OTTAWA – Des ministres fédéraux affirment que le texte de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe sera disponible au cours des prochains mois, mais que les Canadiens pourraient ne pas pouvoir voter sur son contenu avant qu’il ne soit ratifié.
Le gouvernement Harper, qui présente l’entente comme une «nouvelle donne» pour le pays, a entamé une campagne nationale de relations publiques, en mettant à profit les ministres, les députés et des partenaires importants.
Il n’était cependant pas possible de savoir jusqu’à quel point les citoyens ordinaires ne faisant pas partie d’organisations importantes pourront faire valoir leur avis, ou s’ils disposeront d’un canal officiel pour ce faire.
Selon le porte-parole néo-démocrate en matière de commerce, Don Davies, ce que le gouvernement conservateur prévoit en ce moment n’est certainement pas suffisant, en raison de l’affirmation voulant que l’accord avec l’Europe soit le plus important jamais signé par le Canada.
«Les Canadiens ont le droit d’être consultés de façon significative… et d’une façon qui nous permette d’inclure une partie de ces avis dans l’entente finale», dit-il.
«Cette démarche fait partie de leur approche à huis clos et secrète par rapport au commerce, où seules les parties les plus intéressées ont droit de parole.»
Le Nouveau Parti démocratique réserve son jugement sur l’accord jusqu’à ce que le texte final soit divulgué.
Les ministres du Commerce international et des Affaires étrangères, Ed Fast et John Baird, ont par ailleurs laissé entendre que l’accord sera sans doute approuvé par le Parlement avant que les électeurs ne soient appelés aux urnes en 2015.
Selon MM. Fast et Baird, les Canadiens ont donné un «mandat fort» aux conservateurs pour négocier l’entente lors des dernières élections générales, et l’accord fera l’objet d’un débat aux Communes.
Les deux hommes ont refusé de répondre à des questions visant à savoir si le gouvernement atteindrait la tenue des prochaines élections avant de ratifier l’accord.
L’accord de libre-échange canado-américain, puis ensuite l’Aléna, qui a ajouté le Mexique à l’équation, ont tous deux été débattus en campagnes électorales fédérales avant d’être ratifiés par la suite au Parlement.
Au dire du ministre Fast, bien qu’une version juridiquement correcte du texte soit prévue d’ici quelques mois, les paramètres généraux de l’entente sont établis et ne seront pas modifiés, comme le martèle le premier ministre Stephen Harper.
Le député conservateur de Beauce, Maxime Bernier, s’est rangé à l’avis de ses collègues du caucus, affirmant que des produits comme les crevettes pêchées dans la région de Matane, actuellement soumises à des tarifs à l’exportation en Europe de l’ordre de 20 pour cent, pourraient désormais être vendues sans l’ajout de taux douaniers.
«L’accès plus important aux fromages européens sera rapidement absorbé par le marché canadien, et il n’y aura pas d’impacts négatifs pour les producteurs québécois», a-t-il également ajouté.
Le Conseil des Canadiens, qui s’oppose à l’accord, soutient que l’opération de relations publiques du gouvernement ne peut se substituer à un débat légitime sur la valeur de l’entente.
Des audiences publiques sont réclamées par le Conseil, afin que les Canadiens puissent évaluer le contenu de l’entente.
L’entente, annoncée la semaine dernière par M. Harper et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, est le point culminant de quatre longues années de négociations et, si elle est acceptée par les deux parties, pourrait représenter l’un des plus grands succès du gouvernement.
L’accord formerait probablement l’un des piliers de la plateforme conservatrice même s’il est ratifié avant les élections. Les conservateurs pourront alors prétendre qu’ils sont capables d’atteindre leurs objectifs en matière de politique commerciale.
Des estimations en provenance de l’Europe laissent présager d’un délai allant jusqu’à deux ans pour que les 28 membres de l’Union européenne ratifient l’accord, ce qui amènerait approximativement la date de la signature au moment de la tenue des prochaines élections fédérales canadiennes, en octobre 2015.