Les soignants au travail avec la COVID: des syndicats jugent que c’est «trop risqué»

MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec permettra à des travailleurs de la santé atteints de la COVID-19 de travailler sous certaines conditions et de nouveaux groupes prioritaires pourront recevoir leur troisième dose de vaccin dès cette semaine. 

Bien que la situation aux soins intensifs soit «encourageante» par rapport aux variants précédents, les hospitalisations continuent d’augmenter, mais le personnel manque de plus en plus, a mentionné le ministre de la Santé, Christian Dubé. 

Visant à éviter des bris de services et davantage de délestage, Québec a annoncé qu’il permettra à des travailleurs de la santé atteints de la COVID-19 de travailler sous certaines conditions.

«Nous avons pris la décision que, sous certaines conditions, le personnel de la santé qui est positif pourra continuer de travailler selon une liste de priorités, mais aussi une gestion des risques», a affirmé M. Dubé, en conférence de presse, mardi. 

La période d’isolement de ces travailleurs infectés sera réduite et elle tiendra compte du type d’exposition, des résultats d’analyse de laboratoire ainsi que du statut vaccinal du travailleur, précise-t-on dans un communiqué. 

Cette mesure devrait s’appliquer à d’autres types de travailleurs essentiels, a indiqué M. Dubé. 

Avec la transmission fulgurante du variant Omicron, «il y a de plus en plus de malades et de moins en moins de gens pour les soigner», a-t-il expliqué, rappelant que lundi, environ 7000 travailleurs de la santé qui avaient dû s’absenter à cause de la COVID-19, un nombre qui devrait selon lui encore augmenter.

Le ministre a martelé que le gouvernement n’avait «pas le choix» d’appliquer cette mesure. «Si on avait le personnel qu’il faut, on n’aurait pas besoin de poser ce geste. (…) C’est une gestion de risques et de balance des inconvénients», a-t-il fait valoir. 

M. Dubé a voulu se faire rassurant sur les risques de contamination dans le réseau, soutenant que les soignants œuvrent dans un environnement contrôlé grâce à la double vaccination et aux mesures de protection et de contrôle des infections. 

«Trop risqué»

Cependant, des syndicats sont loin d’être rassurés. Pour eux, plusieurs craintes demeurent. La Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN) estime que «ramener du personnel infecté asymptomatique dans le réseau est trop risqué». Le syndicat dit dans un communiqué avoir interpellé mardi la CNESST concernant ses inquiétudes. 

La FSSS-CSN demande au gouvernement d’implanter certaines mesures pour protéger les travailleurs telles que le dépistage du personnel dans les établissements, stabiliser les équipes, fournir les uniformes et miser sur la ventilation dans les établissements.

Sans masque N95 pour l’ensemble du personnel soignant, cette nouvelle ligne directrice est aussi «trop risquée», aux yeux de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). 

La présidente Julie Bouchard parle d’une décision «inconcevable», «inacceptable» et «irresponsable». 

«L’environnement est extrêmement petit que ce soit au poste de travail, dans les salles de collection. (…) Les contacts avec les collègues de travail et la clientèle seront inévitables. Et on ne veut véritablement pas revivre ce qu’on a vécu dans les derniers mois et se faire dire que nous avons baissé la garde à certains moments et qu’on a été des vecteurs du virus», a-t-elle commenté à La Presse Canadienne.

La Fédération de la santé du Québec réclame aussi un accès à tous les équipements de protection individuelle, notamment les masques N95, au personnel des établissements concernés. 

«On est quand même inquiet parce qu’on sait que les travailleurs de la santé ont été une source de propagation du virus lors de la première vague particulièrement», a affirmé la présidente Isabelle Dumaine. 

Sur Twitter, M. Dubé a répondu aux commentaires de la FIQ, disant être  «toujours à l’écoute pour reprendre (leurs) solutions». «Nous devons gérer le risque ensemble», a-t-il écrit. 

Le porte-parole en matière de santé au Parti québécois, Joël Arseneau, a soutenu que la nouvelle suscite «plus de questions que de réponses», entre autres sur l’accessibilité des masques N95, sur les protocoles entourant la mobilité du personnel ainsi que l’accès aux aires communes.

«Les travailleurs de la santé positifs à la COVID ne doivent pas devenir des vecteurs de transmission pour leurs collègues ou les patients. (…) La population et le réseau de la santé attendent des directives claires», a-t-il indiqué dans une déclaration envoyée par courriel. 

Dans un communiqué publié en début de soirée, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) s’est également dite très préoccupée.

«La très vaste majorité de nos membres sont en contact direct avec la population et, dans bien des cas, ne peuvent maintenir la distanciation nécessaire pour éviter la contamination des usagers. La propagation au sein de la population ne sera qu’amplifiée », a déclaré le président de l’APTS, Robert Comeau.

Médecins et pharmaciens sont appuient les nouvelles mesures

De son côté, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) appuie l’annonce de Christian Dubé.

«Les patients doivent recevoir les soins appropriés en temps de crise» a indiqué la fédération de médecins sur les réseaux sociaux, ajoutant qu’il faudra «un  encadrement strict et bien balisé».

«Serrons-nous les coudes pour soigner la population», a jouté la (FMSQ).

L’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) soutient également les nouvelles mesures du gouvernement.

«L’AQPP supporte l’objectif derrière ces mesures et restera à l’affut des conditions et des modalités qui seront dévoilées par le gouvernement au cours des prochains jours afin de collaborer à leur application en pharmacie», a indiqué l’association dans un communiqué.

Troisième dose élargie

M. Dubé a aussi annoncé qu’à partir de mercredi, tous les travailleurs de la santé, y compris ceux œuvrant au privé, ou dans des organismes communautaires, pourront aller chercher leur troisième dose de vaccin. 

Ce sera aussi le cas pour les représentants de la sécurité publique,le personnel en milieu scolaire, les inspecteurs du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation et le personnel des abattoirs pour la chaîne alimentaire.

Les Québécois de 18 à 59 ans auront graduellement accès à cette troisième dose, à partir du 4 janvier pour les plus âgés, et dès le 21 janvier pour les plus jeunes.

«On va continuer d’accélérer la troisième dose parce qu’on veut, en fait, vacciner entre deux à trois millions de personnes par mois, ce qui nous amènerait en mars pour avoir vacciné l’entièreté de la population», a indiqué M. Dubé en conférence de presse, mardi. 

M. Dubé a aussi interpellé à plusieurs reprises les non-vaccinés, rappelant qu’ils représentent la majorité des personnes se retrouvant aux soins intensifs actuellement.  

Il les a invités «à faire partie de la solution». «Ou bien vous allez vous faire vacciner ou bien vous allez faire la maladie. Et faire la maladie quand vous êtes non-vaccinés, c’est de mettre une pression inutile sur notre réseau de santé», a-t-il lancé. 

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.