QUÉBEC – La preuve est faite que l’équilibre budgétaire a été atteint au prix d’une réduction des services directs rendus à la population, conclut le Protecteur du citoyen dans son rapport annuel 2015-2016 déposé jeudi à l’Assemblée nationale.
L’accès aux soins de santé, aux services sociaux et au soutien à domicile se transforme trop souvent en parcours du combattant, conséquence directe du cumul de deux années de dures compressions budgétaires, conclut l’organisme qui reçoit et analyse les plaintes des citoyens envers l’administration gouvernementale.
La situation est telle qu’elle a atteint un point critique, selon la présidente de l’organisme, Raymonde Saint-Germain, qui a lancé un cri d’alarme à l’intention du gouvernement en commentant son rapport en conférence de presse.
«La situation a atteint un point critique, dans le sens où de plus en plus de citoyens sont en liste d’attente pour recevoir des soins de santé, pensons à des chirurgies. De plus en plus de citoyens sont en liste d’attente pour des services de réadaptation», a-t-elle dénoncé.
Elle exhorte le gouvernement Couillard à se préoccuper davantage de l’impact de ses décisions budgétaires sur les services directs offerts aux citoyens, surtout dans un contexte où la demande ira en augmentant avec le vieillissement accéléré de la population.
«Signal d’alarme: il faut que les services publics soient vraiment axés sur le service et que l’essentiel soit fait pour réduire la bureaucratie, préserver toutes les ressources dans le service direct à la population», selon Mme Saint-Germain.
Son constat est cependant loin d’être partagé par le premier ministre Philippe Couillard, qui a rejeté du revers de la main toute critique de son approche budgétaire.
«Les discours sur les personnes vulnérables, les discours sur la solidarité avec des finances publiques déséquilibrées et un endettement chronique, ce n’est que du vent», a jugé le premier ministre, lors d’une mêlée de presse.
N’empêche, les délais d’attente avant de recevoir un service public se sont allongés au cours de la dernière année, au point de constituer désormais plus du tiers des plaintes fondées formulées au Protecteur du citoyen.
Le nombre de plaintes déposées à l’organisme a grimpé de 12 pour cent au cours de la dernière année.
À Ottawa, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, contrairement au premier ministre Couillard, a accueilli favorablement le rapport. Il a cependant rejeté le blâme sur le gouvernement fédéral, accusé de se traîner les pieds dans le versement des transferts en santé au Québec. «Si le financement (fédéral) n’est pas à la bonne hauteur, il y a des choix qui doivent se faire», a dit M. Barrette, lors d’une mêlée de presse.
La protectrice du citoyen constate que les délais déraisonnables dans la livraison des services publics peuvent entraîner dans certains cas des conséquences néfastes sur la vie de citoyens parmi les plus vulnérables.
Ainsi, des personnes sont privées de services auxquels elles ont droit et dont elles ont cruellement besoin, en raison d’un manque de ressources ou de tracasseries administratives, explique Mme Saint-Germain, estimant que le gouvernement Couillard avait sous-estimé l’impact réel des compressions budgétaires imposées à l’appareil de l’État en vue d’atteindre l’équilibre budgétaire.
Pour réduire ces délais déraisonnables, Québec doit faire deux choses, selon elle: réduire la bureaucratie et privilégier la qualité du service offert à la population plutôt que la performance de gestion. En clair, cela signifierait notamment d’ajuster les règles administratives à la situation réelle des personnes, souvent très vulnérables, qui ne correspond pas nécessairement aux normes établies.
La protectrice du citoyen note que l’écart se creuse entre les besoins de services de soutien à domicile et le nombre d’heures offertes par le gouvernement, qui tend à diminuer considérablement au lieu d’augmenter.
Par exemple, des enfants et des adultes handicapés peuvent devoir attendre des années avant d’obtenir enfin les services dont ils ont souvent un urgent besoin, comme des services de réadaptation, déplore-t-elle par ailleurs. Elle cite le cas d’une femme qui cherchait à inscrire son enfant autiste au centre de réadaptation de sa région. Après un an d’attente, elle s’est fait dire qu’elle devrait attendre encore deux années supplémentaires.
Une dame atteinte de sclérose en plaques bénéficiait de 33 heures par semaine de services de soutien à domicile avant de devoir se contenter de seulement 12 heures, même si sa situation n’avait pas changé. Ne pouvant passer de sa chaise roulante à son lit sans aide, la dame a dû se résoudre à dormir dans son fauteuil roulant.
L’opposition péquiste a réagi en réclamant un réinvestissement dans le réseau de la santé. «Les compressions libérales sont allées trop loin», ont dit en choeur les députés Jean-François Lisée et Diane Lamarre.
«La protectrice confirme les craintes que nous exprimons depuis deux ans et dont témoignent les citoyens quant aux conséquences néfastes de la réforme Barrette sur l’accès aux soins pour les patients», a dénoncé Mme Lamarre, en point de presse.
«Le manque de compassion de ce gouvernement est flagrant et révoltant. Est-ce que le ministre (Barrette) juge que c’est humain de forcer des personnes handicapées qui veulent demeurer à domicile à dormir dans leur fauteuil roulant?», a pour sa part questionné son collègue Jean-François Lisée.
La Coalition avenir Québec (CAQ) estime quant à elle que le gouvernement Couillard vient de recevoir le «pire bulletin de gestion gouvernementale depuis longtemps», a commenté le député Simon Jolin-Barrette.
«Le premier ministre Couillard doit agir immédiatement pour donner suite aux constats accablants émis par le Protecteur du citoyen», selon lui.