«Thérapies de conversion»: le nouveau projet de loi libéral serait plus restrictif

OTTAWA — Le gouvernement libéral s’apprête à déposer une version plus serrée de son projet de loi, mort au feuilleton, visant à interdire la «thérapie de conversion» pour les homosexuels.

Nicholas Schiavo, de l’organisme «No Conversion Canada», soutient que des représentants du gouvernement lui ont dit que le nouveau projet de loi «laisserait moins de place aux échappatoires». Le projet de loi rendrait maintenant illégal d’essayer, par la «thérapie de conversion», de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, même si cette personne avait donné son «consentement» à une pratique au demeurant discréditée. 

Moins ambitieux, le précédent projet de loi C-6 voulait interdire le fait de forcer des adultes à suivre une thérapie de conversion «sans leur consentement». Par ailleurs, on interdisait carrément cette pratique pour les enfants, qui seraient trop jeunes de toute façon pour donner leur consentement.

La Chambre des communes avait adopté le projet de loi, mais il n’a pu être adopté plus tard au Sénat avant que la chambre haute n’ajourne ses travaux pour l’été, et C-6 est finalement mort au feuilleton lorsque le premier ministre Justin Trudeau a déclenché des élections anticipées, en août. 

Les libéraux ont toutefois promis de présenter à nouveau le projet de loi dans les 100 premiers jours d’un nouveau mandat, qui a débuté lorsque les ministres ont prêté serment le 26 octobre. 

Chantalle Aubertin, attachée de presse du ministre de la Justice, David Lametti, qui avait présenté le premier projet de loi, a assuré que le gouvernement libéral était déterminé à «interdire complètement» la thérapie de conversion. M. Schiavo espère effectivement que la nouvelle version aura plus de mordant et qu’elle sera déposée dans les premières semaines de la nouvelle session au Parlement, qui commence lundi prochain.

«Ce que nous avons entendu, et ce qu’on souhaite, c’est que le prochain projet de loi prévoit une interdiction complète des pratiques de conversion, sans aucune échappatoire en fonction de l’âge, de l’identité de genre ou de la foi», a-t-il déclaré. «Nous avons parlé avec plusieurs juristes qui disent qu’une telle interdiction totale résisterait à toute contestation fondée sur la Charte» canadienne des droits et libertés.

Que feront les conservateurs ?

Le projet de loi C-6 avait été lourdement amendé et contesté par plus de la moitié du caucus conservateur, mais fortement appuyé par les autres partis aux Communes.

Des voix progressistes déploraient tout de même un grave défaut de base du projet de loi: le «consentement» à la thérapie de conversion ne pouvait être valide, puisqu’il s’agit déjà d’une pratique nocive et discréditée. De nombreux jeunes qui avaient «consenti» à la pratique n’avaient pas saisi dans quoi ils s’embarquaient, ou acceptaient sous la contrainte de la famille ou des leaders spirituels, estime l’organisme «No Conversion Canada».

La thérapie de conversion comprenait parfois des électrochocs et des séances intensives pour réprimer toute attirance qui n’était pas hétérosexuelle. Cette pratique est déjà interdite dans de nombreux pays du monde, notamment à Malte et en Allemagne; la Nouvelle-Zélande s’apprête à le faire.

Les libéraux ont consulté d’autres partis pour tenter d’obtenir un soutien politique avant le dépôt du nouveau projet de loi. Le Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique et la direction conservatrice devraient l’appuyer. Erin O’Toole s’est déjà prononcé contre la thérapie de conversion, comme plusieurs députés conservateurs. Mais d’autres ont voté contre les tentatives antérieures, affirmant que le projet de loi C-6 risquait de criminaliser une simple conversation avec un leader spirituel ou un thérapeute.

Le projet de loi devrait inclure des dispositions visant à garantir la liberté d’expression, y compris les discussions privées et les sermons dans des contextes religieux, ainsi que toute discussion sur l’identité de genre, indique-t-on. M. Schiavo espère que le chef conservateur veillera cette fois à ce que tous ses députés appuient le nouveau projet de loi. «Je ne crois pas qu’il devrait y avoir des votes de conscience sur des questions qui sont inadmissibles», a-t-il déclaré.

Un survivant d’une thérapie de conversion «fondée sur la foi» a déclaré que l’expérience l’avait poussé à tenter de se suicider. Un autre a rappelé qu’il avait 19 ans lorsque, sur les encouragements de sa famille, il s’est engagé dans une église évangélique à Kingston, en Ontario. Il a déclaré qu’il avait subi des rituels qui impliquaient de jeûner pendant des jours avant que des membres de l’église ne lui imposent les mains pour chasser le démon.