Un chercheur canadien détenu depuis février en Algérie condamné à deux ans de prison

MONTRÉAL — Un chercheur canadien détenu en Algérie depuis février a été condamné mardi à deux ans de prison, a indiqué son avocat.

Selon Me Kouceila Zerguine, Raouf Farrah a également été condamné à une amende de 200 000 dinars algériens, soit environ 2000 $ CAN. L’avocat a aussitôt indiqué mardi qu’il faisait appel de cette décision. 

Le père de Raouf Farrah, Sebti Farrah, un résidant de la région de Montréal, a été condamné à un an de prison avec sursis par le même tribunal de Constantine, dans l’est de l’Algérie, a ajouté l’avocat.

Raouf Farrah, qui étudie les migrations et les économies criminelles pour une organisation non gouvernementale (ONG) internationale de lutte contre la criminalité, était accusé d’avoir reçu des sommes pour «commettre des actes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public» et d’avoir publié des informations ou des documents classifiés sur un réseau électronique.

L’employeur de M. Farrah, l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, soutient que les accusations se sont révélées sans fondement au cours du procès qui a duré une journée, au début du mois.

Le directeur de l’organisation, Mark Shaw, a indiqué dans un communiqué mardi que «la poursuite n’avait présenté aucun dossier juridique contre Raouf et Sebti» Farrah.

«Tout procès libre et équitable aurait acquitté Raouf et Sebti, ainsi que les autres coaccusés, dit-il. Au lieu de cela, nous sommes confrontés à un scénario dans lequel Raouf risque une peine de prison supplémentaire, en plus des presque six mois de détention qu’il a déjà injustement purgés. Et son père de 67 ans, un citoyen honorable et respectueux des lois, a désormais un casier judiciaire.»

Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à «Human Rights Watch», estime que le problème fondamental concernant les accusations portées contre les Farrah et le journaliste algérien Mustapha Bendjama, qui a été jugé et condamné à leurs côtés, est la nature des accusations elles-mêmes.

«Il s’agit manifestement d’accusations politiques qui peuvent être utilisées à n’importe quelle occasion lorsque le gouvernement veut punir quelqu’un, qui que ce soit, a déclaré M. Goldstein dans une entrevue. Il s’agit ici d’un chercheur d’une ONG de renommée internationale et d’un journaliste, qui risquent deux ans de prison pour avoir exercé leur métier.»

Selon M. Goldstein, le tribunal a estimé que le reporter Bendjama avait reçu de l’argent d’institutions étrangères dans l’intention de commettre des actes susceptibles de troubler l’ordre public, parce qu’il avait été payé pour effectuer des recherches pour M. Farrah. Or, les autorités algériennes pouvaient arbitrairement déclarer que certaines de ces informations étaient «secrètes», dit-il.

«Avec des accusations aussi vagues, il est vraiment difficile de parler de procès équitables ou d’un système judiciaire équitable, car tout ce que vous faites peut être retourné contre vous.» 

Le journaliste Bendjama a témoigné que lors de son interrogatoire, les autorités avaient utilisé un tournevis pour lui ouvrir les doigts et en placer un sur le lecteur d’empreintes digitales de son téléphone afin de le déverrouiller, a déclaré M. Goldstein. Il a ajouté que la police avait soumis le journaliste à des interrogatoires toute la nuit et à des menaces de violence.

Selon M. Goldstein, la condamnation de Raouf Farrah intervient dans le cadre d’une répression plus vaste contre le mouvement pro-démocratie algérien, et survient après la fuite hors du pays d’une importante militante du mouvement Rabakat, Amira Bouraoui.

MM. Farrah et Bendjama ont nié avoir collaboré à faire sortir Mme Bouraoui d’Algérie, ce qui lui était interdit par les autorités. 

Né en Algérie, Raouf Farrah avait déménagé au Canada à l’âge de 18 ans. Il a vécu à Montréal, où il a étudié à l’Université de Montréal, avant d’obtenir une maîtrise à l’Université d’Ottawa.

L’ambassade d’Algérie à Ottawa n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires envoyée mardi par courriel.

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