Trump pensait gagner en cour; les juges ne sont pas d’accord

WASHINGTON — Le président Donald Trump et ses alliés sont convaincus que leurs poursuites visant à renverser l’issue du scrutin présidentiel de 2020 prouveraient qu’ils ont raison, si seulement les juges acceptaient d’entendre leurs arguments.

Leur argumentation est toutefois fallacieuse: des juges qui ont entendu les arguments juridiques utilisés par l’équipe Trump les ont démolis, souvent avec un langage peu flatteur.

Et cela tient aussi bien pour les juges nommés par un président démocrate qu’un président républicain, voire les juges nommés par M. Trump lui-même.

Leurs décisions rejetant les allégations sans fondement de fraude électorale de M. Trump mettent en lumière non seulement la futilité des efforts du président pour saboter la volonté de la population, mais aussi le rôle que jouent les tribunaux pour contrer sa tentative sans précédent de se maintenir au pouvoir.

Cela n’empêche pas les poursuites de se multiplier. Mardi, le procureur général du Texas, Ken Paxton, a poursuivi la Géorgie, le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie; il s’appuie sur une série de plaintes déjà rejetées pour leur reprocher d’avoir violé la constitution. M. Paxton demande à la Cour suprême des États-Unis d’invalider les votes de leurs 62 grands électeurs pour M. Biden — ce qui offrirait la victoire au président sortant et serait sans précédent dans l’histoire du pays.

Depuis le 3 novembre, des juges du Michigan, de la Pennsylvanie, de la Géorgie, de l’Arizona et du Nevada ont tous rejeté les allégations de M. Trump.

Cela n’empêche pas M. Trump de répéter à tous ceux qui veulent l’écouter que, dans les faits, il a remporté l’élection.

Face à la multiplication de ses défaites juridiques, le président a commencé à s’adresser directement aux législateurs. Il a invité des parlementaires du Michigan à la Maison-Blanche dans l’espoir de faire invalider le résultat dans leur État. Il a appelé le gouverneur de la Géorgie, Brian Kemp, pour lui demander de convoquer une session spéciale de l’assemblée législative pour renverser l’issue du scrutin; M. Kemp a refusé. M. Trump a aussi appelé le président républicain de la Chambre des représentants de la Pennsylvanie, qui lui a répondu être impuissant à renverser la décision des électeurs.

Et M. Twitter a lancé sur Twitter, en majuscules: «J’AI GAGNÉ L’ÉLECTION, AMPLEMENT».

Ce n’est pas vrai. Ce qui est vrai, en revanche, est que M. Trump commence rapidement à manquer de marge de manoeuvre. De la cinquantaine de poursuites déposées jusqu’à présent par son équipe, plus de 35 ont été abandonnées ou rejetées. La Cour suprême des États-Unis devrait se prononcer cette semaine concernant une poursuite issue de la Pennsylvanie. Une bonne portion des poursuites témoignent d’une incompréhension du fonctionnement d’une élection.

En Géorgie, par exemple, le juge fédéral Timothy Batten, qui avait été nommé par le président George W. Bush, a rejeté une poursuite intentée par l’avocat Sidney Powell. Ce dernier a récemment été renvoyé par l’équipe juridique de M. Trump, ce qui ne l’empêche pas de continuer à répéter des allégations sans fondement.

Sa poursuite décrivait différents stratagèmes aboutissant à une vaste fraude électorale en faveur de M. Biden. Le juge Batten a balayé ses arguments du revers de la main, affirmant que la poursuite cherchait à faire fi de la volonté des électeurs de la Géorgie. Cet État a confirmé la victoire de M. Biden lundi, après avoir compté les votes pas moins de trois fois.

«Ils veulent que ce tribunal substitue son jugement à celui des 2,5 millions d’électeurs de la Géorgie qui ont voté pour Joe Biden, et je ne suis pas prêt à faire ça», a dit M. Batten.

Pendant sa présidence, M. Trump a nommé plus de 150 juges fédéraux et obtenu la nomination de trois juges à la Cour suprême.

Comme le fait M. Trump, ses avocats attaquent l’inclinaison politique de tout juge qui prétend que leur argumentation est fallacieuse.

Quand un tribunal d’appel de Philadelphie n’a mis que quelques jours à rejeter une poursuite du camp Trump, une conseillère du président, Jenna Ellis, a dénoncé «l’appareil juridique militant de la Pennsylvanie».

Mais M. Trump avait nommé le juge qui a rédigé l’opinion publiée le 27 novembre.

«Les présidents sont choisis par les électeurs, pas par les avocats. Les bulletins de vote, et non les poursuites, décident de l’issue des élections», a écrit le juge Stephanos Bibas. Il a ajouté que la demande de bloquer le résultat du vote en Pennsylvanie était «à couper le souffle».

Les trois membres du tribunal avaient été nommés par des présidents républicains. Leur décision appuyait celle rendue par le juge fédéral Matthew Brann, un magistrat conservateur membre de la Federalist Society.

Le juge Brann avait qualifié la poursuite défendue devant lui par Rudy Giuliani de collage «désordonné» ressemblant au «monstre de Frankenstein».