HALIFAX — L’enquête se penchant sur les meurtres commis par l’ancien combattant de la guerre en Afghanistan Lionel Desmond, qui s’est ensuite enlevé la vie, a connu un autre rebondissement, mardi. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a démis de ses fonctions le juge qui a passé une grande partie des cinq dernières années à faire la lumière sur les circonstances ayant mené à ces tristes événements.
Brad Johns, le procureur général de la Nouvelle-Écosse, a demandé au juge en chef de la Cour provinciale de nommer un nouveau juge pour terminer le travail commencé par le juge de la Cour provinciale Warren Zimmer.
Ce dernier devait prendre sa retraite en tant que juge en mars 2022 lorsqu’il a eu 75 ans, un mois avant la fin des audiences de l’enquête – mais son mandat a été prolongé quatre fois au cours des 18 derniers mois pour lui permettre de terminer son rapport final.
Avec la fin de la plus récente prolongation vendredi dernier, M. Johns a décidé de faire appel à un remplaçant, affirmant que plusieurs attendaient des réponses depuis assez longtemps.
«La famille et les proches de la famille Desmond, leur communauté, ainsi que tous les Néo-Écossais attendent des réponses depuis plus de cinq ans», a déclaré M. Johns dans un communiqué, où il a affirmé qu’un autre juge était nécessaire pour «intervenir et terminer le rapport en temps opportun».
Tara Miller, une avocate qui représente la sœur de M. Desmond, Chantel, a publié une déclaration indiquant que sa cliente et d’autres proches sont frustrés par la lenteur du processus.
«Bien que ma cliente ait compris que le processus de production d’un rapport final significatif prendrait du temps, il est grand temps de clore l’enquête», a déclaré Me Miller.
«La véritable guérison, des réponses significatives et l’espoir d’un meilleur système pour les anciens combattants souffrant de syndrome de stress post-traumatique et leurs familles qui se battent avec eux sur le terrain sont en attente jusqu’à la livraison du rapport final», a-t-elle ajouté.
L’avocat Adam Rodgers, qui représente une autre sœur de M. Desmond, Cassandra, a déclaré qu’il était inconcevable qu’un autre juge puisse être amené à ce stade, étant donné qu’il devra examiner des milliers de documents et 55 jours de transcriptions.
«C’est une position intenable dans laquelle être placé, a déclaré Me Rodgers dans un communiqué. Le gouvernement provincial n’a jamais voulu que cette enquête ait lieu … (et) maintenant, il sape tout les efforts.»
Me Rodgers a déclaré que le volume de matériel avant le juge Zimmer était d’une ampleur similaire à ce qui était impliqué dans l’enquête fédérale-provinciale qui a enquêté sur la fusillade de masse d’avril 2020 en Nouvelle-Écosse qui a coûté la vie à 22 personnes. Mais cette enquête comptait trois commissaires, des dizaines d’employés et un budget de plusieurs millions de dollars.
Révélations
La province avait ordonné une enquête en février 2018.
Il a fallu près de deux ans avant que les premières preuves ne soient entendues, et la pandémie de COVID-19 a causé des retards supplémentaires.
L’enquête a permis d’apprendre que M. Desmond avait œuvré en Afghanistan en tant que carabinier lors d’une période de service particulièrement violente en 2007. En 2011, il avait reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique, de dépression majeure et d’un possible trouble cérébral.
Malgré quatre ans de traitement alors qu’il était toujours dans l’armée, M. Desmond avait encore besoin d’aide lorsqu’il a été libéré pour des raisons médicales en 2015. Il a ensuite participé à un programme de traitement intensif à domicile à Montréal, en 2016.
Un rapport de libération indiquait que M. Desmond était toujours un homme désespérément malade, qui n’acceptait pas le diagnostic sur sa santé mentale et qui ne comprenait pas les facteurs de risque associés à la violence conjugale.
L’enquête a révélé que les professionnels de la santé au niveau provincial avaient une marge de manœuvre restreinte parce qu’ils n’avaient eu accès à aucun dossier fédéral détaillant la complexité des problèmes de santé mentale de M. Desmond.
De plus, les preuves présentées par la Health Association of African Canadians ont démontré que les Afro-Néo-Écossais, comme M. Desmond, ont de la difficulté à accéder à des soins en santé mentale en raison du racisme systémique présent dans le système de santé.
Au cours des quatre derniers mois de sa vie, M. Desmond n’a reçu aucun traitement thérapeutique, selon l’enquête.
Un psychiatre de la Nouvelle-Écosse qui a accepté M. Desmond comme patient en 2016 a témoigné que l’ancien combattant semblait être passé entre les mailles du filet du système de santé alors qu’il luttait pour trouver de l’aide.
L’enquête a révélé que le 3 janvier 2017, M. Desmond avait acheté légalement un fusil semi-automatique et l’avait utilisé plus tard dans la journée pour tuer sa femme de 31 ans, Shanna ; leur fille de 10 ans, Aaliyah ; et sa mère de 52 ans, Brenda. Leurs corps ont été retrouvés le lendemain dans la maison familiale, dans la région rurale d’Upper Big Tracadie, en Nouvelle-Écosse.
L’enquête a entendu 70 témoins pendant les 56 jours d’audience, où ont été présentées 377 pièces, et a généré 10 447 pages de transcriptions. Les observations finales ont été entendues en avril 2022. Huit mois plus tard, le juge Zimmer a publié une déclaration indiquant que son rapport final avec des recommandations serait publié au courant de 2023.