La vie d’Amanda Jollymore a basculé vers la fin de l’année dernière. Des neurologues ont déclaré que sa fille de deux ans, Mia, ne marcherait ni ne parlerait jamais. Après de nombreux voyages à l’hôpital et une batterie de tests, elle a appris que sa petite fille avait besoin de soins palliatifs.
La dépression de Mme Jollymore s’est aggravée et son anxiété s’est intensifiée. La femme qui habite Ottawa était en arrêt de travail depuis mai 2021 alors qu’elle se concentrait sur sa fille et sa propre santé mentale qui se détériorait.
Fin janvier, le coup suivant est survenu. La compagnie d’assurance Sun Life, qui avait approuvé le dossier de Mme Jollymore pour une invalidité de longue durée en août 2021, a retiré sa couverture.
«Cela n’a fait qu’empirer les choses, a témoigné Amanda Jollymore en larmes lors d’une récente entrevue. J’ai l’impression que mon corps est cinq fois plus lourd parce que je suis tellement déprimée, mais je dois continuer à cause de mes enfants.»
La mère de famille poursuit désormais la compagnie d’assurance. Elle a intenté une action en justice en mai, affirmant qu’elle avait droit à une invalidité de longue durée en raison de sa dépression et de son trouble anxieux général – des diagnostics soutenus par ses médecins – ce qui ne lui permet pas de travailler.
La compagnie d’assurance, pour sa part, réfute que Mme Jollymore ait droit à une invalidité de longue durée.
Ne plus répondre à la définition d’invalidité totale
Dans sa défense, déposée le mois dernier, la Sun Life a déclaré que Mme Jollymore s’était initialement qualifiée pour une invalidité de longue durée en août 2021, lorsqu’elle a approuvé sa demande. Les informations envoyées par Amanda Jollymore à l’époque répondaient à la définition d’être «totalement invalide» comme l’exige la politique, indique une déclaration de la défense.
Mais après un examen des rapports médicaux au dossier et d’autres informations, la Sun Life a déclaré que Mme Jollymore «ne continuait plus à répondre à la définition »d’invalidité totale » ou de « totalement invalide » au sens de la police (d’assurance)». L’entreprise a mis fin aux prestations le 31 janvier 2022, soutient la défense.
«Nous sympathisons avec Mme Jollymore et sa situation difficile, a déclaré le porte-parole de la Sun Life, Gannon Loftus. Nos équipes examinent l’affaire et travaillent avec Mme Jollymore et son conseiller juridique pour trouver une solution.»
La défense ne précise pas ce qui a conduit Mme Jollymore à ne plus répondre à la définition d’être totalement invalide et la Sun Life n’a pas répondu aux questions détaillées sur cette affaire, invoquant la confidentialité.
Amanda Jollymore et son avocat, Albert Klein, ont affirmé qu’ils ne savaient pas ce qui avait conduit à la révocation de sa couverture d’invalidité de longue durée.
«Amanda a payé ces primes pendant des années en pensant qu’elle avait un filet de sécurité, un peu de tranquillité d’esprit, puis la Sun Life a arbitrairement décidé sur un coup de tête qu’elle ne la couvrirait pas», a mentionné M. Klein.
La fille de Mme Jollymore est née le 4 mars 2020. Les médecins ont remarqué des symptômes physiques suggérant des malformations congénitales et l’ont référée au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) à Ottawa, commençant ainsi son odyssée des soins médicaux.
Les médecins ont examiné chaque partie du corps de Mia, notamment son cerveau, son sang et évalué sa génétique, en plus de faire des biopsies osseuses. Certains pensaient qu’elle pouvait être atteinte de nanisme, d’autres pensaient que c’était un problème de moelle osseuse.
«Ce furent des premiers mois épuisants», souligne Mme Jollymore.
À l’âge de neuf mois, Mia a eu des spasmes infantiles et a reçu un diagnostic d’une forme rare d’épilepsie. Elle a contracté des infections des voies urinaires, d’autres fois elle a attrapé un rhume et son taux d’oxygène a chuté.
Mia a été admise à l’hôpital 13 fois au cours de ses 18 premiers mois, indique la réclamation de Mme Jollymore. Les médecins ont diagnostiqué chez la petite fille un trou dans son cœur, une hypermétropie sévère, un faible taux de globules blancs, un retard de développement global, des lésions cérébrales affectant sa vision, des épisodes fréquents de pneumonie et de maladie pulmonaire, entre autres problèmes. Elle se nourrit à travers un tube dans son estomac et rote grâce à une seringue.
Les médecins ont également déclaré que Mia avait un syndrome génétique non diagnostiqué. «Chaque fois qu’elle est admise, il est réaliste qu’elle ne rentre pas à la maison», a dit Mme Jollymore en pleurant.
«Se concentrer sur sa santé mentale»
Elle a repris son travail d’analyste en ressources humaines en mars 2021 une fois son congé de maternité terminé. Elle travaillait à distance depuis le chevet de sa fille tous les jours. Elle et son mari ont également un fils de 12 ans qui avait besoin d’amour et d’attention.
«Je n’étais pas capable de me concentrer parce que je pleurais constamment, j’étais en retard pour des réunions ou des appels. Je faisais des erreurs», a affirmé Mme Jollymore.
Elle a dit qu’elle était épuisée, mais qu’elle ne pouvait pas dormir, qu’elle vivait avec des maux de tête constamment et qu’elle avait des explosions de colère.
Son médecin lui a dit qu’elle n’était pas dans le bon état d’esprit pour travailler, alors elle en a parlé à son patron et l’entreprise a approuvé son congé d’invalidité de courte durée. Quelques mois plus tard, la Sun Life approuvait sa demande de prestations d’invalidité de longue durée.
«C’était incroyable, je pouvais me concentrer sur ma santé mentale», a déclaré Mme Jollymore.
Elle dit avoir suivi avec diligence les exigences mensuelles de la Sun Life, fournissant des mises à jour et des dossiers médicaux. Elle a essayé divers traitements médicaux et parlé avec un groupe de soutien pour les familles ayant des enfants avec des besoins spéciaux, mais la guérison s’est avérée difficile.
En janvier, un travailleur social lui a dit qu’un examen n’avait rien trouvé pour appuyer son affirmation selon laquelle elle était incapable de travailler. Sa demande à la Sun Life a été rejetée.
Selon Mme Jollymore, cette décision a aggravé sa santé mentale. Son mari travaille de longues heures dans l’industrie de la restauration pour essayer de subvenir aux besoins de la famille pendant qu’elle s’occupe de Mia. Ils ont également contracté une marge de crédit pour payer les factures.
Mme Jollymore a dit qu’elle essayait de se concentrer sur les points positifs quand elle le pouvait. Par exemple, depuis récemment, Mia peut tenir la tête haute pendant trois secondes.
Or, la tristesse reste difficile à surmonter. Mme Jollymore passe ses journées à câliner sa fille, «parce que je ne sais pas combien de temps nous avons».