Si le scénario de 2000 se reproduit, Trump croit avoir les votes de la Cour suprême

WASHINGTON — Plus de 81 millions d’Américains ont déjà voté à l’élection présidentielle, mais le président Donald Trump pense pouvoir compter sur les doigts d’une main les votes qui détermineront le résultat.

«Je crois que ça se finira devant la Cour suprême», a-t-il prédit le mois dernier à propos de l’élection.

Les juges du plus haut tribunal ont déjà examiné des dossiers qui concernent le vote dans plus d’une demi-douzaine d’États. Vendredi, le président a vivement critiqué leur décision sur une prolongation du délai pour la réception des bulletins de vote par correspondance en Caroline du Nord, la qualifiant de «folle et mauvaise pour (le) pays».

Ses commentaires désapprobateurs mettent en évidence la tension entre la justice et la politique, que le juge en chef John Roberts espère depuis longtemps éviter. Il y a deux ans, le juge Roberts avait publié une rare réprimande à l’endroit du président Trump, qui avait suggéré que les juges sont fidèles aux présidents qui les nomment.

Pourtant, si le résultat des élections dépend sur un nombre infime de bulletins de vote et qu’une affaire décisive pour les élections devait atterrir devant les juges, M. Trump croit en ses chances d’obtenir cinq voix pour gagner. En effet, avec l’ajout de la juge Amy Coney Barrett cette semaine, les conservateurs détiennent désormais six des neuf sièges du tribunal. Et Donald Trump a nommé trois de ces juges.

Après tout, il est possible que le résultat des élections atterrisse devant les tribunaux. Il y a vingt ans, lorsqu’il a été question du résultat des élections de 2000 en Floride, la Cour suprême a voté à cinq contre quatre, selon les courants idéologiques de chaque juge, pour essentiellement régler l’élection en faveur du républicain George W. Bush.

Dans ce cycle d’élection présidentielle, le plus haut tribunal a déjà dû trancher sur des dossiers concernant le vote et les deux partis, ainsi que le président, reconnaissent que l’environnement est propice à d’autres contestations. Jusqu’à présent, la Cour suprême a été invitée à se prononcer sur une série d’affaires liées aux élections, dans lesquelles républicains ont contesté et les démocrates ont défendu l’assouplissement des règles de vote en raison de la pandémie de coronavirus. D’autres litiges sont probablement à venir, une raison pour laquelle Donald Trump a précipité la confirmation de la juge Coney Barrett afin qu’elle puisse siéger au tribunal avant le 3 novembre.

Évidemment, toute contestation pourrait également avoir peu d’impact si Donald Trump ou l’ancien vice-président Joe Biden gagnait de manière décisive.

«Une tempête parfaite»

Jusqu’à présent, le tribunal a examiné des dossiers électoraux impliquant l’Alabama, le Maine, le Montana, le Rhode Island et la Caroline du Sud. Et au cours des deux dernières semaines, le tribunal s’est rangé du côté des républicains pour empêcher le Wisconsin de compter les bulletins de vote par correspondance qui seraient reçus après le jour du scrutin. Mais le tribunal a donné des victoires aux démocrates en laissant en place des échéances prolongées pour la réception des bulletins de vote en Caroline du Nord et en Pennsylvanie.

Cependant, ni le cas de la Caroline du Nord ni celui de la Pennsylvanie ne sont entièrement résolus. En Pennsylvanie, les juges ont laissé ouverte la possibilité qu’ils puissent décider après l’élection si une prolongation de trois jours pour recevoir et compter les bulletins de vote par correspondance serait appropriée.

La question prendrait une importance énorme si la Pennsylvanie s’avérait être l’État crucial dans l’élection et si les votes reçus entre le 3 novembre et le 6 novembre étaient potentiellement décisifs.

«Ça a l’étoffe d’une tempête parfaite», a soutenu le professeur de droit de l’Université de l’Iowa, Derek Muller, à propos de la situation en Pennsylvanie.

Les bulletins reçus dans la période de trois jours en Pennsylvanie seront séparés afin que ces votes puissent être distingués. Une situation similaire se déroule dans le Minnesota, où les bulletins de vote reçus après le jour du scrutin seront séparés, car une bataille judiciaire est en cours à leur sujet.

D’autres sujets pourraient faire l’objet de contestations judiciaires, dont les boîtes de dépôt utilisées pour recueillir les bulletins de vote et la concordance des signatures liée aux exigences relatives aux bulletins de vote par correspondance.

Au cours des dernières semaines, M. Trump a également affirmé à tort que le vote par correspondance se révélait semé d’embûches et a demandé de manière irréaliste à ce que tous les votes soient comptés le soir des élections. Sa méfiance à l’égard de l’intégrité de l’élection pourrait déclencher d’autres combats judiciaires.

Le pays n’est «pas préparé»

La Cour suprême sur laquelle Donald Trump compte, cependant, est différente de celle qui a décidé Bush v. Gore en 2000. Seuls deux membres de cette cour sont toujours en place: le juge conservateur Clarence Thomas et le juge libéral Stephen Breyer. Trois autres — le juge Roberts, la juge Barrett et le juge Brett Kavanaugh — étaient des avocats qui plaidaient du côté de M. Bush.

Nathaniel Persily, professeur à l’Université Stanford et expert en droit électoral, a déclaré que le pays n’était pas prêt pour une répétition de 2000.

«S’il s’agit d’un scénario Bush contre Gore, avec 500 voix séparant les candidats, nos institutions politiques et nos partis politiques ne sont pas préparés à cette situation pour le moment», a-t-il soutenu.