Une boulangerie accuse la ville de Conway de brimer sa liberté d’expression

CONWAY, N.H. — Au printemps dernier, Sean Young, le propriétaire d’une boulangerie, a été ravi lorsque des étudiants en arts plastiques du secondaire ont recouvert le grand mur vierge au-dessus de sa porte d’une peinture représentant le soleil qui brille se lève sur une chaîne de montagnes composée de beignets au chocolat et à la fraise, d’un muffin aux bleuets, d’un roulé à la cannelle et d’autres pâtisseries recouvertes de paillettes.

L’œuvre a reçu des critiques élogieuses et M. Young se réjouissait de collaborer avec l’école sur d’autres projets de peintures murales dans sa boulangerie de Conway, dans le New Hampshire.

C’est alors que le conseil de zonage de la ville est intervenu, décidant que la murale de la pâtisserie n’était pas tant de l’art que de la publicité, et qu’elle ne pouvait donc pas rester en raison de sa taille.

Contraint de modifier ou de supprimer la murale, faute de quoi il s’exposerait à des amendes et à des poursuites pénales, M. Young a intenté une action en justice, affirmant que la ville violait son droit à la liberté d’expression.

La murale pourrait rester là où elle est si elle représentait de vraies montagnes, au lieu de pâtisseries suggérant des montagnes, ou si le bâtiment n’était pas une boulangerie.

«Ils ont dit que ce serait de l’art ailleurs, a dit M. Young lors d’une interview accordée à l’Associated Press. Ce n’est tout simplement pas de l’art ici.»

«La ville ne devrait pas avoir le droit de contrôler l’art», a-t-il ajouté.

La controverse amène les habitants de cette ville de 10 000 habitants à se poser de grandes questions sur la créativité et la liberté, alors qu’elle tente de préserver son caractère rural. À l’instar d’autres localités de la région des White Mountains qui attirent les skieurs, les amoureux de la nature et les consommateurs (dont des hordes de chasseurs d’aubaines québécois), Conway subit la pression du développement, ce qui rend le différend sur les enseignes lourd de craintes que toute concession au commerce ne modifie ce qui leur est cher. 

De nombreuses personnes, y compris les membres du conseil de zonage, ont applaudi le travail coloré des étudiants, mais ont estimé que les règles doivent être respectées, même si elles sont anciennes et dépassées. Avec une surface d’environ 8,6 mètres carrés, la peinture murale est quatre fois plus grande que ce qu’autorise le code des enseignes.

En fin de compte, un juge devra peut-être trancher ce qui reste un débat ouvert en ville. 

Olivia Benish, la professeure d’art qui a travaillé avec trois élèves sur le projet, s’est excusée auprès du conseil d’administration en septembre de ne pas avoir fait preuve de «diligence raisonnable» pour s’assurer de la conformité de la fresque. Elle n’a pas répondu aux demandes d’interview. Elle a toutefois déclaré aux membres du conseil qu’il fallait trouver un moyen de donner aux élèves la possibilité de créer des œuvres d’art publiques positives «sans contrarier la loi et les pouvoirs en place», selon les procès-verbaux de la ville. 

L’action en justice intentée par M. Young en janvier affirme que la ville exerce une discrimination inconstitutionnelle à son encontre. Il a demandé à un juge d’empêcher la ville d’appliquer son code des enseignes.

D’autres entreprises ont été entraînées dans la controverse.

Bien avant l’installation de la fresque de la pâtisserie, la ville avait autorisé d’autres peintures murales dans un centre commercial local, mais en décembre, la ville a constaté que trois de ces œuvres d’art étaient en fait des enseignes qui ne respectaient pas les limites de taille. Elles seront soumises au conseil d’aménagement du territoire mercredi.

M. Young, qui est représenté par l’Institute for Justice, basé en Virginie, a demandé un dollar de dommages et intérêts. En attendant, il vend des T-shirts dans le cadre d’une collecte de fonds pour le département artistique de l’école secondaire locale, avec l’inscription «This is art» et une photo de l’œuvre sur le devant, et «This is a sign» derrière.

En février, la ville et M. Young se sont mis d’accord pour suspendre la procédure judiciaire ― et toute amende ou accusation potentielle ― dans l’attente d’un vote sur une définition révisée qui permettrait à la murale de rester. Mais cette proposition a été rejetée la semaine dernière, par 805 voix contre 750, selon le bureau du greffier de la ville. Le juge souhaite maintenant entendre les deux parties d’ici le 10 mai.

«Nous sommes prêts à continuer», a déclaré M. Young.

Le directeur de la ville, John Eastman, a refusé une interview, renvoyant les questions à l’avocat de la ville, Jason Dennis, qui a déclaré qu’il rencontrerait bientôt les responsables de la ville pour discuter des prochaines étapes.

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