La direction du CISSS d’Abitibi-Témiscamingue (CISSS-AT) maintient fermement sa position: le décès de Richard Genest, survenu dans la nuit de lundi à mardi, n’aurait pas pu être évité même si l’urgence du CLSC de Senneterre avait été ouverte.
Au contraire, a-t-elle soutenu en conférence de presse virtuelle jeudi après-midi, le fait de passer par le CLSC aurait retardé son transport d’abord à l’hôpital de Val-d’Or et ensuite vers l’hôpital d’Amos.
«Si l’ambulance était allée à Senneterre, le patient serait reparti presque immédiatement en direction de Val-d’Or pour avoir une investigation radiologique qui n’est pas disponible à Senneterre, donc ça aurait augmenté les délais», a affirmé le directeur des services professionnels du CISSS-AT, le docteur François Aumond.
La présidente-directrice générale du CISSS-AT, Caroline Roy, a aussi maintenu que la décision initiale du Bureau du coroner de ne pas tenir d’enquête était la bonne, mais elle a laissé entendre que celui-ci a tout simplement cédé à la pression.
«Quelques heures suivant le décès de l’usager, le Bureau du coroner avait été contacté et avait confirmé à ce moment-là que la situation telle que lui-même l’évaluait ne justifiait pas une investigation, mais là je pense qu’il y a plusieurs questions de la population et de la famille qui sont posées et on a eu la confirmation qu’une investigation est débutée», a-t-elle dit.
1h10 pour avoir une ambulance
Par ailleurs, le directeur régional des services préhospitaliers d’urgence, le docteur Jean-Guy Ricard, conteste les affirmations du fils de M. Genest selon lesquelles l’ambulance a mis 1h30 à arriver au domicile de M. Genest une fois l’appel d’urgence placé. Selon les données recueillies par le CISSS, c’est plutôt 1h10 qu’il faut compter.
Ce retard s’explique d’une part parce qu’il a fallu faire venir une ambulance de la municipalité voisine de Barraute, le seul véhicule disponible à Senneterre étant déjà mobilisé pour le transport d’un autre patient vers Val-d’Or. Par contre, Barraute ne se trouve qu’à une trentaine de kilomètres de Senneterre, mais le docteur Ricard a précisé que l’on n’avait pas accordé la priorité d’urgence à M. Genest à la suite de son appel en raison des symptômes qu’il décrivait. Dans ces conditions, on ne voulait pas laisser Barraute à découvert.
«Les appels sont priorisés selon les informations que l’appelant nous donne et à ce moment on priorise l’affectation des véhicules en conséquence. Je peux vous confirmer que lorsque l’affectation urgente a été faite pour cet appel, le délai d’attente avant l’arrivée des véhicules ambulanciers sur place était de 34 minutes», a-t-il dit.
Il a cependant précisé par la suite que c’est après un appel de réévaluation, 30 minutes plus tard, que la priorité a été rehaussée au plus haut niveau et que c’est à compter de ce moment qu’il a fallu 34 minutes à l’ambulance pour se rendre au domicile de la victime pour l’emmener à Val-d’Or.
Une urgence ouverte n’aurait rien changé
M. Genest a été ensuite transféré de l’hôpital de Val-d’Or à celui d’Amos parce que sa condition, une fissure de l’aorte «grave et subite», exigeait des soins plus spécialisés, en l’occurrence une chirurgie d’urgence. Le docteur Aumond affirme que même si l’urgence de Senneterre avait été ouverte, celle-ci n’aurait pas envoyé M. Genest directement à Amos, mais bien à Val-d’Or, les capacités diagnostiques du CLSC n’étant pas en mesure de déterminer la gravité de la condition d’un tel patient.
Richard Genest, âgé de 65 ans, avait commencé à se plaindre lundi de maux de ventre qui devenaient de plus en plus douloureux à mesure que la journée avançait. Les douleurs sont devenues insupportables durant la nuit et il a appelé une ambulance. Après le trajet vers Val-d’Or et le transfert à Amos, il est décédé dans l’ascenseur de l’hôpital alors qu’on l’emmenait vers une salle d’opération où toute une équipe l’attendait.
Selon le docteur Aumond, la pathologie était à ce point grave qu’il n’ose pas se prononcer sur le résultat si M. Genest avait consulté plus tôt dans la journée. «Oui, le patient aurait pu aller consulter toute la journée. Il a probablement considéré que ce n’était pas si grave parce qu’il n’est pas allé pendant que l’urgence de Senneterre était ouverte. Est-ce que, s’il y était allé plus tôt en journée, ça aurait changé le cours des choses? Possiblement.»
Il s’est toutefois empressé d’ajouter que «c’est une condition pathologique avec un faible niveau de survie, même si tout était en place, même si les événements s’étaient produits en milieu urbain».
«C’est extrêmement difficile de blâmer qui que ce soit, y compris la victime elle-même, a renchéri le docteur Ricard. Vous comprendrez que dans ces circonstances, la pathologie extrêmement sévère, rapide et extrêmement mortelle présente fait en sorte que le décès va bien au-delà des responsabilités d’une organisation préhospitalière ou hospitalière (qui) même parfaite, n’aurait probablement pas sauvé la vie de cette victime.»
L’urgence du CLSC de Senneterre est fermée de 16h à 8h depuis le 18 octobre dernier dans le cadre de la «réorganisation» annoncée par le CISSS-AT et appuyée par le ministre de la Santé, Christian Dubé. Le décès de M. Genest a semé la consternation dans la communauté qui n’a jamais accepté cette fermeture.
Mme Roy a tout de même reconnu que cette situation est préoccupante et que l’on cherche à la corriger.
«On travaille actuellement intensément, même avec la communauté de Senneterre comme partenaire privilégié, pour assurer la réouverture le plus rapidement possible de l’offre de service au CLSC de Senneterre, a-t-elle dit. Même si la situation actuelle n’a pas de lien, n’a pas eu d’impact sur la malheureuse conclusion qui est le décès de Monsieur, on souhaite vraiment maintenir cette offre de service à la population.»
Le docteur Ricard, pour sa part, a rappelé que le territoire couvert par le CISSS représente pas moins de 45 000 kilomètres carrés. «Vous savez, la superficie du Québec et sa densité de population ne nous permettent pas d’offrir des plateaux techniques diagnostiques et thérapeutiques, ni non plus la présence immédiate d’un service ambulancier, partout en tout lieu», a-t-il dit.
«On doit faire des choix», a-t-il répété à plusieurs reprises durant la conférence de presse.