Tuerie en N.-É.: la commission demande des mesures contre «l’épidémie» de violence

OTTAWA — Les vastes appels au changement découlant de l’enquête publique sur la fusillade de masse meurtrière de 2020 en Nouvelle-Écosse visent notamment à réviser l’approche du Canada face à «l’épidémie» de violence basée sur le genre, conjugale et familiale – ce qui, selon un défenseur, nécessitera un changement en profondeur. 

La commission – qui s’est penché sur la fusillade dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse qui a fait 23 morts, dont le tireur – a publié la semaine dernière un rapport qui formule 130 recommandations visant à améliorer la sécurité publique et les services de police.

Les commissaires ont mis l’accent de leurs conclusions sur la violence conjugale, affirmant qu’elles pensaient qu’il s’agissait de la leçon «la plus importante» à tirer.

Il y a de plus en plus de preuves, selon le rapport, «que de nombreux hommes qui commettent des pertes massives ont déjà commis des violences sexistes, des violences conjugales ou des violences familiales», et que de nombreux actes de violence de masse commencent par une attaque contre une femme en particulier, comme cela a été le cas en Nouvelle-Écosse.

Le rapport indique qu’il est «alarmant» de savoir que des personnes ont répondu aux premiers appels de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dans la nuit du 18 avril 2020 en pensant que c’était une situation en milieu conjugale. Cela implique à tort qu’une situation de violence conjugale ne déclenche pas de signaux d’alarme. 

Les femmes initialement ciblées sont souvent considérées comme des «déclencheurs» plutôt que comme des victimes de la violence, note le rapport. La GRC de la Nouvelle-Écosse a publiquement qualifié l’attaque du tireur Gabriel Wortman contre sa partenaire Lisa Banfield dans la nuit du 18 avril 2020 de «catalyseur» du déchaînement de 13 heures qui a suivi.

Mais les commissaires estiment que cela perpétue la fausse croyance selon laquelle il existe une distinction entre la violence privée et la violence publique.

«Nous avons besoin d’une approche audacieuse et transformatrice à cet égard, car nos systèmes, structures et institutions actuels ne fonctionnent pas», a déclaré Kristina Fifield, thérapeute en traumatologie au Centres d’aide aux victimes d’agression sexuelle Avalon, à Halifax, l’un des groupes qui ont participé à l’enquête publique.

La commission a déclaré que la première étape dans la prévention de la violence de masse consiste à reconnaître le danger d’escalade inhérent à toutes les formes de violence et appelle à une «approche de santé publique axée sur la prévention» du problème, qui devrait inclure le traitement des auteurs.

Mme Fifield a déclaré que des organisations comme la sienne auront besoin d’un financement stable de la part des gouvernements pour aider à la fois les survivants et les victimes.

«Nous devons également disposer de services adéquats financés pour les hommes victimes de violence, mais aussi pour les hommes qui commettent des violences», a-t-elle fait valoir. 

Un rapport similaire en Ontario 

Des recommandations similaires ont découlé d’une autre enquête publique en Ontario qui a enquêté sur un triple homicide en 2015 visant les anciens partenaires intimes de l’agresseur.

L’enquête du comté de Renfrew a enquêté sur la mort de Carol Culleton, Anastasia Kuzyk et Nathalie Warmerdam et a publié ses conclusions en juin dernier.

L’enquête a recommandé que l’Ontario déclare la violence entre partenaires intimes comme une épidémie provinciale. Le rapport de la commission de la Nouvelle-Écosse utilise le même langage, mais s’abstient de faire une telle recommandation. 

Les 86 appels à l’action de la Commission Renfrew comprenaient également la prestation de services aux auteurs de violence, comme le lancement d’une ligne d’assistance téléphonique pour les personnes à risque de commettre des actes de violence, la création d’une commission indépendante dédiée à mettre fin à la violence entre partenaires intimes et la garantie que les campagnes d’éducation publique reflètent les voix et l’expérience des hommes et les inciter à chercher de l’aide pour leurs comportements.

La province a répondu aux 75 recommandations qui relèvent de sa compétence en février, affirmant que 29 d’entre elles – y compris celles énumérées ci-dessus – nécessitent une «étude plus approfondie».

«La réponse du gouvernement ne comble pas les écarts importants entre la politique officielle et ce qui se passe sur le terrain dans un certain nombre de domaines clés, en particulier dans le domaine de l’intervention des agresseurs»,  indique un communiqué de presse du groupe End Violence Against Women Renfrew County publié à l’époque.

Mme Fifield a fait savoir que l’organisme Avalon dispose de nouveaux fonds pour étendre sa programmation aux hommes cisgenres qui ont été victimes de violence sexuelle et d’abus sexuels en Nouvelle-Écosse à partir du 1er avril.

«Pour les hommes, ou toute personne utilisant la violence, il y a souvent une histoire de traumatisme très complexe», a-t-elle indiqué. 

Mais les options de traitement sont limitées, les listes d’attente sont longues, pour les victimes comme pour les auteurs, et il peut y avoir une crainte que la recherche d’un traitement n’aggrave les choses.

La loi canadienne exige que la police porte des accusations de voies de fait dans les cas où elle a des motifs raisonnables. Le jury du comté de Renfrew a demandé à la province de l’Ontario d’étudier la possibilité de mettre fin à ces politiques relatives aux accusations obligatoires.

La Commission indépendante sur les pertes massives d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse est allée plus loin, affirmant que les gouvernements fédéral et provinciaux doivent mettre fin aux politiques d’arrestation et d’inculpation obligatoires en faveur de ce qu’elle appelle un «modèle de prévention de la santé publique».

La commission a noté qu’il y aura des cas où l’arrestation d’un auteur sera nécessaire, mais cela ne devrait pas être la première ou la seule option.

«Nous concluons que les politiques d’arrestation et d’inculpation obligatoires ont échoué de manière significative et ont eu des impacts imprévus qui contribuent à notre échec collectif et systémique à protéger les femmes et à aider les femmes survivantes à se protéger», a indiqué la commission.

Jusqu’à présent, le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, s’est seulement engagé à examiner les recommandations en détail.

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