QUÉBEC — La pandémie de COVID-19 a porté chance de façon quasi miraculeuse au gouvernement Legault : en raison du ralentissement économique, il a ainsi pu atteindre, voire dépasser, sa cible de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour 2013-2020.
Par contre, les entreprises ont dû acheter pour un milliard de dollars de droits d’émission de GES à la Californie dans le cadre de la bourse du carbone pour atteindre leurs cibles de réduction.
C’est ce qu’on a pu apprendre du rapport sur la cible de réduction 2020 du gouvernement du Québec rendu mercredi.
Alors que le Québec visait une baisse de 20 % des émissions de GES pour 2020 par rapport au niveau de 1990, il a atteint 26,6 %. C’est 74 mégatonnes rejetées dans l’atmosphère en 2020, par rapport à plus de 83 mégatonnes en 1990.
«On a largement atteint la cible», s’est réjoui le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en conférence de presse mercredi à Québec.
«On ne pavoise pas, on ne se met pas la tête dans le sable», a-t-il toutefois ajouté, en précisant que c’est principalement l’effet de la pandémie.
Rappelons qu’elle a causé un ralentissement économique et une baisse des déplacements attribuable entre autres au télétravail.
De 2019 à 2020, seulement dans le domaine des transports routiers, la baisse a été de 14 %, soit 4,25 mégatonnes en GES de moins, c’est-à-dire la moitié de la baisse totale de 8,7 mégatonnes.
Or, même si elles ont baissé de 2019 à 2020, les émissions dans le secteur du transport ont enregistré une progression très nette de 2013 à 2020.
Ainsi, le transport routier demeure le talon d’Achille du bilan québécois : de 1990 à 2020, les émissions du transport routier ont bondi de 36,8 %.
Et plus précisément, les émissions provenant des camions légers (+124,6 %) ont explosé, ce qui comprend les camionnettes, véhicules utilitaires sport (VUS) et fourgonnettes. De même, les émissions des véhicules lourds ont aussi grimpé considérablement (+166,9 %) .
Le gouvernement Legault écarte toutefois toute forme de mesure de coercition, de pénalités, pour les acheteurs de véhicules plus polluants.
«C’est difficile d’imposer une punition ou une tape sur les doigts quand l’alternative n’est pas disponible», a dit M. Charette.
«Le jour où suffisamment de véhicules électriques seront disponibles dans des délais raisonnables, il y a d’autres options qui pourront être envisagées. Mais actuellement, punir un comportement alors que l’alternative n’est pas disponible serait contre-productif.»
Québec prévoit en outre un rebond des émissions en raison de la reprise économique, alors pourtant qu’on vise une baisse des émissions de GES de 37,5 % pour 2030.
À combien est estimé ce rebond?
Le gouvernement dit que cela n’a pas été estimé, mais le ministère de l’Environnement a «gardé ses chiffres», a-t-on dit lors d’un briefing technique.
«Bien honnêtement, on s’est risqué sans arriver à une évaluation valable, mais ce n’est qu’au cours des prochaines années qu’on pourra prendre la mesure exacte de la pandémie», a soutenu le ministre.
Mais le ministère «a une idée de ce que ce phénomène peut représenter», a-t-on laissé entendre durant le briefing technique.
Le ministre a reconnu que la cible de réduction de 37,5 % des émissions pour 2030 demeurera difficile à atteindre, puisqu’il reste moins de huit ans pour arriver à un bilan de 53,6 mégatonnes de GES. A fortiori, le plan caquiste qui couvre la période 2020-203 ne prévoit que la moitié des mesures pour arriver à cette diminution.
«La marche demeure très haute», a-t-il conclu.
Réactions
Les groupes écologistes et les partis d’opposition notent tous la même chose : c’est la pandémie, donc une situation exceptionnelle, qui a permis d’atteindre la cible pour 2020. Ça, et les réductions d’émissions qui ont eu lieu en Californie, signale le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin.
«Le Québec n’a vraiment pas de quoi pavoiser», se désole-t-il dans une déclaration écrite.
«L’achat massif de réduction d’émissions en Californie ne réduit en rien la pollution dans la province et ne permet pas la mise en place de mesures structurantes au Québec, alors qu’elles sont pourtant essentielles pour l’atteinte et le dépassement de la cible de 2030.»
L’amélioration constatée cette année découle largement de la réduction de l’activité économique pendant la pandémie, «elle est donc temporaire», souligne à son tour la porte-parole libérale en matière d’environnement, Désirée McGraw.
«Le Québec doit redoubler d’efforts», insiste-t-elle. Pour sa part, Québec solidaire (QS) rappelle que le Québec demeure un des États dans le monde qui émet le plus de GES, et que le transport est son talon d’Achille.
«La CAQ empire le problème en sous-finançant le transport en commun et en encourageant l’étalement urbain avec des projets comme le troisième lien», a réagi le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.