Une communauté de l’île de Vancouver tire la sonnette d’alarme quant à l’absence de réglementation fédérale et provinciale visant les opérations de démantèlement de bateaux susceptibles de laisser échapper des polluants comme l’amiante et des métaux lourds dans les eaux canadiennes.
Plusieurs résidents d’Union Bay, en Colombie-Britannique, située à environ 180 kilomètres au nord-ouest de Vancouver, ont exprimé leur opposition à une telle opération locale lors d’un rassemblement dimanche, dénonçant l’absence de règles spécifiques qui empêcheraient le démantèlement de bateaux sur les rives de Baynes Sound à proximité.
Les organisateurs du rassemblement, The Concerned Citizens of Baynes Sound, affirment que la compagnie Deep Water Recovery a démantelé des barges sur un site d’Union Bay au cours des deux dernières années, et les résidents locaux craignent que l’opération ne libère des hydrocarbures, des eaux usées brutes et du cadmium dans le milieu marin. Baynes Sound est l’endroit d’où proviennent 50% des coquillages récoltés en Colombie-Britannique et est également le lieu de la dernière pêcherie côtière commerciale de hareng dans le détroit de Géorgie, ont-ils ajouté.
Mais le Canada n’a pas de règles fédérales régissant spécifiquement la démolition des navires, et le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique indique dans un communiqué que Deep Water Recovery dispose des permis nécessaires en tant qu’entreprise opérant dans «l’industrie commerciale de la gestion ou de l’élimination des déchets».
Deep Water Recovery a refusé la demande de commentaires de La Presse Canadienne.
Ray Rewcastle, résident d’Union Bay et organisateur du rassemblement, dit que la communauté a été choquée de découvrir l’absence de réglementation sur le démantèlement des bateaux, mais a ajouté qu’elle était encore plus perturbée par le fait que les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral comprenaient peu la démolition de navires en tant qu’industrie avant que les résidents ne prennent la parole.
«Ce n’est pas quelque chose qui devrait être fait dans une région comme Baynes Sound, a fait valoir M. Rewcastle, qui a estimé qu’environ 200 personnes ont assisté au rassemblement de dimanche. Cela devrait être fait dans un port industriel comme le port de Vancouver, Esquimalt ou Nanaimo… des ports en eau profonde qui, en résumé, vous permette d’avoir un confinement à 100% avec une cale sèche.»
La démolition de navires est considérée comme dangereuse en raison des substances toxiques présentes à l’intérieur d’un navire, qui peuvent inclure de l’amiante, des métaux lourds et des hydrocarbures.
Poursuite en Cour suprême
Le district régional de Comox Valley a déposé en avril 2022 un avis de poursuite civile contre Deep Water Recovery devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, afin d’obtenir une ordonnance empêchant le démantèlement des navires sur le site d’Union Bay en raison d’infractions au règlement de zonage.
Dans sa réponse juridique, Deep Water Recovery et son co-accusé Union Bay Industries ont déclaré que ses activités «sont conformes aux utilisations autorisées» en vertu des règlements de zonage.
Deep Water Recovery a également affirmé que des responsables municipaux avaient effectué des visites depuis mars 2020 pendant que des barges étaient transportées ou démontées sur le site, et n’avaient soulevé aucune inquiétude.
«À tout moment, le demandeur a eu une connaissance approfondie des opérations et des activités de Deep Water Recovery, y compris de multiples visites du personnel et des élus du demandeur, après quoi plusieurs représentations ont été faites confirmant la conformité de Deep Water Recovery au règlement de zonage», indique la réponse légale.
Le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique a publié une déclaration indiquant qu’il avait émis trois avertissements et un avis contre Deep Water Recovery après des visites de sites et des analyses d’échantillons d’eau, dont le rejet de déchets dans l’environnement sans autorisation.
En janvier, la province a également ordonné à la compagnie de mettre en place un plan mensuel de surveillance et d’échantillonnage – et les données soumises sont actuellement en cours d’examen.
«Si nécessaire, le ministère prendra d’autres mesures d’exécution pour assurer la conformité, y compris des ordonnances de prévention de la pollution», indique le communiqué.
Consultations à Ottawa
Le député néo-démocrate de Courtenay-Alberni, Gord Johns, qui représente Union Bay au niveau fédéral et a pris la parole lors du rassemblement de dimanche, a déclaré qu’Ottawa tenait actuellement des consultations «jusqu’à l’automne» sur l’amélioration des lois canadiennes sur la démolition des navires.
M. Johns a soutenu qu’il était crucial que de telles lois soient mises en place dès que possible, car ce qui s’est passé à Union Bay peut se produire ailleurs dans le pays si rien ne change.
Selon lui, le gouvernement fédéral n’a pas fait assez sur d’autres fronts, notamment en n’exigeant qu’un certificat volontaire d’auto-déclaration pour les matières dangereuses entrant au Canada à bord de navires étrangers.
Mais pour les habitants d’Union Bay, M. Johns estime que la province et le gouvernement fédéral doivent «utiliser tous les outils dont ils disposent» pour s’assurer que les entreprises comme Deep Water Recovery respectent les réglementations en vigueur.
«Lorsqu’il a été question de ne pas devenir un dépotoir pour les navires internationaux, il était déjà trop tard, a déclaré M. Johns. Vous savez, les navires qui arrivent au Canada ne pourraient même pas être amenés au Mexique ou aux États-Unis parce que nous avons des réglementations si faibles… Et ici, vous avez une entreprise qui fait des affaires dans une communauté, et ils n’ont pas gagné de permis social.»
La Cour suprême de la Colombie-Britannique n’a pas encore fixé de date pour entendre l’affaire entre le district régional de Comox Valley et Deep Water Recovery.