Remaniement à Ottawa: Joe Oliver remplace Jim Flaherty aux Finances

OTTAWA – Le ministre sortant des Finances du Québec, Nicolas Marceau, espère que son nouvel homologue à Ottawa, Joe Olivier, sera moins «entêté» que son prédécesseur sur le projet fédéral de commission nationale des valeurs mobilières.

L’important portefeuille des Finances fédérales a été confié mercredi au ministre Oliver, âgé de 73 ans, qui remplace ainsi Jim Flaherty.

C’est par ailleurs le ministre d’État aux Sciences, Greg Rickford, un élu ontarien tout comme M. Oliver, qui prend sa place au ministère des Ressources naturelles.

Nicolas Marceau dit accueillir favorablement l’arrivée du nouveau ministre des Finances avec qui il devra travailler, si le Parti québécois demeure au pouvoir après l’élection du 7 avril. Il souligne l’avoir rencontré dans le passé: les réunions étaient cordiales et l’homme faisait preuve d’ouverture, rappelle-t-il.

M. Marceau souhaite que cela soit toujours le cas. Il voudrait que M. Oliver mette de côté le projet fédéral d’une commission pancanadienne des valeurs mobilières, que Québec rejette entièrement. L’Assemblée nationale a même fait adopter une motion unanime pour dire à Jim Flaherty d’abandonner son projet fétiche. Celui-ci avait malgré tout remis le dossier à l’ordre du jour, malgré un revers en Cour suprême qui a confirmé que le droit de légiférer dans ce domaine revient aux provinces et non à Ottawa.

«J’espère évidemment que M. Oliver va se montrer moins entêté sur cette question», a dit M. Marceau en entrevue avec La Presse Canadienne.

Pour Québec, les valeurs mobilières sont de compétence provinciale, point final. Alors pas question d’abandonner cette juridiction à Ottawa, surtout que le système actuel de «passeport» entre les provinces fonctionne très bien, explique M. Marceau.

M. Oliver, un banquier de carrière, qui a aussi été à la tête de la commission des valeurs mobilières de l’Ontario et de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, connaît bien les rouages du secteur. Il a fait des commentaires dans le passé sur la possibilité d’une commission unique.

Il a déjà déclaré que l’absence d’un régulateur national est «un problème auquel aucun autre pays dans le monde n’est confronté», est-il notamment rapporté dans un article du National Post de 2002.

Mais Nicolas Marceau ne veut pas spéculer sur ses intentions.

En même temps, il espère qu’Ottawa «va tracer une ligne sur ce dossier». On a assez perdu de temps et d’argent comme cela, dit-il.

Et comme un nouveau ministre peut signifier un nouveau départ, M. Marceau indique que ses premières discussions avec M. Oliver — si le Parti québécois est reporté au pouvoir — porteront bien sûr sur la commission unique, mais aussi sur les crédits d’impôt des fonds de travailleurs, chers à Québec, mais qui ont été abolis dans le budget fédéral de 2013.

«Il est encore temps (pour le fédéral) de changer de position», croit M. Marceau.

Le premier ministre Stephen Harper a procédé au mini remaniement ministériel mercredi matin, sans convoquer les médias à Rideau Hall. C’est la démission surprise, mardi, du ministre Flaherty qui a provoqué cet effet domino.

Stephen Harper et ses ministres à qui il venait de confier de nouvelles responsabilités ont refusé mercredi matin de répondre aux questions des journalistes massés devant la porte de la résidence du gouverneur général. Les médias n’ont pas eu accès à la cérémonie.

Intercepté en après-midi dans la rue, le ministre Oliver a confié à La Presse Canadienne qu’il avait hâte de commencer son nouvel emploi.

«Ma priorité principale sera de poursuivre les objectifs économiques du gouvernement canadien, soit de créer des emplois et de favoriser la croissance économique», a-t-il indiqué prudemment.

Interrogé sur sa position sur le fractionnement du revenu pour les couples avec enfants — une promesse électorale-clé de 2011 mais qui a récemment fait l’objet de contradictions au sein du cabinet — le ministre Oliver a répondu que le gouvernement allait «respecter la plateforme», après quelques hésitations.

«Mais mon mandat est tout frais, et je n’ai pas eu le temps de regarder les détails», s’est-il empressé d’ajouter avant de mettre fin à la rencontre impromptue.

Ancien banquier, vétéran de Bay Street, il a par ailleurs une importante feuille de route en affaires. Bilingue, Joe Oliver a étudié le droit à McGill puis obtenu une maîtrise en administration des affaires de la prestigieuse université américaine Harvard.

À 73 ans, le ministre est l’un des plus âgés et des moins expérimentés en politique à avoir reçu la responsabilité du portefeuille-clé des Finances. Il a fait son entrée en politique à 70 ans, lors de l’élection de 2011.

Comme ministre des Ressources naturelles, il s’est employé à vendre le pétrole des sables bitumineux aux Américains. Il a multiplié les déclarations et les voyages aux États-Unis pour convaincre l’administration Obama d’accepter le projet de pipeline Keystone XL. Cet oléoduc transporterait le pétrole albertain jusqu’au sud des États-Unis.

Son arrivée aux Finances a immédiatement été critiquée par les partis d’opposition.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) s’est empressé de commenter que le ministre avait eu, à son avis, un passage difficile aux Ressources naturelles avec des déclarations incendiaires, notamment en qualifiant des groupes environnementaux de «radicaux».

«Les citoyens s’attendent à ce qu’un ministre des Finances digne de ce nom adopte une approche plus rigoureuse et moins partisane que celle que M. Oliver avait aux commandes des Ressources naturelles», a fait savoir l’opposition officielle.

Le Bloc québécois a aussi rapidement exprimé ses craintes.

«Les liens de Joe Oliver avec l’industrie pétrolière et ses efforts pour réduire les exigences environnementales pour les projets qui relèvent de la compétence fédérale pourraient bien se traduire par des mesures encore plus complaisantes à l’égard des grandes pétrolières», peut-on lire dans le communiqué diffusé par Louis Plamondon, député bloquiste.