OTTAWA — Le gouvernement fédéral a passé beaucoup de temps aux États-Unis dernièrement pour défendre les intérêts du Canada à la veille de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Mais au sein même du Canada, les entreprises travaillent fort pour faire valoir leurs propres intérêts.
Andrea van Vugt, la vice-présidente des politiques pour l’Amérique du Nord du Conseil canadien des affaires, dit que son organisation se préparait pour une renégociation de l’accord commercial même avant la victoire de Donald Trump aux États-Unis.
Peu importe qui était élu à la présidence américaine, l’organisation considérait que l’ALENA ferait l’objet de discussions étant donné la place importante qu’il avait occupée pendant la campagne électorale.
John Manley, un ancien ministre libéral qui est président et chef de la direction Conseil canadien des affaires, est enregistré comme lobbyiste auprès du gouvernement fédéral advenant des changements à l’accord de 23 ans entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Les rapports mensuels de communication remis au commissaire au lobbyisme du Canada ne mentionnent pas spécifiquement l’enjeu de l’ALENA, mais ils démontrent que M. Manley a eu six rencontres dans les six derniers mois lors desquelles il a été question de commerce international. Il s’est notamment entretenu avec le premier ministre Justin Trudeau en avril.
Le Conseil canadien des affaires n’est pas le seul à faire de telles démarches.
La Presse canadienne a trouvé 45 entrées actives dans le registre des lobbyistes, représentant 24 organisations, qui se sont inscrites pour faire valoir leurs intérêts au gouvernement libéral — ou qui ont inscrit des lobbyistes pour le faire pour elles — en vue de la renégociation de l’entente, qui s’ouvrira mercredi à Washington.
Il y avait aussi 1458 inscriptions actives portant notamment sur le commerce international. Une partie d’entre elles représentait des associations telles que Les Producteurs laitiers du Canada, qui n’ont pas parlé spécifiquement de l’ALENA, mais dont les priorités sont clairement liées à l’accord commercial.
Toute activité qui a fait suite au dévoilement des priorités des Américains le mois dernier n’apparaissait pas dans le registre puisque les rapports des rencontres de juillet doivent être remis au maximum la semaine prochaine.
Ces inscriptions représentent une variété d’intérêts: des producteurs agricoles, des constructeurs automobiles, des pharmaceutiques, ainsi que des syndicats.
«Les entreprises canadiennes sont très engagées avec le gouvernement et le gouvernement fait un très bon travail en restant près de l’industrie pour s’assurer qu’il sache ce que sont nos priorités pour les négociations», a souligné Andrea van Vugt.
Les libéraux tentent de parler d’une seule voix, mais cela ne veut pas dire que tous les lobbyistes sont sur la même longueur d’onde.
Jerry Dias, le président national d’Unifor — le plus grand syndicat canadien — offre une perspective bien différente des entreprises qui souhaitent voir l’entente améliorée, mais pas nécessairement revue de fond en comble.
«Vous n’avez aucune idée comme j’ai hâte de participer à réparer ce désastre colossal», a raconté le président du syndicat, qui réclame de plus hauts salaires et des meilleures normes de travail, surtout au Mexique.
Le Conseil canadien des fromages internationaux, pendant ce temps, braque ses projecteurs sur la controversée gestion de l’offre, qui protège l’industrie des produits laitiers en fixant d’importants tarifs sur les importations.
«Nous voulons voir plus de fromage arriver au Canada et nous voulons avoir le droit d’importer ce fromage», a soutenu leur lobbyiste, James McIlroy.
Pour sa part, l’Institut canadien du sucre veut que l’ALENA assouplisse certaines mesures protectionnistes américaines — dont les quotas sur le sucre et certains produits contenant du sucre — en plus de préserver leur accès au marché américain.
«Le problème pour nous est que le Mexique s’est libéralisé, mais il ne s’est pas libéralisé pour commerce avec le Canada», a soutenu Sandra Marsden, la présidente de l’institut.
Le gouvernement libéral a déjà tenu des consultations au sujet des renégociations, mais Carl Rodrigues, de l’entreprise ontarienne Soti, espérerait qu’il y ait plus d’échanges entre Ottawa et le milieu des affaires.
«Il y aura plusieurs négociateurs à la table pour le gouvernement canadien et ils détermineront et influenceront les politiques qui, au final, vont nous affecter», a souligné M. Rodrigues, qui s’est inscrit lui aussi au Registre des lobbyistes.
Il y en a aussi d’autres, comme Les Producteurs de poulet du Canada, qui se sont inscrits au registre, mais qui n’ont pas encore ressenti le besoin d’intervenir même si leur secteur est aussi couvert par la gestion de l’offre.
La porte-parole Lisa Bishop-Spencer dit que l’association a consulté ses homologues aux États-Unis, qui leur ont signifié leur l’intention de ne rien changer.
«Ne gâchons pas une bonne affaire», a-t-elle déclaré.