue a été ponctué par les bruits des chaînes entravant leurs pieds, lundi, deux semaines après une spectaculaire évasion en hélicoptère qui leur avait permis de se réfugier dans un luxueux condo de Montréal où ils ont été arrêtés dimanche par des policiers.

Vêtus de t-shirts, portant la barbe, menottés, Yves Denis, 35 ans, Denis Lefebvre, 53 ans, et Serge Pomerleau, 49 ans, avaient l’air fatigués lorsque le juge Louis Dionne a suspendu des privilèges qui ont facilité leur évasion héliportée du Centre de détention de Québec, le 7 juin.

Au jury, le juge Dionne a annoncé que deux de ses décisions, rendues le 24 mars dernier, n’étaient plus appliquées, ce qui empêchera notamment les trois hommes de sortir ensemble, les soirs de procès, dans la cour de la prison d’où ils se sont envolés.

Deux nouveaux chefs d’accusation, relatifs à l’évasion, ont aussi été déposés contre les trois hommes, dont le procès pour trafic de drogue, qui s’était poursuivi en leur absence, a repris avec eux devant le juge Dionne.

Comme c’est le cas depuis le début du procès, en avril, l’audience s’est déroulée sous haute sécurité, le public et les journalistes étant soumis à une fouille exhaustive avant d’entrer.

Deux agents étaient en permanence dans le box vitré où les trois accusés ont suivi la reprise des travaux, tandis que leurs moindres mouvements suscitaient le cliquetis des chaînes aux chevilles qui les entravent, un bruit de fond présent, dans la plus vaste salle du palais de justice de Québec, où les procédures vont se poursuivre cet été.

Les prévenus sont arrivés tôt au palais de justice dans des fourgons cellulaires séparés, sous forte escorte policière.

Les trois hommes étaient détenus depuis l’opération Écrevisse en 2010, qui avait démantelé un réseau de trafiquants de drogue. Après leur évasion, un mandat de recherche international avait été émis, mais c’est dans un appartement du Vieux-Montréal qu’ils ont été retrouvés.

Selon ce qu’a révélé la Sûreté du Québec lundi, ils avaient en leur possession une somme de près de 100 000 $ comptant lors de leur arrestation. Un véhicule stationné dans la rue au moment de l’opération a aussi été saisi par les policiers.

Lundi, dans le cadre du procès pour trafic de stupéfiants, les jurés ont pu entendre le témoignage d’un expert de la Gendarmerie royale du Canada qui a présenté une analyse de courriels retrouvés dans un téléphone portable.

Lors d’une pause, le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Antoine Piché, a reconnu qu’il n’a jamais vu de cas pareil, où des accusés qui ont fui leur procès reviennent devant le tribunal.

«La justice va pouvoir suivre son cours et avoir plein effet, a-t-il dit aux journalistes. Tant et aussi longtemps qu’on n’aurait pas retrouvé ces gens-là, la justice aurait suivi son cours, le jury aurait rendu le verdict qu’il aurait jugé à-propos, mais pour qu’elle prenne vraiment tout son sens, il fallait la présence des accusés.»

M. Piché a expliqué pourquoi le procès, qui sera suivi de deux autres, dont un pour meurtre, n’avait pas été interrompu malgré l’évasion des trois hommes, qui seront de retour au tribunal mercredi.

«On considérait qu’il était dans l’intérêt de la justice de le poursuivre», a-t-il dit, en soulignant que les évasions en cours de procès sont très rares.

Après leur procès pour trafic de drogue, Yves Denis, Denis Lefebvre et Serge Pomerleau doivent aussi subir à Montréal un procès pour meurtre, dont la date était prévue au début de 2015, jusqu’à leur évasion. M. Piché, qui est aussi responsable de ce dossier, a expliqué que la poursuite demandera le maintien de la date.

La spectaculaire évasion héliportée d’il y a deux semaines a plongé la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault, dans l’embarras. Mme Thériault a multiplié les déclarations contradictoires. Quatre jours après l’évasion, elle a finalement mandaté une enquête interne et affirmé ensuite que des fonctionnaires lui ont menti.

Mme Thériault avait notamment attribué au juge Dionne une décision d’abaisser la cote de sécurité des accusés, alors qu’il a seulement procédé à des aménagements sans changer leur évaluation, en raison notamment de risques d’évasion connus.

En mars dernier, le juge Dionne avait ainsi accepté qu’ils puissent aller prendre l’air dans la cour de la prison de Québec, les soirs du procès, qui a débuté en avril.

La magistrat a suspendu lundi ce privilège, entre autres. Serge Pomerleau n’utilisera plus d’ordinateur portable dans sa cellule. Avec cet appareil, dont les fonctions de communications avaient été désactivées pour des raisons de sécurité, le prisonnier pouvait ainsi consulter des éléments de preuve en format numérique.

En plus des chaînes aux chevilles, les trois accusés conserveront aussi leurs menottes durant leur procès, alors qu’ils avaient obtenu d’en être libérés afin de pouvoir prendre des notes durant les audiences.