Trudeau réagit aux menaces de Trump d’utiliser l’armée pour mater les manifestations

OTTAWA — Certains silences sont lourds de sens. Et c’est par un très long silence que Justin Trudeau a accueilli mardi matin une question sur Donald Trump qui menace d’envoyer l’armée pour mater les manifestations antiracistes dans les villes américaines.

L’effet était probablement calculé puisque lorsqu’il a traduit sa réponse en français, le premier ministre Trudeau l’a préfacée par un soupir d’exaspération.

Lorsqu’il a parlé, M. Trudeau a dit que tous regardaient avec «horreur et consternation» ce qui se passait aux États-Unis.

«Ceci est un temps pour rassembler les gens, un temps pour écouter», a-t-il enchaîné, laissant peut-être entendre que le président américain tenait plutôt un discours qui divise.

Puis, il s’est empressé de faire un mea culpa canadien. Il a répété qu’il y avait du racisme au Canada, «de la discrimination systémique», a-t-il précisé. 

Il faut «comprendre ça, (…) vraiment comprendre ça, (…) ne pas juste voir le contraste avec les États-Unis et dire on est beaucoup mieux ici. (…) Nous avons de grands défis au Canada aussi», a-t-il ajouté.

Lorsque le journaliste qui avait évoqué Donald Trump a réclamé une critique plus directe du président américain, le premier ministre a simplement répondu que son travail consiste à défendre les Canadiens, leurs intérêts et leurs valeurs.

Quelques minutes plus tard, M. Trudeau se levait en Chambre pour faire un discours sur le racisme au Canada. Il est revenu sur l’épisode de «black face» de son passé.

«On est prêt à travailler avec nos collègues de l’opposition, les leaders communautaires et les Canadiens pour faire de notre pays un endroit plus égal et plus juste. Le racisme n’a jamais sa place chez nous et nous allons tout faire pour l’éradiquer d’un océan à l’autre», a offert M. Trudeau devant ses collègues parlementaires.

«Nous devons faire plus qu’appeler à la paix. Je crois que nous devons appeler à la justice», lui a répondu le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.

Le chef par intérim du Parti conservateur a, lui aussi, dénoncé le racisme. «Nous sommes tous créés à l’image de Dieu», a déclaré Andrew Scheer.

Toutefois, seule l’élue du Parti vert Elizabeth May s’est permis un commentaire sur Donald Trump. «Le président des États-Unis est en train de fomenter de la haine et de la violence», a-t-elle accusé.

Le chef bloquiste, lui, a tenu à nuancer le diagnostic de «discrimination systémique».

«Je pense que le gouvernement canadien n’est pas raciste, que le gouvernement québécois n’est pas raciste, que les gouvernements de nos municipalités ne le sont pas non plus, mais qu’il peut rester des traces de choses odieuses dans nos institutions», a déclaré Yves-François Blanchet.

Dans son discours, M. Blanchet a ainsi appelé les parlementaires à réécrire «nos règles pour en extirper ce qu’il pourrait y rester de discriminatoire».

Depuis le meurtre à Minneapolis de George Floyd par un policier, des manifestations et des émeutes secouent plusieurs villes aux États-Unis.

Québec s’engage à présenter un plan de lutte au racisme

À Québec, les députés ont adopté à l’unanimité une motion initiée par Québec solidaire (QS) demandant au gouvernement de présenter un plan de lutte au racisme et à la discrimination.

La chef parlementaire de QS, Manon Massé, a expliqué avoir volontairement exclu le terme «racisme systémique» de la motion afin qu’elle soit votée à l’unanimité.

«Le premier ministre (François Legault) a déjà dit que lui, il ne reconnaissait pas ça, a-t-elle déclaré en point de presse. Pour nous, ce qui est important, (…) c’est de faire en sorte qu’il y ait un plan de lutte au racisme.»

Elle a tout de même déploré, dans son langage coloré habituel, que le mot «systémique» soit «comme un oignon qu’on a au pied: personne ne veut en parler».

Pour sa part, M. Legault a dit souhaiter que le racisme soit abordé à l’école. «Le racisme n’est pas inné, ça se transmet, a-t-il dit. Il faut que l’école serve comme une partie de la solution.»

Il a affirmé que son gouvernement enverrait des «directives claires» aux corps policiers dans le but d’éliminer le profilage racial. «C’est tolérance zéro», a-t-il statué.

Le premier ministre souhaite par ailleurs que la fonction publique québécoise soit plus diversifiée. Or, le «problème», selon lui, c’est que les fonctionnaires oeuvrent majoritairement dans la ville de Québec, où il y a moins de communautés culturelles.

M. Legault a également reconnu, mardi, que l’affaire Floyd faisait des ravages jusque sur sa propre page Facebook : plusieurs commentaires d’internautes racistes ont dû être supprimés, a-t-il révélé.