Suspension des travaux à l’Assemblée nationale: «pas pour faire peur au monde»

QUÉBEC — L’Assemblée nationale a siégé brièvement mardi le temps de débloquer des fonds d’urgence et d’adopter quatre projets de loi, avant de suspendre ses travaux jusqu’au 21 avril.

Lors d’un point de presse hors du commun, les leaders parlementaires Simon Jolin-Barrette (CAQ), Marc Tanguay (PLQ), Gabriel Nadeau-Dubois (QS) et Martin Ouellet (PQ) ont expliqué poser ce geste «extraordinaire» pour limiter la propagation de la COVID-19.

L’Assemblée nationale emboîte le pas à la Chambre des communes, qui a adopté vendredi une motion semblable d’ajournement. L’objectif est de donner l’exemple aux citoyens en se conformant aux consignes de santé publique en matière d’isolement et de télétravail.

M. Jolin-Barrette a précisé que les parlementaires demeureront disponibles dans leurs circonscriptions respectives pour assurer les services à la population. Bien qu’il soit déconseillé de se présenter en personne dans les bureaux de comté, il sera toujours possible de rejoindre les députés par téléphone ou par courriel.

«Les 125 élus de l’Assemblée nationale sont là pour accompagner, aider, répondre aux questions de leurs concitoyens», a déclaré M. Jolin-Barrette.

«La raison pourquoi on suspend l’Assemblée nationale, c’est pas pour faire peur au monde, c’est pour donner l’exemple, c’est pour faire la démonstration que quand la santé publique donne des directives, ce n’est pas optionnel», a pour sa part affirmé M. Nadeau-Dubois.

Avant de suspendre les travaux de la Chambre mardi, un petit nombre d’élus ont adopté des «éléments essentiels» pour le gouvernement, notamment des crédits supplémentaires à hauteur de 2,6 milliards $. Il s’agit d’argent qui pourra être décaissé à court terme pour payer les garderies et les salaires dans le réseau de la santé, par exemple.

Les quatre formations politiques représentées à l’Assemblée nationale se sont également entendues pour adopter le budget 2020-2021 pour assurer une «stabilité économique». Par contre, de l’avis de Simon Jolin-Barrette, le gouvernement devra «fort probablement» présenter une mise à jour économique au cours des prochains jours.

Les projets de loi 31 et 43, qui accordent davantage de pouvoirs aux pharmaciens et aux super-infirmières, ont également été adoptés, mardi. De plus, les projets de loi 41, un omnibus budgétaire, et 48 sur les taxes foncières agricoles, ont obtenu le feu vert des parlementaires.

«Nous, comme députés, on a un devoir d’exemplarité par le comportement que l’on a devant vous aujourd’hui, unis devant cette adversité», a déclaré M. Tanguay, qui, fait rarissime en politique, a louangé la réaction du gouvernement Legault face à cette crise, la qualifiant de «très bonne».

«Le Parti québécois est heureux d’avoir participé à cet effort de collaboration, ensemble en solidarité et en humanité, a renchéri M. Ouellet. J’invite les Québécois à adopter toutes les mesures que le gouvernement mettra de l’avant pour nous sécuriser et pour faire face à cette crise.»

Si les partis politiques ont dû faire des «compromis» pour arriver à adopter plusieurs éléments en accéléré mardi, en renonçant notamment à leur droit de parole en Chambre, cet effort est «tout à fait normal dans les circonstances», selon Québec solidaire.

«Souvent, les commentateurs et je pense aussi beaucoup de citoyens disent: « Ah, les députés, ça ne fait rien que se chicaner ce monde-là ». C’est vrai que ça nous arrive de nous chicaner, mais là aujourd’hui on a la démonstration que quand ça compte vraiment, on est capable de travailler ensemble, de mettre nos allégeances partisanes de côté et travailler pour le bien commun», a conclu Gabriel Nadeau-Dubois.

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Quelques informations historiques…

Ce n’est pas la première fois que l’Assemblée nationale du Québec doit suspendre ses travaux à cause de circonstances jugées exceptionnelles.

La Chambre a ajourné le 10 novembre 1852 en raison de l’épidémie de choléra qui s’est déclarée à Québec. Les travaux ont repris le 14 février 1853, soit environ trois mois plus tard.

Le 27 août 1879, le Conseil législatif s’oppose à l’Assemblée et décide d’ajourner le vote des subsides aux chemins de fer. Le 2 septembre 1879, devant l’impasse créée par la divergence d’opinions entre les deux corps législatifs (la chambre haute et la chambre basse), le premier ministre de l’époque, Henri-Gustave Joly de Lotbinière, propose l’ajournement. Les travaux reprennent le 28 octobre 1879.

Le 7 novembre 2002, le gouvernement péquiste de Bernard Landry présente une motion d’ajournement des travaux de l’Assemblée nationale jusqu’au 19 novembre 2002, afin de permettre à tous les députés de participer au «Rendez-vous des régions».

Source: Assemblée nationale du Québec