Rapport de la vérificatrice: l’accès à un médecin de famille se détériore

QUÉBEC — D’un gouvernement à l’autre, rien ne change: au Québec, l’accès aux soins de santé ne s’améliore pas au fil des ans. Au contraire, la situation tend à se détériorer.

Ce constat implacable provient de la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, qui a déposé jeudi son rapport 2020-2021 à l’Assemblée nationale.

Le défi de la première ligne demeure donc entier, alors qu’il est toujours difficile de figurer sur la liste des patients d’un médecin de famille et, surtout, d’obtenir par la suite un rendez-vous avec lui.

Pourtant, le gouvernement a versé environ un milliard $ en trois ans (de 2016 à 2019) aux médecins de famille sous forme de divers incitatifs visant à leur forcer la main afin qu’ils prennent en charge davantage de patients.

Or, «on n’est pas en mesure de connaître l’efficacité des mesures incitatives de près d’un milliard de dollars» versés aux médecins, a observé Mme Leclerc, en conférence de presse. 

Ce qu’on sait par contre, c’est que le délai d’attente pour voir son nom inscrit sur la liste des patients d’un omnipraticien s’allonge au lieu de diminuer.

En moyenne, les personnes vulnérables doivent patienter pendant toute une année. Le délai maximal d’attente ne devait pourtant pas dépasser trois semaines.

Loin de se résorber au fil des ans, le nombre de personnes vulnérables en attente d’un médecin de famille ne cesse d’augmenter, ayant fait un bond de 73 % ces trois dernières années.

L’implantation du Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF) a des allures d’échec. Pas de doute, la situation «se détériore», écrit Mme Leclerc. En trois ans, le nombre de personnes en attente a bondi de 41 %, passant de 423 215 patients à 597 484.

La difficulté de voir un médecin de famille a une conséquence directe: l’engorgement des urgences des hôpitaux, note la vérificatrice, dans son audit de performance du réseau de la santé, un des volets de son rapport de 250 pages.

Preuve que le système ne fonctionne pas: bien des gens ayant un médecin de famille continuent de se diriger vers l’urgence pour voir un médecin, même pour un problème mineur. C’est le cas de 71 % des patients qui se présentent à l’urgence.

Bref, même si, globalement, la proportion de Québécois ayant officiellement un médecin de famille augmente, il ne faut pas sauter aux conclusions. Cela «peut donner l’impression que l’accès aux services s’améliore», écrit-elle, mais dans les faits, l’inscription ne garantit d’aucune façon que le médecin attitré sera disponible au moment requis.

Ces dernières années, le départ à la retraite de nombreux médecins n’a pas contribué à résoudre le problème de l’accessibilité.

Avec sa loi 20, la cible fixée par l’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette, en 2015, était de faire en sorte que 85 % des Québécois aient accès à un médecin de famille en 2020. «Il a raté sa cible», conclut la vérificatrice générale.

En 2015, c’était le cas pour 71 % de la population, aujourd’hui, c’est 82 %.   

Il est difficile de mesurer l’impact du système Rendez-vous Santé Québec, note la vérificatrice, car les médecins boudent ce service qu’ils n’ont pas l’obligation d’utiliser.

Seulement 6,5 % des médecins offrent des plages horaires en se servant de ce système, qui devait être l’outil privilégié par le ministère de la Santé pour permettre de connaître le délai moyen d’attente entre l’appel et le rendez-vous médical.

Compte tenu du peu d’attrait exercé par ce système, la vérificatrice estime que Québec pourrait, en vertu de la loi 20, obliger les médecins à utiliser Rendez-vous Santé Québec. Cela permettrait de tracer un meilleur portrait de l’accessibilité aux soins.

Réaction du ministre

En fin de journée, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a indiqué qu’il était en train de négocier avec la Fédération des médecins omnipatriciens (FMOQ) le projet de rendre obligatoire l’adhésion des médecins au Rendez-vous Santé Québec.

«On a un plan très clair, qui fait partie de la stratégie qu’on a mise en place pour que les Québécois aient un meilleur accès à leur médecin de famille», a dit M. Dubé, en conférence de presse.

Le but du gouvernement: faire en sorte que tous les Québécois, même ceux qui n’ont pas de médecin de famille, puissent obtenir un rendez-vous avec un médecin en moins de 36 heures, a-t-il précisé, réaffirmant l’engagement pris par la CAQ en campagne électorale, il y a deux ans. 

Les partis d’opposition sont sceptiques.

Québec solidaire retient du rapport que «malgré plus d’un milliard $ en mesures incitatives versé aux médecins, plus de 600 000 personnes sont toujours en attente d’un médecin pour les soigner. Garantir un médecin de famille à chaque Québécois était une promesse phare de la CAQ. Deux ans plus tard, non seulement la liste n’a pas baissé, mais elle a augmenté!», a déploré le porte-parole, le député Sol Zanetti.

L’opposition péquiste fait elle aussi un constat d’échec de la gouvernance caquiste, critiquant sa «gestion de fonds publics déficiente», «catastrophique» en ce domaine. En point de presse, le porte-parole en santé, le député Joël Arseneau, a réclamé «beaucoup plus de rigueur» de la part du gouvernement quant à l’accès aux soins de santé, en développant les outils appropriés pour mesurer les progrès accomplis.

«Le gouvernement fait fausse route sur toute la ligne», selon lui.