SANFORD, Fla. — Plus provocateur que jamais par rapport au coronavirus, le président Donald Trump a fait de son premier rassemblement électoral, depuis qu’il a contracté la COVID-19, un éloge à sa gestion de la pandémie qui a tué 215 000 Américains. Il a même plaisanté en disant se sentir si bien qu’il pourrait embrasser tout le monde dans la foule.
D’ailleurs, aucun respect de la distance physique n’était observé dans la foule et le port du masque demeurait bien aléatoire parmi les milliers de personnes présentes pour le retour du président en Floride. Il s’est adressé à ses partisans durant environ une heure dans l’espoir de relancer une campagne difficile à quelques semaines du scrutin.
Bien qu’il ait été hospitalisé il y a à peine une semaine pour combattre la COVID-19, Donald Trump n’a rien changé à son discours, une prétention discutable que la pandémie est chose du passé. Pourtant, des centaines de personnes meurent toujours chaque jour des complications de la maladie à coronavirus aux États-Unis.
«Sous mon leadership, nous livrons un vaccin sécuritaire et une récupération rapide comme personne ne peut l’imaginer, a soutenu M. Trump. Si vous regardez notre remontée, aucun pays dans le monde n’a récupéré comme nous avons récupéré.»
Sa voix pouvait sembler légèrement plus rauque, mais pour le reste, Donald Trump était encore bien Donald Trump.
Chahuteur et belliqueux, il a remercié le public pour leurs souhaits de prompt rétablissement et a déclaré qu’il n’était plus contagieux au moment d’entamer le dernier droit de sa campagne.
Il a insisté sur le fait qu’après avoir reçu un traitement expérimental et d’autres soins privilégiés, il se sentait très bien et heureux de ne plus avoir à se soucier de l’infection puisqu’il était maintenant «immunisé».
«Je me sens si puissant, a-t-il lancé. Je vais descendre dans la foule. Je vais marcher à travers, je vais embrasser tout le monde. Je vais embrasser les gars et les belles femmes… tout le monde.»
Dr Anthony Fauci, le plus grand expert américain en matière de maladies infectieuses, a expliqué lundi en entrevue à CNN que les personnes guéries de la COVID-19 devraient bénéficier d’une certaine période d’immunité limitée, mais certains cas de réinfection comment à apparaître.
Le docteur Fauci, qui s’exprimait alors que M. Trump s’apprêtait à quitter la Maison-Blanche pour la Floride, a remis en question la sagesse de tenir un tel événement. Il a noté que le nombre de nouveaux cas augmentait dans certaines parties du sud et de l’ouest du pays.
Malgré le combat de Donald Trump face à une maladie potentiellement mortelle, bien peu de choses ont changé. Le rassemblement ressemblait à tous les autres organisés depuis le début de la présidentielle qui oppose Trump au candidat démocrate Joe Biden.
Le candidat républicain à sa réélection a repris ses attaques habituelles contre les démocrates qu’il accuse de chercher «vengeance» et vantant les progrès de traitements contre le virus.
Il a promis une croissance record pour le troisième trimestre et allégué que s’il est réélu en novembre, la «vie normale» allait reprendre. Selon lui, son adversaire chercherait plutôt à retarder la distribution d’un vaccin et à détruire l’économie en imposant un confinement «draconien».
Donald Trump doit combler un retard indéniable dans les sondages, tant au plan national que dans les principaux États pivots. La relance de sa campagne prévoit des rassemblements en Pennsylvanie, dans l’Iowa, en Caroline du Nord et au Wisconsin.
Ce calendrier ambitieux illustre les efforts que M. Trump doit déployer pour tenter de convaincre les électeurs, mais les effets d’un tel programme sur la santé du président de 74 ans soulèvent des questions. La progression de la COVID-19 est souvent imprévisible et le virus peut causer des complications à long terme.
Dans une note publiée au cours du week-end, le médecin du président, le docteur Sean Conley, a déclaré que M. Trump satisfaisait aux critères des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies pour mettre fin à son isolement en toute sécurité et que, selon les «normes actuellement reconnues», il n’était plus considéré comme présentant un risque de transmission du virus.
Mais certains experts médicaux ont exprimé leur scepticisme quant au fait que M. Trump puisse être déclaré totalement guéri aussi tôt. Et on ne sait pas quelles précautions et mesures de sécurité supplémentaires son équipe compte prendre pour éviter que ce déplacement propage davantage un virus qui a déjà infecté plusieurs des collaborateurs et alliés les plus proches du président, dont son directeur de campagne et le président du Parti républicain.
Un État essentiel
La Floride est considérée comme essentielle pour les chances de réélection de Donald Trump. Il y avait battu de peu sa rivale Hillary Clinton en 2016 par un peu plus de 112 000 voix. Certains sondages récents ont suggéré une course serrée dans l’État, tandis que d’autres mettaient le démocrate Joe Biden en tête.
La décision de M. Trump de revenir si rapidement sur la piste électorale a suscité les critiques de M. Biden et d’autres démocrates.
«Le président Trump vient à Sanford aujourd’hui en n’apportant rien d’autre qu’un comportement imprudent, une rhétorique qui divise et des incitations à la peur», a déclaré M. Biden dans un communiqué. «Ce qu’il omet d’apporter est tout aussi dangereux: aucun plan pour reprendre le contrôle sur ce virus qui a coûté la vie à plus de 15 000 Floridiens.»
Shevrin Jones, un démocrate qui se présente au Sénat de l’État et qui s’est récemment rétabli de la COVID-19, a estimé lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes que le président Trump ne devrait pas venir en Floride.
«C’est imprudent et irresponsable», a déclaré M. Jones.
L’avocat floridien Dan Uhfelder, qui s’est déguisé en personnage de la Grande Faucheuse sur les plages pour mettre en évidence la menace de coronavirus, a déposé une plainte pour tenter d’empêcher M. Trump de tenir son rassemblement à Sanford. Il souhaitait que l’événement soit déclaré nuisance publique.