OTTAWA — Le Comité des affaires étrangères de la Chambre des communes souhaite que le gouvernement libéral fasse régulièrement rapport au Parlement sur l’impact réel des sanctions.
Les députés ont convenu de demander à Ottawa de faire avancer ses travaux devant les tribunaux internationaux visant à punir la Russie pour son invasion de l’Ukraine, et de renvoyer les diplomates russes lorsqu’ils outrepassent des devoirs normaux des relations internationales.
Les recommandations découlent d’une étude de plusieurs mois sur la meilleure façon pour le Canada de réagir à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le rapport a été publié mardi après ce que les députés ont qualifié de mois de querelles partisanes sur des questions sans intérêt.
«C’est un rapport très solide, a déclaré le député libéral Ali Ehsassi, qui préside le comité. Ces recommandations reflètent notre détermination collective à répondre de manière sérieuse, ferme et unifiée au défi de politique étrangère le plus grave auquel nous ayons été confrontés depuis des décennies.»
Le comité avait amorcé il y a un an un examen du renforcement militaire russe à la frontière avec l’Ukraine, peu de temps avant que Moscou n’envahisse ce pays.
Depuis lors, le gouvernement canadien a imposé des sanctions contre des centaines de personnes et d’entités liées à l’effort de guerre de Moscou, ainsi que contre de hauts responsables accusés de violations des droits de la personne en Haïti ou au Sri Lanka. Le Canada a également interdit aux entreprises russes certains secteurs commerciaux et imposé des frais qui rendent les produits beaucoup plus chers à acheter au Canada.
Les sanctions visent à inciter à un meilleur comportement et à empêcher les riches Russes et Biélorusses sous sanctions européennes de transférer leur argent sur des comptes canadiens.
Mais les membres du comité ont entendu l’ambassadeur d’Ukraine et des experts soutenir qu’il n’était toujours pas clair si ces sanctions ont un impact réel — et dans quelle mesure les oligarques russes ne pourraient pas contourner ces contraintes.
Dans leur rapport déposé mardi, les députés demandent au gouvernement libéral d’aller au-delà des mises à jour occasionnelles sur le montant total des sommes qui ont été gelées : ils aimeraient qu’Ottawa fasse régulièrement rapport sur les personnes et entités qui ont vu leurs actifs gelés, quelles sociétés-écrans sont impliquées et si des personnes ciblées échappent aux sanctions canadiennes.
«Ce qui m’inquiète, c’est qu’à ce stade, le gouvernement canadien ne fasse pas ce qu’il peut pour faire appliquer les sanctions», a déclaré la porte-parole du NPD en matière d’affaires étrangères, Heather McPherson.
«Elles ne fonctionnent pas si elles ne sont pas appliquées ; si nous n’avons pas un bon mécanisme d’application, et nos alliés le reconnaissent.»
Le comité demande également au Canada «d’expulser les diplomates russes impliqués dans toute activité non conforme à leur statut diplomatique officiel».
Le Congrès des Ukrainiens Canadiens a déclaré que le Canada devrait expulser tous les diplomates russes au motif que Moscou commet un génocide, mais Affaires mondiales Canada a souligné que la Russie fermerait probablement l’ambassade du Canada et entraverait la capacité d’Ottawa à recueillir des informations et à aider dans les affaires consulaires.
D’autres ont noté que les pays européens ont réduit leurs relations avec la Russie sans rompre les liens.
L’ambassade de Russie rejette le rapport
Le député conservateur Garnett Genuis a fait remarquer qu’il n’y a aucun cas connu d’expulsion de diplomates par le Canada pour ingérence dans la politique intérieure, et qu’il n’est pas clair si les sanctions du Canada fonctionnent.
«L’un des problèmes que nous avons constatés avec ce gouvernement est un écart dans la mise en œuvre», a-t-il déclaré.
L’ambassade de Russie à Ottawa a immédiatement rejeté le rapport, affirmant qu’il s’agit de déclarations de députés qui ne méritent pas une analyse plus approfondie.
«C’est un cas classique de déformation de la réalité par la propagande, de fausses déclarations et d’accusations avec une tentative supplémentaire d’ingérence dans les affaires intérieures de la Russie», a écrit l’ambassade dans un courriel.
Les députés ont demandé un engagement selon lequel Ottawa n’autorisera l’exportation d’aucune turbine de pipeline vers la Russie pendant la durée de sa guerre en Ukraine.
L’an dernier, les libéraux ont approuvé une demande de l’Allemagne pour aider à l’entretien d’un gazoduc russe en permettant que des turbines en réparation à Montréal soient envoyées en Europe, contre la volonté de l’Ukraine. En fin de compte, Ottawa a supprimé cette exemption lorsque la Russie a coupé l’approvisionnement en gaz naturel.
Le comité a terminé ses audiences en octobre dernier, mais il a mis quatre mois à publier son rapport, en partie à cause de différends entre les membres des partis sur une poignée de questions.
Le porte-parole du Bloc québécois en matière d’affaires étrangères, Stéphane Bergeron, a admis en français «un certain sentiment d’embarras», malgré le fait que les députés aient trouvé un consensus sur de nombreux fronts.
«Il aurait absolument était possible de déposer ce rapport plus rapidement, et conséquemment de faire bénéficier le gouvernement de nos recommandations, de nos observations, beaucoup plus rapidement», a déclaré en français M. Bergeron.
«Mais le comité a été, pour ainsi dire, pris en otage par des considérations de nature partisane qui ont paralysé ses travaux pendant plusieurs semaines, si bien qu’il ne nous pas était possible de procéder à la finalisation de ce rapport plus rapidement», a-t-il déploré.
M. Bergeron a déclaré que cela avait retardé le prochain voyage du comité en Europe pour examiner comment les alliés avaient réagi à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
M. Ehsassi a déclaré que les membres de son comité se rendront en Suède, en Finlande, en Belgique et en Pologne. «Nous voulons vraiment nous assurer que nous profitons tous de ce voyage et nous revenons avec de nouvelles idées», a-t-il mentionné.
Les conservateurs étaient d’accord avec toutes les recommandations du rapport de mardi, mais ont ajouté leurs propres suggestions dans une annexe, comme l’expansion des exportations énergétiques canadiennes pour aider les alliés à répondre à leurs besoins. Le Bloc québécois a plutôt plaidé pour une transition mondiale vers les énergies renouvelables.
Le comité a demandé au gouvernement de déposer une réponse au rapport et prévoit d’étudier le régime de sanctions du Canada au cours des prochains mois.