OTTAWA — L’envoyée du Royaume-Uni au Canada estime qu’un tollé dans les Prairies au sujet d’un nouvel accord commercial bilatéral pourrait être surmonté si les producteurs canadiens de boeuf revoyaient leur utilisation d’hormones – et elle croit qu’un tel accord donnerait aux deux pays un avantage concurrentiel sur l’Europe.
«Nos approches commerciales sont assez similaires, a expliqué la haute-commissaire britannique Susannah Goshko, en entrevue cette semaine. Toute négociation — même lorsque vous négociez avec des amis — vous oblige à réfléchir sérieusement. Personne ne s’engage à quelque chose qui n’est pas dans son intérêt national ni dans l’intérêt collectif.»
Mme Goshko accordait cette longue entrevue quelques jours seulement après l’annonce de l’accession du Royaume-Uni à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste.
Les 11 pays qui avaient contribué à l’élaboration de cet accord ont approuvé en principe l’adhésion du Royaume-Uni, bien que les États membres devront encore ratifier chacun de leur côté cette adhésion.
Ottawa a fait pression pour faire entrer dans ce club le premier membre potentiel qui n’est pas situé dans la zone Pacifique. Il s’agit pour Londres d’un coup majeur, pour un pays qui essaie de tirer le meilleur parti de sa décision de quitter l’Union européenne — qui ne fait pas partie de l’accord du Pacifique.
«Ça devient un accord mondial, a souligné Mme Goshko mercredi. Nous sommes très enthousiastes à ce sujet et très reconnaissants au Canada de travailler avec nous sur le processus.»
Par ailleurs, Ottawa et Londres négocient séparément un accord commercial bilatéral, mais les deux gouvernements affirment que le fait que les deux pays se trouvent dans le pacte du Pacifique facilitera les négociations.
Le secteur canadien du boeuf a cependant promis de se mobiliser contre les deux accords, en raison d’un vieux litige sur les hormones de croissance.
«Non négociable»
Le Royaume-Uni refuse d’importer du bœuf traité avec certaines hormones largement utilisées par les éleveurs canadiens; ceux-ci soutiennent que l’inquiétude des Britanniques n’est pas fondée sur la science.
«Nous avons dit dès le départ que nous avons mis en place certaines choses autour des normes (sanitaires et phytosanitaires), sur lesquelles nous ne sommes pas disposés à faire des compromis, a déclaré Mme Goshko. Nous ne sommes pas disposés à les mettre de côté pour conclure un accord. Les gens au Royaume-Uni ont été très clairs avec les politiciens sur leurs attentes à ce sujet.»
L’Association canadienne des bovins affirme que cette logique va à l’encontre de l’objectif de l’accord commercial d’harmoniser les normes entre les deux pays.
L’industrie se dit déjà contrariée par un déséquilibre de la balance commerciale dans le cadre de l’«accord de continuité» que le Canada a signé avec le Royaume-Uni après sa sortie de l’Union européenne (UE). Cet accord provisoire a largement maintenu l’accès dont disposait le Royaume-Uni lorsqu’il était membre de l’UE.
«La demande d’adhésion du Royaume-Uni devrait être rejetée jusqu’à ce qu’ils puissent faire mieux pour respecter les principes commerciaux» du pacte du Pacifique, a déclaré l’association des producteurs de boeuf dans un communiqué.
Mme Goshko rétorque que les producteurs canadiens devraient profiter du fait que l’accord du Pacifique permettra plus de commerce de bœuf et qu’ils pourront élever plus de boeuf spécifiquement destiné à la Grande-Bretagne, sans utiliser les hormones que le Royaume-Uni rejette.
«Maintenant que le quota est plus important, les producteurs (canadiens) doivent maintenant décider s’il est dans leur intérêt» de changer leurs méthodes d’élevage, estime la haute-commissaire.
La Grande-Bretagne demande depuis longtemps au Canada de lui permettre d’exporter un plus important quota de fromage sans tarifs douaniers que celui qu’elle avait obtenu en vertu de l’accord Canada-UE.
L’accord du Pacifique permettra un quota supérieur à tout ce que le Royaume-Uni et le Canada négocient, donnant au Royaume-Uni «une avenue», a déclaré Mme Goshko — sans préciser si la question des quotas de fromage avait été résolue, puisque les pourparlers bilatéraux sont toujours en cours.