Une conservatrice ontarienne abandonne Harper pour se joindre à Trudeau

OTTAWA – La députée fédérale Eve Adams passe des conservateurs aux libéraux, fatiguée de composer avec un leadership «mesquin et divisif». Elle bénéficiera, pendant sa campagne, du soutien «informel» de son conjoint Dimitri Soudas, l’ancien homme de confiance de Stephen Harper.

L’élue ontarienne a causé la surprise, lundi matin, en annonçant qu’elle siégerait dorénavant avec les libéraux et qu’elle serait candidate à l’investiture dans une circonscription non spécifiée de la région de Toronto.

Assise à la droite de son nouveau chef, Justin Trudeau, elle a affirmé ne plus soutenir les priorités conservatrices, dont le fractionnement du revenu, cette mesure «mesquine» qui profite «seulement à une minorité» — un allégement fiscal qu’elle avait pourtant encensé au cours d’une déclaration en Chambre le 12 décembre dernier.

Sans jamais nommer le premier ministre Stephen Harper pendant sa conférence de presse, à Ottawa, Mme Adams a dit souhaiter se ranger derrière un chef «inspirant» et non pas s’associer à des «brutes» («bullies») qui mènent des campagnes de peur en divisant pour mieux régner.

«Je ne me sens plus à ma place au Parti conservateur, que ce soit sur le plan politique ou intellectuel», a-t-elle résumé, se revendiquant davantage de l’héritage progressiste-conservateur que des valeurs du parti issu de la fusion avec l’Alliance canadienne.

Eve Adams n’était pas exactement une figure de premier plan au sein du gouvernement conservateur. Avant de faire défection, elle occupait le rôle de secrétaire parlementaire de la ministre de la Santé, Rona Ambrose.

Elle s’est toutefois retrouvée sur le radar médiatique l’an dernier lorsque sa lutte pour obtenir une nomination dans une nouvelle circonscription voisine de celle de Mississauga-Brampton-Sud — qu’elle représente déjà — a tourné au vinaigre.

On avait alors reproché à son conjoint, Dimitri Soudas, l’ancien directeur des communications du premier ministre Harper, d’avoir employé des tactiques déloyales, ce qui avait entraîné sa démission (forcée).

Le départ de Mme Adams a donc forcément donné lieu à une multitude de spéculations, tant sur l’impact qu’a pu avoir cette saga politique sur sa décision que sur un potentiel passage de M. Soudas dans le giron du Parti libéral du Canada (PLC).

En conférence de presse, la députée s’est offusquée qu’on lui pose des questions sur son conjoint, laissant entendre que celles-ci étaient sexistes, et M. Trudeau s’est montré évasif en affirmant que Mme Adams entraînait avec elle «une famille, une équipe d’amis et de partisans qui seront très impliqués alors qu’elle tentera de remporter l’investiture».

Face à la déferlante de supputations dans les médias, le personnel des communications du parti a voulu remettre les pendules à l’heure en fin de journée, lundi après-midi.

«M. Soudas n’aura aucun rôle formel avec le PLC», a tranché la directrice des communications pour le chef libéral, Mylène Dupéré.

Mais y a-t-il eu des discussions entre les libéraux et celui qui était considéré comme l’un des plus féroces défenseurs des conservateurs et de son chef?

On ne veut rien dire à ce sujet, au PLC.

Une démission contestée

Eve Adams avait songé «sérieusement à quitter la politique fédérale» avant d’approcher le PLC «il y a quelques semaines».

Elle était alors déjà au courant que le Parti conservateur l’avait larguée, si l’on se fie à la déclaration de John Walsh, le président de la formation politique.

«À la suite de la demande de Mme Eve Adams, il y a quelques semaines à peine, de présenter sa candidature pour le Parti conservateur à un autre siège, je l’ai informée par écrit le 29 janvier qu’elle ne serait pas autorisée à se présenter pour notre Parti aux prochaines élections en raison de son inconduite lors de la course à l’investiture dans Oakville—Nord-Burlington», a-t-il affirmé par voie de communiqué, lundi.

Le premier ministre Harper a fait écho à M. Walsh au cours d’un point de presse suivant sa rencontre avec la chancelière Angela Merkel. «Le conseil national de notre parti est responsable d’un processus de nomination claire et honnête. Il a informé la députée Adams, il y a quelque 10 jours, qu’elle ne sera pas candidate pour des raisons que tous comprendront, je crois. C’est la réalité et c’est la seule raison du développement auquel nous assistons.»

Justin Trudeau, quant à lui, a dit avoir rencontré sa nouvelle recrue pour la première fois en personne la semaine passée.

Il juge qu’elle cadre bien dans l’équipe qu’il est en train de bâtir en prévision des élections générales prévues le 19 octobre prochain.

«L’une des clés, pour que le Parti libéral remporte les prochaines élections, est de convaincre beaucoup de gens qui ont voté pour d’autres partis au dernier scrutin de voter pour ce parti», a-t-il souligné en conférence de presse.

De son côté, le Nouveau Parti démocratique (NPD) trouve bien curieux le changement d’allégeance de Mme Adams et estime qu’il alimente le cynisme des électeurs à l’endroit de la politique.

Car l’ex-députée conservatrice s’est essentiellement magasiné une nouvelle circonscription à des fins opportunistes, a accusé le député néo-démocrate Mathieu Ravignat.

«Elle a essayé de se représenter comme conservatrice à deux reprises; il faut être vendu aux idées des conservateurs pour faire ça», s’est-il exclamé lundi en entrevue téléphonique.

«Là, comme ça n’a pas fonctionné, elle se présente pour le Parti libéral. Je pense qu’il est clair que ça pue», a conclu celui qui avait parrainé, en 2011, un projet de loi d’initiative parlementaire visant à empêcher les élus de changer de parti politique en cours de mandat.