Valérie Plante affirme que les victimes de profilage racial doivent être dédommagées

MONTRÉAL — Valérie Plante a reconnu sans hésitation qu’une personne victime de profilage racial a droit à un dédommagement, mais seulement sur une base individuelle.

La mairesse de Montréal n’a pas caché qu’elle était nerveuse, elle qui se présentait pour la toute première fois devant un tribunal, mercredi, pour témoigner dans le cadre de l’action collective pilotée par la Ligue des Noirs du Québec au soutien d’Alexandre Lamontagne contre la Ville de Montréal pour profilage racial.

«Qu’une personne vive du profilage racial, ça existe, c’est vrai et les personnes qui le vivent c’est pénible et ils ont droit et elles doivent demander réparation. Elles doivent aller de l’avant pour pouvoir faire prévaloir leurs droits à un traitement équitable», a d’abord affirmé Mme Plante devant la juge Dominique Poulin, de la Cour supérieure.

Puis, à la toute fin de son témoignage, elle est revenue à la charge, précisant au passage qu’elle souhaitait également «défendre l’intégrité du Service de police dans ses efforts pour lutter contre le racisme et la discrimination», mais c’est à ce moment qu’elle a cherché à établir les limites d’une éventuelle réparation.

Une démonstration individuelle

«Si une personne a été victime, elle est tout à fait en droit d’être dédommagée. Je ne remets absolument pas ça en question», a-t-elle réitéré, ajoutant cette fois que, «dans une société de droit, il doit y avoir un processus qui vient montrer si la personne a été lésée parce qu’il est aussi question de l’argent des contribuables».

«Je pense que dans n’importe quelle société ou encore une fois dans la nôtre, on veut pouvoir dédommager s’il y a lieu, mais on ne peut pas non plus – excusez l’expression – jeter l’argent par les fenêtres. Il doit y avoir un début, une histoire, une fin, une conclusion et agir en conséquence», a précisé la mairesse.

Plus tard dans la journée, la mairesse a tenu un point de presse pour s’assurer, notamment, d’avoir été bien comprise à ce sujet: «C’est très important qu’une personne lésée puisse porter plainte et qu’on puisse faire l’éclairage complet sur sa situation à elle», a-t-elle déclaré.

Selon Mme Plante, c’est le Commissaire à la déontologie policière ou la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui doivent être saisis de tels dossiers: «Il faut le faire d’un point de vue individuel parce qu’il y a des mécanismes pour faire des dénonciations et il faut pouvoir avoir un processus qui est juste pour tout le monde, bien sûr pour la présumée victime, mais également pour le policier.»

Or, cette précision est fort importante: la Ligue des Noirs réclame des dommages de 5000 $ par personne racisée interpellée sans raison valable entre août 2017 et janvier 2019, un recours qui pourrait représenter jusqu’à 171 millions $. Le requérant dans ce dossier, Alexandre Lamontagne, avait été intercepté à la sortie d’un bar en août 2014 et l’interpellation avait rapidement mal tourné. Le jeune homme avait été brutalement cloué au sol, menotté et emmené au poste pour finalement aboutir avec trois constats d’infraction et deux accusations, une d’entrave au travail des policiers et une autre de voies de fait contre un policier, accusations qui sont tombées par la suite.

Un témoignage bien accueilli

L’avocat représentant le jeune homme et la Ligue des Noirs du Québec, Me Papa Mike Diomande, a toutefois bien noté les éléments du témoignage de Valérie Plante qui viennent soutenir la thèse de ses clients: «Je pourrais retenir deux mots: la reconnaissance, effectivement, qu’il y a du profilage racial et puis, deuxièmement, le fait que ces gens qui en ont été victimes aient un droit à réparation.»

Durant son interrogatoire, Me Diomande avait aussi confronté Mme Plante à la Déclaration de Montréal contre la discrimination, adoptée par l’administration de Jean Doré en 1989, profitant de l’occasion pour souligner qu’il y avait une marge importante entre les belles paroles et l’action, puisque le problème de profilage racial, dont la mairesse a reconnu l’existence, existait toujours. À la sortie de l’audience, Me Diomande a fait valoir que «jusqu’à présent, on n’a pas vu beaucoup de réalisations matérielles, mais on a bon espoir que ce procès-là sera une manière de faire avancer les choses pour qu’il y ait enfin des actes forts et pas juste des paroles. Vous le savez comme moi, les paroles, la compassion, ce n’est pas un remède aux maux. Les seuls remèdes aux maux, ce sont vraiment véritablement des actions.»

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