Une extension de la PCU coûterait 64 milliards $ de plus, estime le DPB

OTTAWA — Le directeur parlementaire du budget estime qu’une extension de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), pour ajouter des semaines et permettre aux gens de toucher un autre revenu d’appoint, coûterait 64 milliards $ de plus au Trésor public.

Dans un des deux scénarios soumis au bureau d’Yves Giroux par un député conservateur, le gouvernement récupérerait 50 cents de chaque dollar gagné au-dessus du seuil de 1000 $ par mois fixé par le gouvernement pour toucher la PCU. Les bénéficiaires pourraient aussi recevoir 12 semaines supplémentaires de prestations, jusqu’en janvier 2021.

Ce scénario coûterait 64 milliards $ de plus au gouvernement. Par contre, il en coûterait environ 57,9 milliards $ si le gouvernement se contentait de prolonger de 12 semaines le programme, jusqu’en janvier 2021 — sans la possibilité de toucher un revenu d’appoint au-delà de 1000 $.

Les chiffres les plus récents d’Ottawa montrent qu’en date du 4 juin, 8,41 millions de Canadiens ont demandé la PCU et que 43,51 milliards $ avaient été versés.

Le budget du programme était passé de 35 milliards $ à plus de 60 milliards $, car plus de Canadiens avaient réclamé la prestation — et plus longtemps que prévu. Toutefois, les libéraux soutiennent que 1,2 million de bénéficiaires se sont retirés de la PCU en mai.

Yves Giroux rappelle que plus le programme de la PCU est prolongé, plus la pression augmente pour qu’il devienne permanent — ou du moins certains de ses éléments. Le même dilemme se pose avec d’autres programmes d’aide fédérale liés à la pandémie de COVID-19 — comme la subvention salariale, qu’Ottawa tente de rendre plus populaire afin que les Canadiens quittent justement la PCU.

«Pouvons-nous nous permettre, en tant que pays, 58 milliards $ supplémentaires? Probablement», a estimé mercredi M. Giroux en entrevue. «Mais lorsque vous prenez en compte aussi tous les autres programmes susceptibles d’être soumis à des pressions pour une prolongation, ça devient très coûteux et c’est une question de compromis», a-t-il dit, en évoquant soit une réduction des dépenses de programmes, soit une hausse des impôts.

Écarter des bénéficiaires aptes

Le gouvernement avait proposé de prolonger dans le temps les prestations, mais en éliminant les bénéficiaires qui décident de ne pas réintégrer leur poste alors qu’ils sont aptes, ou qui refusent une offre d’emploi raisonnable. Les partis d’opposition ont refusé de donner leur consentement unanime au projet de loi, mercredi après-midi, aux Communes.

De nombreux propriétaires de petites entreprises appuient les mesures visant à supprimer le versement de la PCU aux travailleurs qui se font offrir de reprendre leur poste, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui représente des dizaines de milliers de PME au pays. Un sondage auprès de ses membres a suggéré par contre que plus des deux tiers soutiennent la possibilité pour les travailleurs de toucher des revenus de plus de 1000 $ tout en recevant la PCU.

«Il est trop tôt pour se passer de la PCU, mais un changement de cap s’impose afin d’encourager les travailleurs à réintégrer le marché du travail», a souligné Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales de la FCEI.

Le DPB estime que 3,2 milliards $ en prestations seraient probablement versés aux personnes qui ne veulent pas travailler et profiter d’une prolongation du programme de la PCU. Ce coût s’élèverait à 3,7 milliards $ si les gens pouvaient gagner plus que le seuil de 1000 $. Le DPB émet par ailleurs une mise en garde: «toute estimation de la réaction comportementale à la PCU est très incertaine et repose sur des hypothèses hardies».

«Il y a toujours un effet dissuasif important pour les gens à ne pas travailler, mais moins quand la pénalité est grande, comme c’est le cas pour la PCU actuelle», a déclaré M. Giroux.

Le problème des garderies

Le besoin de services de garde pour les enfants complique davantage le retour au travail, une préoccupation partagée par les membres de la FCEI et les défenseurs des garderies.

Bien que le rapport de mai de Statistique Canada sur la population active montre une augmentation du nombre d’emplois, les résultats favorisent de façon disproportionnée les hommes. Chez les femmes, les mères d’enfants de six ans et plus ont retrouvé un emploi plus rapidement que celles qui ont des enfants plus jeunes.

Or, un sondage auprès de plus de 8000 garderies, centres de la petite enfance et services de garde en milieu familial au Canada suggère mercredi que plus du tiers n’étaient pas certains de pouvoir rouvrir avec un assouplissement des mesures sanitaires. Quelque 70 % ont également déclaré avoir licencié du personnel, et près de 90 % des employées de CPE ont demandé la PCU.

«Pour remettre les services de garde sur les rails, les gouvernements doivent trouver des moyens de ramener les employés dans le secteur, a soutenu Don Giesbrecht, directeur général de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance, qui a commandé le sondage. «Ce qui veut dire s’attaquer au problème des bas salaires et prévoir une enveloppe financière spéciale afin de faire en sorte que les services de garde sont sécuritaires pour les enfants et pour le personnel.»

Ottawa a offert 14 milliards $ aux provinces pour les aider dans leur opération de déconfinement, dont une partie est destinée aux services de garde — mais on en ignore le montant.