Thérapies de conversion: les Communes adoptent le projet de loi à l’unanimité

OTTAWA — La Chambre des communes a été le théâtre d’un rare geste exempt de politique partisane, mercredi, alors que les conservateurs ont fait adopter une motion à l’unanimité pour accélérer le passage du projet de loi qui interditles «thérapies de conversion» au Canada.

Il a fallu s’y prendre deux fois, à cause d’un problème de traduction, mais la motion du député conservateur Rob Moore qui proposait de sauter toutes les étapes des Communes et d’envoyer tout de suite au Sénat le projet de loi, a été adoptée, applaudie, ovationnée par tous les élus.

La députée conservatrice Michelle Rempel Garner y est allée d’une série de sautillements de joie, les bras en l’air. Justin Trudeau et ses ministres ont traversé de l’autre côté, serré les mains de leurs adversaires conservateurs, oubliant un instant les règles de pandémie. Le premier ministre a serré dans ses bras son ami et ministre Seamus O’Regan, un homme ouvertement gai.

Néo-démocrates et bloquistes ont également participé à l’élan généralisé.

«C’est une journée fantastique», a souri le ministre de la Justice David Lametti, à l’extérieur de la Chambre. Entouré de quatre de ses collègues membres de la communauté LGBTQ2+, M. Lametti a refusé de revenir sur les positions passées des conservateurs qui avaient empêché l’adoption de projets de loi semblables.

«Je ne vais pas parler du passé. On va parler d’un avenir qui est beaucoup plus positif, un avenir qui est beaucoup plus juste, un avenir qui est beaucoup plus inclusif. Ça, c’est l’important. Ce qui s’est produit dans le passé, je m’en fous», a laissé tomber le ministre.

«C’est un soulagement pour toute la communauté aussi de ne pas avoir à assister à un autre débat déchirant autour de cette question-là, pour éviter des traumatismes à la communauté», s’est félicitée Pascale St-Onge, ministre des Sports, alors que trois de ses collègues retenaient difficilement leurs larmes.

Le projet de loi C-4 interdit les «thérapies de conversion», largement discréditées en tant que pratiques néfastes, visant à essayer de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’un individu. 

Ce projet de loi a été tenté deux fois auparavant par le gouvernement libéral, freiné, chaque fois, par des élus, puis des sénateurs conservateurs, et envoyé à une mort au feuilleton par une prorogation de session, puis un déclenchement d’élections.

La troisième fois aura été la bonne.

Lorsque 62 des 119 députés conservateurs avaient voté contre une version antérieure, ilsestimaient que le libellé du projet de loi était trop large et pourrait criminaliser une simple conversation sur la sexualité entre un enfant et ses parents ou un mentor religieux.

La version adoptée par les Communes avec l’appui de tous est plus sévère que la précédente, interdisant ces thérapies aux adultes, comme aux enfants, qu’il y ait consentement ou pas. Le ministre Lametti estime qu’il ne peut y avoir consentement «à la torture».

La suite au Sénat et le comportement du caucus conservateur qui y siège sont imprévisibles.

«Le Sénat est autonome de ses décisions. Je vais laisser mes collègues commenter à cet effet-là», a offert le leader parlementaire des conservateurs, Gérard Deltell, à sa sortie des Communes.

Quant à expliquer le revirement de ses collègues élus, «ceux qui avaient des choses à dire ont pu le dire (…) et nous estimions qu’il fallait maintenant le remettre là où il était il y a six mois, c’est-à-dire au Sénat», a-t-il dit. M. Deltell en a profité pour reprocher longuement à M. Trudeau d’avoir déclenché les élections qui ont coupé court à l’adoption du projet de loi antécédent, faisant oublier rapidement la bonne entente qui s’était manifestée de l’autre côté des portes des Communes, un court instant.