MONTRÉAL — Découvrir l’univers de l’artiste en art visuel Nicolas Party, tout en étant accompagné de la voix du chanteur Pierre Lapointe, c’est l’expérience que propose le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) avec la nouvelle exposition «L’heure mauve».
Le MBAM a donné carte blanche à l’artiste suisse Nicolas Party pour qu’il apporte une nouvelle pertinence à des collections du passé de l’institution, mais qui «nous disent quelque chose de notre présent», a expliqué le directeur général du musée, Stéphane Aquin, en conférence de presse lundi.
Résultat: un parcours d’une centaine d’oeuvres explorant la relation de l’être humain avec la nature, vue à travers le prisme de l’histoire de l’art.
Le peintre et sculpteur européen entremêle des tableaux du musée à ses propres créations comme des sculptures géantes, des aquarelles et quatre murales éphémères faites de pastel.
L’exposition, qui est présentée du 12 février au 16 octobre 2022, permet d’observer une évolution du rapport des cultures humaines avec la nature, a indiqué M. Party.
Il a donné en exemple la toile «Le Bûcheron» de Ferdinand Hodler où l’on voit un bûcheron couper un arbre avec puissance. À l’époque de sa création en 1910, l’oeuvre représentait la conquête et une impression que les ressources de la forêt étaient sans limites, alors qu’aujourd’hui elle peut donner plutôt une «vision de violence».
Tout comme l’art suisse, l’art canadien comporte plusieurs éléments intéressants à explorer par rapport «à comment le paysage en tant qu’identité était valorisé», et comment «aujourd’hui on peut voir» que ces représentations ont omis «énormément de problèmes» tels que les impacts sur l’environnement et les Premières Nations, a décrit le peintre.
Dans sa pratique, Nicolas Party affirme s’intéresser beaucoup au thème du paysage et de notre relation avec l’espace. Quand le MBAM lui a ouvert les portes, il s’est aperçu que la nature était très présente dans les collections du musée.
Le nom de l’exposition reprend d’ailleurs le titre d’un tableau de paysage de l’artiste québécois Ozias Leduc pour qui M. Party a eu un coup de foudre.
L’idée de l’exposition découle également de l’anxiété grandissante autour de la destruction de l’environnement et du retour vers la nature avec la pandémie, a expliqué le peintre à La Presse Canadienne.
«L’être humain a toujours eu une relation avec la nature. Elle change constamment. On a une relation maintenant hyper anxiogène. On n’est pas dans un moment ‘‘amical’’ avec notre perception», a-t-il analysé, précisant que son boulot n’est pas d’être activiste, mais d’offrir un espace où chacun navigue et tire ses propres conclusions.
«Un plus»
Le sculpteur et peintre présente pour une première fois son travail en sol canadien. Et pour la première fois, une trame sonore accompagne l’une de ses expositions.
L’auteur-compositeur-interprète Pierre Lapointe a composé, à l’invitation du MBAM, un album de 14 chansons.
Dans le même esprit que Party, le chanteur a aussi pigé dans les éléments du passé pour offrir une expérience contemporaine. La bande sonore de 50 minutes conjugue ainsi créations originales et pièces revisitées, notamment de Félix Leclerc, Charles Aznavour et Claude Léveillée. Pierre Lapointe y chante même en allemand avec la pièce «Sag mir wo die Blumen sind» de Peete Seeger et reprise par Marlene Dietrich.
Les visiteurs peuvent télécharger sur leur téléphone l’album du même titre que l’exposition et écouter chacun des titres qui correspondent aux thématiques des différentes salles. L’ordre des chansons suit le trajet de l’exposition.
Celle-ci et la trame sonore sont indépendantes l’une de l’autre. Chacune se savoure seule, soit sans musique ou sans visuel. Aux yeux de Pierre Lapointe, son album est «un plus» dans l’expérience muséale.
«C’est un truc qui vient se rajouter. C’est comme une visite de l’exposition augmentée avec une possibilité de s’immerger encore plus dans un univers», a décrit Pierre Lapointe, à La Presse Canadienne.
«Je pense que c’est une façon de se laisser absorber visuellement et sonorement par tout ce que l’on propose. (…) Les arrangements, les sons, le mix, les choix des mots et de la musique ont été faits en fonction d’un voyage agréable», ajoute celui qui a déjà étudié en arts visuels à l’UQAM.
Il est heureux de voir que son album (disponible en ligne depuis lundi) est «solide» pour vivre par lui-même. N’empêche que sans avoir été mis en contact avec le travail de Nicolas Party, cet album n’aurait jamais vu le jour, reconnaît-il.
Les oeuvres de l’artiste ont d’ailleurs inspiré facilement le chanteur. «La matière était là pour que j’aille jouer dans des chansons que je n’aurais pas choisies sinon. Il y avait aussi de la matière d’un point de vue d’interprète. C’est une autre façon d’aborder la diction, la pose de voix, de chanter des mélodies. Je me suis laissé prendre au jeu», a-t-il relaté.
Pour les deux artistes, musique et arts visuels forment un jumelage naturel qui se fait de plus en plus. Peu importe leur expertise, les créateurs partagent les mêmes émotions en tant qu’être humain, font-ils valoir.
«C’est important de casser parfois des hiérarchies entre culture populaire et culture savante», dit Nicolas Party.
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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.