Tests de dépistage: les provinces canadiennes suivent des chemins différents

VANCOUVER — Les provinces les plus durement touchées par la COVID-19 augmentent leur capacité pour réaliser des tests au moment où elles envisagent de rouvrir leurs économies.

Selon des experts en maladies infectieuses, la pandémie ne sera pas éliminée si les autorités ne réalisent pas plus de tests, si elles ne recherchent pas assidûment les contacts des personnes atteintes et si elles n’ont pas plus recours à des mises en quarantaine.

La Presse canadienne a effectué une analyse des données concernant les tests réalisés dans certaines provinces au cours d’une période de six semaines commençant à la fin du mois de mars.

Les provinces aux prises avec le plus grand nombre de cas — le Québec, l’Ontario, la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et l’Alberta — ont adopté des stratégies différentes pour déterminer qui doit subir un test et quand.

Ces décisions ont été en partie influencées par la capacité de leurs laboratoires ainsi que par les ressources dont elles disposaient pour réaliser ces tests.

Le Dr Peter Phillips, un professeur du département des maladies infectieuses de l’Université de la Colombie-Britannique, avance que le rationnement des tests est devenu moins important au fur et à mesure que les capacités augmentaient.

Selon lui, maintenant que les restrictions en matière de santé publique se sont assouplies, les provinces et territoires doivent maintenir des critères moins étendus afin de détecter et d’isoler rapidement les cas de COVID-19.

Voici comment certaines des provinces les plus durement touchées ont géré cette situation:

Québec

Au Québec, les autorités ont accusé un certain retard sur le reste du pays au chapitre des tests, même si la province s’est retrouvée au coeur de la pandémie.

Selon Nimâ Machouf, épidémiologiste et professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, une grande partie des données sur les tests au Québec reflète la pénurie de matériel dans la province pour faire passer des tests.

En conséquence, explique-t-elle, le Québec a gardé ses critères de test étroits, en se concentrant sur les segments de la population où il y avait probablement des cas plus positifs.

Mme Machouf croit que le taux réel de propagation communautaire au Québec est probablement beaucoup plus élevé que ne le montrent les tests.

Le gouvernement du Québec a récemment annoncé qu’il intensifierait massivement les tests, promettant d’en réaliser de 14 000 à 15 000 par jour à une période où les entreprises et les écoles rouvriront progressivement.

Mme Machouf espère que ce ne sont pas seulement les personnes présentant des symptômes qui subiront des tests, mais aussi leurs contacts. Elle souhaite aussi que des tests soient réalisés de façon aléatoire afin de déterminer le nombre de cas asymptomatiques au sein de la population.

Ontario

La province la plus peuplée du Canada était initialement à la traîne du reste du pays en ce qui concerne les tests de dépistage.

Le gouvernement ontarien a été critiqué pour son faible taux de dépistage par habitant.

On y compte le deuxième plus grand nombre de cas au pays, derrière le Québec.

Au début de la crise, l’Ontario n’avait pas assez de centres d’évaluation, puis il lui manquait la capacité de laboratoire pour traiter les tests, puis il lui manquait des produits chimiques nécessaires pour les tests.

Son retard s’est élevé à 11 000 tests, mais la province est parvenue à l’effacer. Au début d’avril, l’Ontario effectuait moins de 4000 tests par jour, bien qu’elle pût en réaliser 13 000.

Le ministère de la Santé affirme que de nouvelles directives ont été données afin de baisser les normes afin de pouvoir tester davantage de personnes.

La Dre Camille Lemieux, chef de la médecine familiale au University Health Network de Toronto, juge qu’il est important d’avoir des chiffres précis au moment où les autorités cherchent à relancer les activités économiques dans la province.

Elle souhaite que la province réalise plus de tests et sur un plus grand nombre de travailleurs de la santé, qu’ils présentent ou non des symptômes.

Selon la Dre Lemieux, chaque personne qui le souhaite devrait pouvoir être testée, même si elle ne présente pas ou peu de symptômes. Des tests aléatoires devraient aussi être menés.

Nouvelle-Écosse

Le Dr Todd Hatchette soutient qu’une stratégie dynamique a permis d’atténuer l’épidémie de la COVID-19 en Nouvelle-Écosse.

Chef du département de microbiologie de la Santé publique de la Nouvelle-Écosse, le Dr Hatchette demande que tous les contacts d’une personne atteinte par la COVID-19 soient testés à leur tour, qu’ils soient symptomatiques ou non.

La Nouvelle-Écosse vient de recevoir du matériel qui lui permettra de réaliser quotidiennement de 2500 à 3000 tests. Les autorités affirment toutefois que ses capacités sont supérieures à ce nombre puisque la saison de la grippe est terminée. Il y a moins de gens qui se présentent avec des symptômes liés à la COVID-19.

Du 21 mars au 3 avril, un peu plus de 7000 tests ont été effectués en Nouvelle-Écosse. Ce nombre a été porté à près de 11 000 du 4 au 17 avril.

Au cours des deux dernières semaines d’avril, le nombre de tests a chuté à 9700

Au chapitre du ratio test/habitant, la province se situe au troisième rang au pays, derrière les Territoires du Nord-Ouest et l’Alberta.

Le Dr Hatchette mentionne que la plupart des tests peuvent être concentrés en un seul laboratoire en raison de la faible population de la province. Selon lui, il s’agit d’un avantage par rapport aux provinces plus populeuses.

Colombie-Britannique

Bien que la gestion de l’épidémie par la Colombie-Britannique ait suscité des éloges, le nombre de tests réalisés dans la province a toujours été inférieur à celui des quatre autres provinces les plus touchées au pays.

Le ministère de la Santé affirme que les laboratoires ont la capacité de réaliser environ 65 000 tests par jour et que les lieux de collecte sont bien approvisionnés.

Mais la semaine dernière, les tests quotidiens effectués variaient d’environ 18 000 à 28 000.

La D Bonnie Henry, médecin chef-hygiéniste de la province, a déclaré qu’il n’y a pas de nombre spécifique de tests à effectuer chaque jour, mais qu’il est important de tester les bonnes personnes.

Selon le Dr Peter Phillips, il existe de plus en plus de preuves que les personnes qui sont entrées en contact avec un cas, qu’elles soient liées à une éclosion donnée, devraient être testées même si elles ne présentent pas de symptômes.

La Colombie-Britannique prévoit d’intensifier les tests avant l’automne quand on comptera plus de personnes souffrant de maladie respiratoire, comme la grippe.

Alberta

L’Alberta se vante d’avoir l’une des capacités de test les plus élevées au monde.

La province veut augmenter le nombre de tests, un élément essentiel de sa stratégie de relance économique.

Le ministre de la Santé, Tyler Shandro, a annoncé que la décision d’ouvrir des entreprises et de reprendre les activités exige que la province dispose des informations les plus précises et détaillées possible.

La Dre Ameeta Singh, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital Royal Alexandra d’Edmonton, affirme que les systèmes de santé et de laboratoire centralisés de la province pourraient être l’une des raisons de son taux élevé de tests.

L’Alberta peut effectuer jusqu’à 7000 par jour, mais sa moyenne récente est inférieure à 4000.

La province est ambitieuse puisqu’elle vise à augmenter sa capacité journalière à 16 000 d’ici juin.

La médecin-hygiéniste en chef, la Dre Deena Hinshaw, affirme que la province n’a pas l’intention de maximiser constamment sa capacité de test, mais vise à ralentir le système en cas de surtensions potentielles.

Elle dit que moins de tests sont effectués parce que les taux de transmission sont inférieurs quand la population est en confinement.