UNIS: Trudeau comparaîtra devant un comité, Morneau appelé à démissionner

OTTAWA — Le bureau du premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’il avait accepté l’invitation d’un comité parlementaire pour témoigner concernant l’octroi d’un contrat de 900 millions $ à l’organisme UNIS («WE Charity», en anglais) pour administrer un programme de bénévolat étudiant.

Quelques minutes plus tôt, le témoignage de son ministre des Finances, Bill Morneau, à ce même comité lui a valu des appels à sa démission.

Lors de sa comparution mercredi après-midi, le ministre Morneau a révélé qu’il a fait un chèque de plus de 41 000 $ à l’organisme UNIS pour rembourser certaines dépenses liées à deux voyages humanitaires en 2017 organisés par l’organisme et auxquels sa famille et lui ont participé.

En préparation pour son témoignage, M. Morneau dit avoir été surpris de ne pas retrouver toutes les preuves qui justifiaient des dizaines de milliers de dollars en dépenses pour un voyage au Kenya — auquel son épouse et l’une de ses filles ont participé — et un autre en Équateur — où il était présent avec sa famille.

Il dit avoir donc fait un chèque de 41 366 $ mercredi, juste avant sa comparution devant le comité, pour rembourser le coût de certaines dépenses comme les frais de transport, les coûts de construction pour une école et les coûts des repas qui ne lui auraient pas été chargés.

«Il a toujours été dans mon intention de payer le coût total de ces voyages et c’était ma responsabilité de m’assurer que c’était le cas. Ne pas le faire, même de façon non intentionnelle, est inapproprié. Je veux m’excuser pour cette erreur de ma part», a-t-il dit.

M. Morneau a aussi révélé que son épouse et lui ont versé de généreux dons de 50 000 $ à deux reprises à l’organisation UNIS. Le premier don a été fait en juin 2018 et l’autre au mois de juin de cette année. Le programme pour le bénévolat étudiant, qui devait être administré par UNIS, a été annoncé le 25 juin.

Ces révélations s’ajoutent au fait que M. Morneau ne se soit pas récusé du vote du conseil des ministres approuvant l’octroi du contrat à UNIS, alors que sa famille entretenait des liens avec l’organisation. L’une des filles de M. Morneau a prononcé des discours lors d’événements WE tandis qu’une autre est employée contractuelle pour l’organisation.

«Je ne crois pas que j’étais en conflit (d’intérêts), même si je reconnais pleinement qu’il existe des questions légitimes sur la perception d’un conflit (d’intérêts). Avec le recul, j’aurais dû me récuser des discussions impliquant l’organisation UNIS. Encore une fois, je tiens à m’excuser pour mes erreurs que j’ai commises dans cette situation», a réitéré le ministre, mercredi.

Ces excuses n’ont pas suffi au conservateur Pierre Poilievre, qui soutient que M. Morneau a commis un acte illégal comme ministre, puisqu’il a contrevenu à la Loi sur les conflits d’intérêts qui stipule qu’il est «interdit à tout titulaire de charge publique et à tout membre de sa famille d’accepter un cadeau ou autre avantage» qui pourrait l’influencer dans ses fonctions.

«Monsieur le ministre, vous avez perdu l’autorité morale de gouverner et c’est la position de l’opposition officielle de sa Majesté que vous démissionniez. Allez-vous démissionner?», a lancé M. Poilievre à l’intention du ministre.

M. Morneau a répondu qu’il ne savait pas que certains frais de ses voyages avaient été facturés à UNIS à son insu et a dit que c’était une «erreur» de sa part.

«Vous pensez vraiment qu’en ne répondant pas aux questions là-dessus, puis en nous disant simplement que vous vous excusez, vous allez éteindre l’incendie et justifier ce qui a été fait?» a renchéri le bloquiste Rhéal Fortin.

Les conservateurs tiendront une conférence de presse jeudi matin pour exiger la démission du ministre des Finances à la lumière de ces plus récentes révélations.

M. Morneau est le plus récent témoin vedette à apparaître devant le Comité des finances de la Chambre des communes pour s’expliquer sur le contrat avorté qui aurait pu rapporter plus de 43,5 millions $ à UNIS.

Mardi, le plus haut fonctionnaire du Canada — le greffier du Conseil privé, Ian Shugart — a déclaré qu’il ne pouvait s’imaginer que le ministre des Finances et le premier ministre puissent être absents des discussions sur un programme aussi vaste et aussi coûteux.

Comme c’est le cas depuis plusieurs jours, les libéraux ont soutenu que ce sont des hauts fonctionnaires qui ont recommandé UNIS pour le contrat, car c’était la seule organisation au pays à pouvoir administrer un tel programme aussi rapidement et aussi largement.

Le ministre des Finances et le premier ministre font déjà fait l’objet d’une enquête du commissaire à l’éthique pour de possibles violations des règles sur les conflits d’intérêts. Il a été révélé que la mère, l’épouse et le frère de M. Trudeau ont obtenu plus de 300 000 $ en honoraires d’UNIS.

Pendant ce temps, les étudiants s’impatientent et demandent à recevoir l’aide promise cet été.

Plus tôt en journée, témoignant devant le même comité, deux coalitions représentant des centaines de milliers d’étudiants de niveau postsecondaire au Canada ont demandé au gouvernement fédéral de réaffecter son budget de 900 millions $ à d’autres programmes d’aide aux étudiants.

Pour la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants et l’Alliance canadienne des associations étudiantes, il est clair que le programme ne fournira pas l’aide financière attendue alors que le mois d’août approche et que de nombreux étudiants ne pourront pas accumuler assez d’heures de bénévolat dans un aussi court laps de temps.