
Le 20 janvier, la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM dévoilait 10 grandes tendances qui devraient marquer la façon dont nous voyagerons d’ici 2020.
Dégagées par deux fins observateurs de l’industrie du tourisme — le titulaire de la Chaire, Paul Arseneault, et Pierre Bellerose, v.-p. à Tourisme Montréal —, et par une armada d’analystes du Réseau de veille en tourisme de l’UQAM, ces tendances s’inscrivent dans une industrie en pleine croissance qui pèse désormais 7,6 billions de dollars américains et de laquelle dépendent 277 millions d’emplois.
Voici un résumé de leurs trouvailles, en dix mots-clés.
Expérience
Exit le bronzage idiot et les circuits organisés en autocar climatisé: les touristes veulent de plus en plus vivre des expériences, stimuler leurs sens, par exemple en écoutant la musique des DJ au festival Igloofest ou en satisfaisant leurs papilles par un repas gastronomique de 15 services. Les «fournisseurs d’expériences» se multiplient donc et rivalisent d’imagination: en France, on peut fabriquer son propre parfum à Grasse ou devenir vigneron d’un jour chez un viticulteur, tandis qu’en Gaspésie, il est possible d’expérimenter la pêche au homard. En Suède, l’application Stockholm Sound permet d’explorer la ville en repérant les sons distinctifs de ses lieux publics, le tout en mode ludique. L’essor de la technologie permet d’ailleurs de maximiser ces expériences, notamment grâce à la réalité virtuelle.
Urbanité
En 1950, 30 % de la population mondiale vivait en ville; en 2020, cette proportion passera à 60 %, voire à 70 %. Plus que jamais, les agglomérations deviennent des lieux attirants et les voyageurs en manque de temps multiplient les courtes escapades urbaines: à l’échelle planétaire, celles-ci ont augmenté de 47 %, ces dernières années. Las des grandes cités congestionnées, beaucoup de voyageurs se tournent vers de petites agglomérations sympas, cools, dynamiques ou en plein essor, comme Naples, en Floride, ou Ljubljana, en Slovénie.
Disruption
Comme dans «tourisme disruptif», c’est-à-dire «qui éclate», à l’image des modèles d’affaires traditionnels (hôtellerie, taxi, etc.) aujourd’hui placés devant de nouvelles idées «fondées sur la rupture avec les façons de faire conventionnelles», dit Paul Arseneault. Témoins en sont ces innombrables startups qui innovent et réinventent notre manière de voyager grâce à l’économie de partage et ses multiples déclinaisons, d’Airbnb à Uber en passant par Car2Go, et où tout s’emprunte, ou s’empruntera bientôt, à peu de frais.
Hybridation
Déjà, en raison de la concurrence et des changements climatiques, les stations de ski ne sont plus seulement des stations de ski: beaucoup sont devenues des centres quatre saisons, où se pratique le vélo de montagne et la randonnée, où on organise des courses à obstacles extrêmes, où on aménage des parcours d’hébertisme aérien. De la même manière, les hôtels ne sont plus que des hôtels: ce sont des établissements où l’on peut dormir, certes, mais qu’on peut aussi louer comme lieu de rencontre ou de travail. Certains se transforment même en véritables galeries, quand leurs murs ne servent pas carrément de toiles aux peintres et graffiteurs, comme le prouvent les murales du nouvel hôtel Renaissance, à Montréal.
Saturation
Le tourisme n’a pas que des effets bénéfiques. Parmi ses effets négatifs, la surfréquentation de sites et la saturation de certaines destinations. «Pour contrer les effets pervers d’ordre économique, environnemental ou social, des destinations tentent de restreindre, d’adapter, de réguler le tourisme par un développement plus durable», expliquent les conférenciers. On songe ainsi à imposer des quotas de visiteurs au Machu Picchu, au Pérou, et au temple Angkor Wat, au Cambodge; Barcelone n’accorde plus de nouvelles licences hôtelières; et l’Association des organisateurs de voyages en Antarctique limite le nombre de croisiéristes quotidiens dans certains lieux. Quant au Botswana, il a choisi de se tourner vers le tourisme «high income, low impact» (peu de visiteurs, mais des visiteurs riches), pour ne pas verser dans les safaris de masse, comme dans certaines réserves du Kenya ou de l’Afrique du Sud.
Cocréation
Compte tenu de la facilité avec laquelle les entreprises de tourisme peuvent communiquer avec leur public-cible (réseaux sociaux, sites Internet, etc.), beaucoup d’entre elles lancent des initiatives impliquant le client dans le processus de création, «que ce soit en le consultant pour mettre sur pied de nouveaux produits, pour en faire l’essai ou encore pour le publiciser», dit Pierre Bellerose. C’est ce qu’on appelle la cocréation (ou crowdsourcing). Des exemples? Le Club Med a récemment permis au public de s’exprimer sur son concept de Village Neige de Val-Thorens, dans les Alpes françaises, et le géant hôtelier Marriott sonde les intérêts de ses clients dans le site Travel Brilliantly.
Omniprésence
Désormais, une majorité de voyageurs trimbalent avec eux un appareil électronique (téléphone ou montre multifonctions, tablette, ordinateur portable, etc.), souvent comme s’il s’agissait d’une extension de leur corps, et ils sont quasi omniprésents en ligne. Les entreprises doivent continuer à composer avec cette réalité. «Chaque jour, nous passons cinq heures sur notre téléphone mobile et nous le consultons en moyenne 221 fois; en 2020, 22 % des réservations s’effectueront par son entremise», dit Paul Arseneault. En revanche, la popularité des applications est en baisse: les gens en téléchargent de moins en moins, et un utilisateur moyen consacre 79 % de son temps dévolu aux applications qu’il a téléchargées à seulement cinq d’entre elles…
Personnalisation
Grâce aux avancées technologiques, il est possible de personnaliser une expérience touristique en fonction des besoins et des désirs de celui qui veut la vivre. Avec un simple téléphone, un voyageur a désormais accès à des guides qui proposent des choix selon le goût du moment, mais il peut aussi se tailler un itinéraire sur mesure. Des transporteurs aériens fournissent aussi à leurs agents de bord des tablettes afin de consulter, par exemple su Facebook, le profil des passagers et déterminer leurs préférences. Enfin, des entreprises collectent une foule de renseignements sur les particuliers, «ce qui permet de mieux gérer la relation client grâce à une meilleure connaissance de son profil et de ses besoins», ajoute Paul Arseneault.
Mieux-Être
L’homo turisticus modernus dispose de moins de temps de loisir, il travaille fort et en veut toujours plus pour son argent, mais il désire également profiter de ses voyages pour se faire du bien. En choisissant leur destination ou leur forfait, les touristes sont de plus en plus nombreux à y intégrer une part de bien-être: bonnes habitudes alimentaires, activité physique, méditation… Des chaînes hôtelières (comme Even Hotels) ou des regroupements (comme Healing Hotels of the World) misent sur cette tendance.
Immersion
Toujours en quête d’authenticité, bon nombre de voyageurs — surtout les milléniaux — ne veulent plus se sentir comme de bêtes touristes et cherchent à expérimenter le quotidien de la population locale. Les uns font appel aux greeters, ces particuliers qui offrent gratuitement la visite de leur ville simplement parce qu’ils en sont fiers; les autres se prévalent de services de pairage où on met les touristes en contact avec l’habitant, comme on le fait aux Bahamas avec People-to-People. Les hôteliers entrent même dans la danse: le groupe Hilton lancera sous peu les hôtels Canopy, «imprégnés de culture locale»…