OTTAWA – Depuis l’annonce du saut en politique de Pierre Karl Péladeau, certains maires s’inquiètent de la propriété par un souverainiste du Québec de médias au Canada anglais.
Le maire de Portage la Prairie, au Manitoba, fait partie de ceux qui s’indignent du fait que le principal journal local de sa municipalité est détenu par un magnat des médias souverainiste. «C’est une sacrée honte que le gars a choisi d’être séparatiste», a lancé Earl Porter, dans un entretien téléphonique.
Beaucoup a été dit déjà sur le saut soudain de Pierre Karl Péladeau dans la campagne électorale au Québec sous la bannière du Parti québécois, et sur l’étendue de son groupe médiatique Québecor dans la province.
Mais ce qui est moins connu est que les gens qui résident à Fort McMurray ou Grande Prairie, en Alberta, Kenora, Sault Sainte Marie, London ou Niagara Falls, en Ontario, consultent un journal local détenu par Québecor — une entreprise dont M. Péladeau contrôle près de trois quarts des actions à droit de vote.
En fait, Québecor se targue d’être «le plus important éditeur de journaux au Canada», avec plus de 30 quotidiens payants — la plupart en Ontario — et près de 200 hebdos locaux, revues publicitaires et publications spécialisées.
«Les médias d’information influencent beaucoup de choses et beaucoup de décisions dans tous les aspects de la vie», a affirmé M. Porter, qui s’est plaint de la réduction de la publication à seulement deux fois semaine du journal Daily Graphic de Portage à la suite de la prise de contrôle par Sun Media, propriété de Québecor.
«D’avoir un séparatiste à la tête, dirigeant le flot de nouvelles au reste du Canada, est illogique. Ce n’est simplement pas juste», a-t-il ajouté.
Deborah Haswell, la mairesse de Owen Sound, en Ontario, où le quotidien Sun Times est une institution locale ayant été réduite à une peau de chagrin par une série de réductions des coûts décidée par les propriétaires — actuellement Sun Media — a dit avoir pris conscience avec étonnement de l’étendue des propriétés médiatiques de Québecor.
«C’est plutôt inquiétant de voir quiconque dans une position politique, dans une position d’autorité, être autant investi dans l’information du jour», a commenté en entrevue Mme Haswell.
Elle a fait valoir que les gens faisant le saut en politique active se doivent de prendre des décisions quant à leur vie personnelle et leurs entreprises, ajoutant qu’«avec un mandat comme séparatiste, la situation est angoissante pour le pays à l’égard de la position (de M. Péladeau) et de sa capacité à rejoindre les gens».
M. Péladeau a abandonné son implication au quotidien dans Québecor il y a un an, et a dit, dans la dernière semaine, qu’il laissait de côté toutes ses fonctions dans l’entreprise. Il a toutefois affirmé ne pas avoir l’intention de vendre ses actions dans la société initiée par son père.
Dwayne Winseck, professeur de journalisme à l’Université Carleton, a fait valoir que les consommateurs d’information n’ont d’autres choix que de «croire aveuglément que Pierre Karl Péladeau est un homme juste qui établira un mur de Chine entre ses politiques et ses médias».
«Et en fait, personne ne croit cela», a ajouté celui qui est aussi directeur du Canadian Media Concentration Research Project.
Il y a ceux qui prennent au mot les garanties de M. Péladeau et de Sun Media que l’implication politique du propriétaire ne teintera pas les positions éditoriales des journaux.
«Nous ne voyons tout simplement pas un lien entre ses propres vues politiques et l’impact sur le produit local de Sun Media dans cette ville», a dit David Goyette, adjoint exécutif au maire de Peterborough Daryl Bennett.
Mais Debbie Amaroso, mairesse de Sault Sainte Marie, croit pour sa part que les ambitions politiques de M. Péladeau soulèvent des inquiétudes quant à «l’influence que cela peut avoir sur l’information».