QUÉBEC – Uber gagne du temps: le gouvernement Couillard attendra 90 jours avant de mettre en vigueur son projet de loi 100 sur le transport rémunéré de personnes qu’il veut faire adopter cette semaine.
La multinationale poursuivra même ses activités illégales dans cet intervalle, contrairement à son engagement, ce qui va à l’encontre des revendications des chauffeurs de taxi.
Le ministre des Transports, Jacques Daoust, a fait savoir, mardi, qu’il allait profiter du délai de 90 jours pour discuter d’un projet pilote avec la multinationale. Les libéraux cherchaient une voie de passage et ils l’ont obtenue après des négociations la fin de semaine dernière avec tous les joueurs. Le gouvernement voulait éviter d’autres manifestations de chauffeurs de taxi et mettre fin aux menaces qui planent sur les grandes festivités estivales à Montréal et à Québec.
«L’important était de ramener la paix et d’arriver à un consensus, a déclaré M. Daoust dans un point de presse après la période de questions. (…) On se donne 90 jours pour régler tous les contentieux.»
Uber n’a pas mis de temps à se réjouir de la porte ouverte par le gouvernement. L’entreprise estime ainsi que le Québec reconnaît les «particularités» de son «modèle», ce qui est une «première étape importante» dans la mise en place d’un projet pilote, peut-on lire dans un communiqué.
La multinationale s’est empressée de préciser dans un courriel qu’elle «poursuivrait ses activités durant les discussions concernant le projet pilote».
«Ce projet pilote permettra aux Québécois de continuer à bénéficier de plus d’options de transport à titre d’usagers et aux partenaires-chauffeurs de continuer à utiliser leur propre voiture pour générer des revenus additionnels», a déclaré le directeur général d’Uber pour le Québec, Jean-Nicolas Guillemette.
Les jeunes libéraux, qui avaient exprimé ouvertement leur dissidence et qui appuyaient Uber, ont également pavoisé.
«On est content de voir qu’il y a une ouverture, a fait savoir le président de la Commission jeunesse du PLQ, Jonathan Marleau, qui était au côté du ministre. À partir du moment où Uber fait son mea culpa, ça change totalement le paradigme et ça crée quelque chose de nouveau.»
La Coalition avenir Québec (CAQ), qui s’oppose à ce projet de loi et qui a aussi pris le parti de la multinationale Uber, avait déjà fait savoir qu’il allait être difficile de le faire adopter en une semaine. Le gouvernement a refusé d’ouvrir son jeu sur le recours éventuel à un bâillon.
Le parti de François Legault a fait savoir qu’il allait discuter avec M. Daoust et son collègue Jean-Marc Fournier, le leader parlementaire. «La CAQ a fait un premier gain aujourd’hui grâce au travail rigoureux de son équipe parlementaire, se targue la formation dans un communiqué. La CAQ réitère l’importance pour le Québec d’être ouvert à l’économie de partage.»
Les représentants de l’industrie du taxi estiment qu’il s’agit d’un «compromis satisfaisant», mais demandent à Uber de cesser ses activités illégales pendant ce temps. En échange, les chauffeurs de taxi sont prêts à renoncer à leurs perturbations des grands événements de l’été à Montréal et Québec.
«L’industrie du taxi accepte la proposition de paix sociale, de relâcher sensiblement la pression, par contre, il faut qu’Uber mette aussi de l’eau dans son vin en cessant ses activités illégales actuellement», a déclaré en conférence de presse au parlement Benoît Jugand, le porte-parole du Regroupement des travailleurs autonomes du Syndicat des métallos, qui regroupe près de 5000 membre issus principalement de l’industrie du taxi.
Le Comité provincial de concertation et de développement du l’industrie du taxi (CPCDIT) soupçonnait déjà Uber de ne pas vouloir respecter une trêve pendant la période de négociations, même si l’entreprise avait offert de cesser ses activités à sa dernière comparution en commission parlementaire.
«(Uber) va faire comme d’habitude, envoyer paître tout le monde sans respecter sa parole? s’est demandé le porte-parole du CPCDIT, Guy Chevrette. Je ne serais pas surpris. J’espère qu’on ne signera jamais un protocole avec une entreprise qui doit des taxes et impôts. Ce serait une honte nationale pour le gouvernement.»
Dans son projet de loi 100, le gouvernement propose d’obliger tous les chauffeurs à avoir un permis de conduire de classe 4C, spécifiquement réservé au taxi, qui nécessitera une vérification de leurs antécédents judiciaires et une formation en service à la clientèle.
Toutes les voitures qui servent à des activités de taxi devront avoir une plaque d’immatriculation désignée comportant la lettre T.
Les chauffeurs d’Uber, qui étaient exemptés d’une portion de la perception des taxes de vente à titre de travailleurs autonomes, devront acquitter les montants de TPS et TVQ relatifs à leurs activités, au même titre que les autres. Actuellement, Québec estime ses pertes annuelles en taxes et impôts à approximativement 20 millions $.
Uber était prête à interrompre temporairement ses activités le temps de discuter d’un projet pilote. L’entreprise proposait notamment de payer 100 000 $ à Québec pour exploiter son réseau. La taxe pour chaque course passerait de 10 à 35 cents et un autre sept cents serait alloué à un fonds destiné à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Au total, la multinationale estime à plus de 3 millions $ par an les sommes qui seraient versées dans les coffres de l’État.
Elle suggérait également un «fonds de transition» pour mieux étudier l’impact de ce type d’entreprise sur l’industrie du taxi. Il serait surtout financé par l’installation de modules d’enregistrement des ventes (MEV) dans les taxis traditionnels pour percevoir la TPS et la TVQ, ainsi qu’une taxe spéciale imposée à tous les joueurs de l’industrie. Pas moins de 75 millions $ seraient ainsi récupérés, selon Uber.
Le gouvernement soutient qu’il ne peut faire un trait sur le système actuel de contingentement des permis de taxi, au nom de «l’équité» et de la «justice sociale» parce que des chauffeurs de taxi ont payé cher leurs permis pour s’assurer d’un gagne-pain.
Québec estime qu’il en coûterait 1,3 milliard $ pour dédommager les chauffeurs de taxi en rachetant leurs permis, soit bien plus que le fonds de transition proposé par Uber.
Il est temps que le gouvernement du Québec voit les opportunités que peut amener UBER en terme de transport collectif. Voir les expériences qui se pratiqueront à San Francisco et Philadelphie pour servir de relai aux réseaux existant de transport et/ou désengorger les stationnement incitatifs.
Références:
A- SEPTA –pour Philadelphie :
http://www.masstransitmag.com/press_release/12213791/septa-and-uber-announce-summer-pilot-program
B- San Francisco:
http://www.masstransitmag.com/news/12216768/bay-area-bus-agencies-look-to-uber-lyft-to-connect-riders-to-transit?utm_source=MASS+NewsViews+Newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=MASS160606002