Recouvrement des salaires: le gouvernement Couillard fait marche arrière

QUÉBEC – Le gouvernement Couillard fait marche arrière dans son opération de recouvrement des salaires versés en trop à des employés de la fonction publique depuis 2012.

Dans une note transmise jeudi aux ministères et obtenue par La Presse Canadienne, le Conseil du trésor annonce qu’il suspend la récupération de ces sommes versées en trop à la suite d’une erreur de l’employeur. Dans certains cas, des travailleurs avaient à rembourser jusqu’à 40 000 $.

«Compte tenu des discussions avec les syndicats et des négociations en cours, la décision a été prise à l’effet de suspendre la récupération des sommes versées en trop à l’endroit de tous les employés qui pourraient être visés par cette opération», peut-on lire dans la note signée par le directeur général des ressources humaines, Rhéal St-Pierre. Le Conseil du trésor invoque donc notamment les négociations en cours dans le secteur public pour justifier sa volte-face.

Pourtant, jusqu’à tout récemment, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, restait inflexible et exigeait le remboursement de ces sommes, au nom de l’équité. Le recouvrement devait d’ailleurs s’amorcer au cours du mois.

À l’origine de ce différend se trouve une directive d’embauche du Conseil du trésor qui visait à rendre la fonction publique plus attrayante, mais qui avait été mal interprétée. La Commission de la fonction publique avait ensuite noté dans un rapport que l’application de la directive avait été incorrecte dans au moins 600 dossiers, pour du personnel qui a été recruté entre mai 2012 et mai 2013.

Selon les données du gouvernement, pas moins de 716 employeurs doivent rembourser des sommes, en plus d’être reclassés à une échelle inférieure, tandis que dans 849 dossiers, des travailleurs toucheront un salaire supérieur. Le Conseil du trésor n’a jamais fourni d’estimations sur les sommes totales en jeu.

Cependant, une porte-parole du Conseil du trésor, Marie-Ève Pelletier, a indiqué, jeudi après-midi, que l’opération était suspendue «pour l’instant» en laissant entendre que cette décision pourrait ne pas être définitive.

D’ailleurs, la note transmise jeudi précise que plusieurs des correctifs prévus par l’employeur seront néanmoins mis en place. Les employés qui doivent être reclassés à la baisse, avec un salaire inférieur, le seront bel et bien à compter de la fin de novembre ou du début décembre. De même, ceux qui doivent toucher une hausse rétroactive de leur rémunération l’encaisseront en janvier.

Les syndicats dont les membres sont touchés par ces chamboulements n’étaient pas au courant de ce revirement de situation et l’ont appris par La Presse Canadienne, mais ils ont tenu à réagir.

«C’est une sage décision», a affirmé le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), Richard Perron.

À son avis, la partie patronale revient à la raison après des contestations récentes à l’échelon local de la révision, des contestations qui lui ont donné tort.

«J’ose espérer que c’est le gros bon sens qui a joué, le gros bon sens des gestionnaires qui veulent renouveler leur expertise», a-t-il dit.

Le SPGQ a toujours plaidé que ses 175 membres affectés par le recouvrement n’avaient pas à payer pour les erreurs de l’employeur. Certains se font demander des sommes jusqu’à 40 000 $.

Il fait aussi valoir qu’on ne peut changer en cours de route des conditions de travail en vertu desquelles des personnes ont accepté de bonne foi de joindre la fonction publique. Du reste, le président du SPGQ refuse le maintien de la révision à la baisse du classement dans les échelles salariales.

Et selon M. Perron, cette opération de recouvrement et de révision à la baisse du classement dans les échelles va à l’encontre même de la volonté du premier ministre Philippe Couillard d’attirer du sens neuf au service de l’État.

Le SPGQ est prêt à contester les gestes du Conseil du trésor devant les tribunaux s’il persiste ou s’il revient à la charge avec un recouvrement dans les prochains mois.

Au Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), environ 450 membres sont touchés, pour des sommes allant jusqu’à 20 000 $. La présidente du SFPQ, Lucie Martineau, est restée prudente dans l’attente d’une décision définitive.

«Cela ne veut pas dire qu’ils ne le feront jamais, a t-elle dit dans une entrevue téléphonique. Maintenant je respire mieux, mais j’espère que le ministre (Martin Coiteux) ne la fera jamais (son opération de recouvrement).»

Elle a dit qu’il y avait des «cas pathétiques» parmi ses membres, des personnes qui avaient accepté de faire le saut dans la fonction publique et qui ne l’auraient jamais fait si elles avaient su que les échelles étaient plus basses et qu’on leur réclamerait de tels montants d’argent.

Mme Martineau a fait savoir qu’un grief avait déjà été déposé et qu’elle entendait poursuivre aussi la bataille par tous les moyens possibles.