Taxis: Québec propose d’augmenter l’indemnisation mais les chauffeurs s’indignent

MONTRÉAL — Pour mieux indemniser l’industrie du taxi, Québec a proposé lundi d’augmenter la redevance perçue sur chaque course, afin d’amasser l’argent nécessaire pour rembourser à tous les titulaires de permis l’équivalent de leur coût d’acquisition.

Le ministre des Transports, François Bonnardel, a ainsi annoncé lundi son intention de déposer un amendement au projet de loi 17 pour faire passer la redevance de 0,20 $ par course annoncée le mois dernier à 0,90 $ — pour une période limitée, et pour un maximum de 270 millions $. Cette redevance sera payée par les clients, sur le principe de «l’utilisateur-payeur», a indiqué M. Bonnardel.

Le gouvernement estime qu’il pourra amasser cette somme en cinq ou six ans.

Sur cette enveloppe de 270 millions $, une somme de 10 millions $ sera mise de côté pour aider les propriétaires de permis ayant des besoins particuliers, comme de devoir consulter un conseiller financier, par exemple.

L’indemnisation aux titulaires sera donc à la hauteur du prix d’achat de leur permis — peu importe la date d’acquisition — et non pas de leur valeur marchande.

Le gouvernement estime que le coût total déboursé par les titulaires de permis lors de l’achat est de 760 millions $.

Pour le ministre, «il s’agit d’une proposition responsable afin que les titulaires de permis puissent récupérer leur investissement sans avoir recours à davantage de fonds publics». Il a expliqué que ceux qui ont acquis leur permis il y a 20 ans ont pu amortir le coût d’achat sur plusieurs années, contrairement aux plus récents acheteurs.

L’aide totale du gouvernement québécois à l’industrie du taxi et aux chauffeurs atteindrait ainsi 814 millions $, selon le ministre.

Cette somme est détaillée de la façon suivante: 250 millions $ versés en 2018 aux titulaires de permis, 250 millions $ annoncés en mars 2019, le 270 millions $ ajouté lundi, et la somme de 44 millions $ offerte à l’industrie pour se moderniser, notamment pour développer des applications technologiques, cette dernière cagnotte provenant des redevances payées par Uber depuis 2017.

Une proposition mal accueillie

Le dépôt du projet de loi 17 sur la déréglementation de l’industrie du taxi en mars a suscité la colère des chauffeurs, qui ont manifesté contre leur traitement à plusieurs reprises et ont même déclenché des grèves.

Cette nouvelle proposition n’est pas de nature à apaiser leur grogne.

D’abord, ils n’ont pas été consultés: le ministre leur a fait part de cette décision alors qu’ils étaient en train de discuter de différentes avenues pour moderniser leur industrie et assurer sa pérennité, a déploré le porte-parole de l’industrie, Abdallah Homsy.

Il dénonce la redevance, qui revient «à taxer les clients», selon lui. «Pourquoi c’est le client qui paie? Pourquoi pas Uber?» demande-t-il.

Il est aussi insurgé contre le fait que le gouvernement propose de payer aux titulaires de permis le prix d’achat uniquement, alors que leur valeur a augmenté considérablement au cours des années, atteignant même plus de 200 000 $.

«Certains de ces chauffeurs viennent de perdre leur fonds de retraite», déplore-t-il, jugeant que cette proposition gouvernementale oublie aussi ceux qui ont hypothéqué leur permis pour acheter une maison.

«Il y a une détermination totale de ce gouvernement-là de détruire l’industrie et de laisser la place juste à Uber», résume M. Homsy.

L’indemnisation totale réclamée par les chauffeurs de taxi est de 1,3 milliard $ de dollars, car les permis ne vaudront plus rien, disent-ils, après la déréglementation à venir. Le projet de loi 17 prévoit notamment la fin du plafonnement du nombre de permis, qui fera baisser la valeur de ceux existants. Et les permis ont déjà perdu de leur valeur avec l’arrivée de la multinationale Uber, fait valoir l’industrie du taxi.

Selon le député libéral Gaétan Barrette, porte-parole de l’opposition officielle en matière de transports, le gouvernement fait un pas dans la bonne direction, mais il juge que tout ce dossier aurait pu être réglé au moment du dépôt du projet de loi, avec une compensation adéquate.

Il s’agit d’une situation d’expropriation, sans que les règles n’aient été respectées, dit-il.

Et cela a comme résultat que les citoyens vont devoir payer «la taxe Bonnardel», une «taxe qui va être payée par le contribuable, au point de service», décrit-il.