COURSEULLES-SUR-MER, France – Les tractations politiques ont partiellement éclipsé la cérémonie de commémoration des événements historiques qui se sont joués sur les plages de Normandie le 6 juin 1944.
Les nombreux dignitaires présents en sol français pour souligner le 70e anniversaire du Débarquement devaient composer avec la présence du président russe Vladimir Poutine, que certains dirigeants accusent d’alimenter les tensions entre son pays et l’Ukraine.
En matinée, le premier ministre canadien Stephen Harper a mangé à la même table que l’homme fort du Kremlin après avoir déposé une gerbe de fleurs au cimetière canadien de Bény-sur-Mer, où 2000 hommes, pour la plupart originaires du Canada, sont enterrés.
Il est arrivé au dîner officiel donné par le président français François Hollande juste avant le coup d’envoi de la cérémonie commémorant l’offensive majeure des alliés contre les nazis le 6 juin 1944.
Vladimir Poutine a fait son entrée en scène alors que plusieurs leaders de la communauté internationale, dont le président américain Barack Obama, le premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel, se rassemblaient en prévision de la cérémonie.
Pour la traditionnelle photo de famille, le premier ministre canadien s’est installé dans la seconde rangée, souriant, alors que le dirigeant russe se glissait au premier plan, aux côtés de la reine Élizabeth II, de Barack Obama et de François Hollande, entre autres.
La France a décidé d’inviter M. Poutine à l’événement en dépit du désaccord entre le dirigeant russe et ses homologues occidentaux concernant la crise en Ukraine. Le premier ministre canadien a dit appuyer cette décision en raison de l’aide inestimable fournie par l’ancienne Union soviétique aux troupes alliées dans leur lutte contre l’Allemagne nazie.
M. Harper a cependant affirmé qu’il se tiendrait loin du président russe.
Barack Obama, qui avait dit ne pas avoir l’intention de faire des pieds et des mains pour rencontrer Vladimir Poutine, a finalement eu ce que la Maison-Blanche a décrit comme une «conversation informelle» avec son homologue.
Auparavant, Stephen Harper et Barack Obama avaient tenté de persuader François Hollande, Angela Merkel et David Cameron de ne pas rencontrer le leader russe.
Ils ont finalement convenu que les dirigeants européens devraient plutôt profiter de leurs rencontres pour exprimer le désaccord du G7 face à l’annexion récente de la Crimée par la Russie et au fait que le Kremlin semble alimenter le soulèvement dans l’est de l’Ukraine.
Stephen Harper a terminé la journée par une visite à Juno Beach, où les 18 000 soldats canadiens ont joué leur rôle dans la plus importante invasion maritime de l’histoire. M. Harper et son épouse, Laureen, ont été accueillis par le premier ministre français, Manuel Valls, et un groupe de vétérans canadiens qui se sont battus en Normandie.
«Aujourd’hui, nous nous tenons là où des Canadiens ont souffert durant le Jour J», a déclaré le premier ministre lors d’un rassemblement comprenant 99 vétérans de la campagne, ainsi que des centaines d’autres personnes. «Vous avez fait un long voyage pour retrouver une fois de plus vos camarades tombés sous les balles. Ce que vous avez fait ici ne sera jamais oublié.»
«Honorons aussi les familles de ces soldats qui ont tant donné», a-t-il poursuivi.
Le monument aux Canadiens tués au cours de la première journée de la bataille a été dévoilé jeudi à Juno Beach. Chaque soldat a droit à sa plaque commémorative, pour un total de 359. Aujourd’hui, ce secteur est une bande de plage tranquille de huit kilomètres de long, parsemée d’hôtels et de villages touristiques.
Le 6 juin 1944, cette plage et quatre autres ont été prises d’assaut par 130 000 soldats britanniques, américains et canadiens. Ceux-ci s’en sont pris aux fortifications et aux troupes nazies postées dans la région.
À la fin d’août 1944, le Canada comptait plus de 18 000 victimes, dont 5000 morts, dans la campagne de Normandie.
Earl Jewers, âgé de 92 ans, faisait partie de la deuxième vague de soldats à toucher terre, une heure après le début de la bataille. Ses compagnons et lui ont pénétré à «plus de 10 kilomètres» en sol normand. «C’était plus loin que quiconque durant le Jour J», a-t-il rappelé.
M. Jewers n’était pas retourné en Normandie depuis, et il s’est dit heureux d’avoir finalement la chance de revoir Juno Beach, avec sa fille et son petit-fils, cette fois.
«Cela a tellement changé. Je ne sais pas. Vous tentez de garder les souvenirs à distance», a-t-il dit, en prenant une pause de quelques secondes.
Dans une déclaration écrite transmise plus tôt dans la journée, M. Harper a salué le courage des soldats.
«Notre pays est extrêmement fier que les Canadiens aient joué un rôle si déterminant dans la réussite du débarquement du Jour J, l’une des plus grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale, et un moment décisif dans l’histoire du monde. Nous sommes aussi profondément touchés par les énormes sacrifices consentis par nos concitoyens qui, avec une détermination farouche, ont épaulé les Alliés dans l’optique commune de la lutte contre le mal.»
«N’oublions jamais.»