TORONTO – Un ex-détenu français à la prison américaine de Guantanamo qui est aujourd’hui un militant pacifiste a été arrêté mardi à sa descente d’avion à Toronto, pour des motifs de sécurité nationale, et il pourrait bien être renvoyé chez lui, selon son avocat.
Mourad Benchellali, de Lyon, est connu pour son travail en matière de «déradicalisation» chez les jeunes islamistes et il devait donner une série de conférences sur le sujet au Canada. Il a été détenu dès mardi soir comme un prisonnier à sécurité maximum à l’Aéroport de Toronto après que les agents de l’immigration eurent refusé qu’ils puissent retirer sa demande d’entrée au Canada et rentrer volontairement en France.
Selon son avocat, Hadayt Nazami, les autorités auraient maintenant changé d’avis et seraient prêtes à le laisser regagner son pays — dès mercredi soir, semble-t-il. L’Agence des services frontaliers du Canada a refusé de commenter.
M. Benchellali, aujourd’hui âgé de 34 ans, s’était rendu pendant plusieurs mois en Afghanistan, en 2001, à la demande de son frère aîné. Croyant d’abord à des vacances d’aventures, il s’est rendu compte qu’il était tombé dans un camp d’entraînement d’Al-Qaïda, soutient-il aujourd’hui. Capturé alors qu’il tentait de quitter le pays après les attentats du 11 septembre 2001, M. Benchellali a été livré aux militaires américains, qui l’ont expédié à Guantanamo Bay.
Les militaires américains l’ont ensuite remis aux autorités françaises en juillet 2004, et il a été condamné en 2007 pour associations de terroristes; cette condamnation a toutefois été renversée en 2009. Selon son avocat, M. Benchellali s’est appliqué depuis à combattre la radicalisation des jeunes Français.
Me Nazami soutient que le Service canadien du renseignement de sécurité et la Gendarmerie royale du Canada avaient tous deux autorisé sa visite de cinq jours au Canada. M. Benchellali avait gagné le Canada via l’Islande, pour éviter de survoler les États-Unis, où son nom figure toujours sur la liste d’interdiction de vol, selon son avocat français.
M. Benchellali devait notamment donner à huis clos des conférences sur la déradicalisation à des responsables de la police et de la sécurité. Il devait aussi rencontrer des professionnels et des jeunes montréalais, pour le tournage d’un documentaire produit pour la télévision anglaise de Radio-Canada.
La productrice Eileen Thalenberg, de la maison Stormy Nights, n’en revenait pas, mercredi. «Dans un texto, Mourad m’a écrit: ‘je ne croyais pas un jour me retrouver encore dans une combinaison (orange) de détenu’.»
Pour les besoins du documentaire, M. Benchellali devait notamment rencontrer Christianne Boudreau, dont le fils Damian Clairmont, de Calgary, a été tué en Syrie en combattant aux côtés des islamistes.