QUÉBEC – Ce n’est pas en s’appuyant sur un règlement de zonage municipal que l’État québécois fera taire les prédicateurs islamistes, selon un des porte-parole de la communauté musulmane québécoise.
Le Québec doit plutôt se donner les outils législatifs qui lui permettront de contrer le discours de tels prédicateurs peu respectueux des valeurs démocratiques, a fait valoir lundi Haroun Bouazzi, le coprésident de l’Association des musulmans et des arabes pour la laïcité au Québec, en marge de son témoignage devant la commission parlementaire qui se penche sur la future politique d’immigration.
«S’il y a vraiment un problème de liberté d’expression, c’est pas à travers un règlement de zonage qu’on s’attaque à ce genre de problèmes», a fait valoir M. Bouazzi, jugeant que la manoeuvre s’apparentait davantage à du «bricolage démocratique» et à un «show médiatique».
M. Bouazzi commentait en point de presse la décision récente de la Ville de Montréal de ne pas octroyer de permis au centre communautaire Ashabeb, dirigé par un imam fondamentaliste et controversé, Hamza Chaoui, parce qu’il s’apprêtait à se livrer à des activités religieuses dans un secteur de la ville où le zonage l’interdit.
Si c’est le seul outil à notre disposition et que demain l’imam Chaoui va s’installer ailleurs, «on va faire quoi?», s’interroge-t-il.
Ce n’est donc pas le bon moyen, selon lui, pour éviter que se propagent les idées sexistes et homophobes, de même que les discours d’incitation à la haine.
«S’il y a appel à la haine, il faut évidemment prendre action» et «mettre en place d’autres outils législatifs, si aujourd’hui on ne les a pas, et si on veut vraiment s’opposer à ce genre de discours», a-t-il suggéré.
À ce sujet, l’association est d’accord avec la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui recommandait récemment d’ajouter une disposition à la Charte des droits visant à prohiber les propos ou les actes qui exposent des personnes à la haine pour un motif de discrimination interdit.
«Dans une société où existent des discours haineux contre les homosexuels, les femmes, les musulmans ou les juifs, cette disposition nous apparaît essentielle pour protéger les groupes vulnérables», soutient l’association dans son mémoire.
M. Bouazzi a exhorté le gouvernement Couillard à cesser de tergiverser en intervenant rapidement pour clore le débat sur toutes les questions de laïcité de l’État et de lutte à l’intégrisme religieux.
«Il faut fermer le débat, a-t-il plaidé. Plus vite on va régler ces problèmes, le mieux c’est.»
Dans son mémoire, l’association a aussi insisté sur l’importance de faciliter l’intégration des immigrants au marché du travail, notamment en offrant une formation en anglais aux nouveaux arrivants uniquement francophones et en accélérant le processus de reconnaissance des diplômes obtenus dans le pays d’origine.
Immigrants trop scolarisés
La Fédération des chambres de commerce du Québec a renchéri devant la même commission pour réclamer une meilleure adéquation entre la sélection des immigrants et les besoins de main-d’oeuvre du Québec.
Elle estime «qu’il est urgent pour le gouvernement de revoir en profondeur ses critères de recrutement» à l’étranger, a lancé la présidente de l’organisme, Françoise Bertrand, en rappelant que le taux de chômage des immigrants était beaucoup plus élevé que dans la population en général.
La fédération juge que les immigrants choisis sont trop scolarisés, souvent de niveau universitaire, alors que les besoins se situent davantage aux niveaux professionnel et technique. On veut aussi recruter des travailleurs peu qualifiés, dans certains secteurs d’activité «où les conditions de travail sont difficiles».
Elle est aussi d’avis qu’on accorde trop de points à la connaissance du français lors du recrutement. Certains candidats ont des compétences, mais ne parlent pas bien français, et sont de ce fait trop vite éliminés, déplore la fédération.