Goûts d’ici : 100 % pomme

Aller aux pommes est un rituel incontournable de l’automne ! Pas étonnant que ce soit le fruit le plus cultivé ici.

Photo : Naoko Kakuta / Stocksy
Christian Barthomeuf et Louise Dupuis (Photo : Saragnat)

Du cidre de glace au cidre fermier

Créateur du désormais célèbre cidre de glace, Christian Barthomeuf a pourtant choisi de le délaisser un peu pour s’intéresser au cidre fermier. Il nous explique pourquoi.

Arrivé au Québec en 1974 pour une année sabbatique qui n’a jamais pris fin, Christian Barthomeuf a cofondé, en 1980, le Domaine des Côtes d’Ardoise, premier vignoble québécois à vocation commerciale. Il est ensuite devenu consultant auprès de domaines viticoles, dont certains produisaient du vin de glace. C’est au contact de ce produit phare du vignoble canadien que lui serait venue l’idée du cidre de glace. « En regardant les raisins gelés sur la vigne, j’ai repensé à des pommes que j’avais vues suspendues en plein hiver sur un pommier sauvage. »

En 1989, il donnera naissance au premier cidre de glace fait à partir de pommes cueillies gelées sur l’arbre. Un quart de siècle plus tard, il est resté fidèle à la même façon de faire, et ses cidres de glace demeurent parmi les plus fins et les plus complexes.

Pourtant, Christian Barthomeuf a choisi de s’éloigner de sa populaire création il y a quelques années. « Le marché du cidre de glace est saturé. C’est devenu un produit qu’on offre en cadeau, puis qu’on met en cave sans jamais penser à l’ouvrir. » Il consacre maintenant l’essentiel de ses efforts au cidre fermier, et prévoit qu’en 2018 celui-ci comptera pour les deux tiers de la production annuelle du Clos Saragnat, propriété qu’il a acquise en 2003 avec sa conjointe et associée, Louise Dupuis.

Relativement sec et effervescent, le cidre fermier est élaboré avec un apport très limité en sulfites, et la fermentation, conduite sans ajout de levures, se termine en bouteille, d’où l’effervescence naturelle du produit final. Rien à voir avec les cidres vaguement sucrés vendus à l’échelle commerciale, que les Américains surnomment les « cidres-sodas ».

Depuis 2012, le cidre connaît d’ailleurs une popularité sans précédent aux États-Unis ; la progression annuelle est de plus de 70 %, selon The Cider Journal. Phénomène intéressant, la multiplication de ces « cidres-sodas » a contribué à l’émergence d’une contreculture, à laquelle adhèrent notamment les buveurs de vins naturels, ainsi qu’une clientèle ciblée par toutes les industries : la génération du millénaire.

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Trois alcools de pomme qui valent le détour


1. Domaine Lafrance, Pure Légende

Distillée dans un alambic Stupfler en cuivre, cette eau-de-vie de pomme se distingue d’emblée par ses arômes fruités très nets, puis par son goût à la fois suave et épicé. Comme toute eau-de-vie de fruit, elle gagne à être servie fraîche, mais sans glaçons. (12467118 ; 39,50 $ les 500 ml)

2. Michel Jodoin, Calijo, Brandy de pomme
L’appellation calvados étant réservée aux eaux-de-vie d’origine normande, il est impossible d’en trouver une version québécoise. N’empêche, le Calijo, de Michel Jodoin, en a toutes les qualités. Il est issu d’une distillation de cidre, qu’on élève ensuite en fûts de chêne neufs pendant un minimum de trois ans, ce qui lui donne une couleur cuivrée et de jolies notes de torréfaction, d’épices et de vanille. (577601 ; 40,50 $ les 700 ml)

3. Clos Saragnat, Avalanche 2013
Toujours au sommet de son art, Christian Barthomeuf élabore un cidre hors normes, d’une complexité et d’une profondeur rares. Très concentré en sucre comme en acidité, avec des saveurs de fruits secs, de pomme blette et d’épices douces qui vont crescendo, et qu’une amertume noble tire très loin en finale. Grand cidre de glace ! (11133221 ; 27,45 $ les 200 ml)

 

De l’avenir pour le bio ?

La pomiculture est l’un des secteurs de l’agriculture qui utilise le plus de pesticides et de fongicides. Pour l’heure, le Québec compte à peine une poignée de pomiculteurs biologiques, mais ça pourrait changer. Depuis 1997, un laboratoire gaspésien a produit, en partenariat avec le Centre de recherche et de développement de Saint-Jean-sur-Richelieu du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, un insecticide viral, homologué par Ecocert, qui combat le carpocapse de la pomme, ennemi numéro un des vergers.

Une équipe de chercheurs de Saint-Jean-sur-Richelieu, menée par Shahrokh Khanizadeh, a aussi conçu une série de cultivars résistants à la tavelure, une maladie fongique qui limite la production du pommier. La lutte biologique demeure difficile, puisque la tavelure est en mutation constante, mais selon M. Khanizadeh, l’emploi de cultivars résistants pourrait permettre de diviser par 20 la quantité d’épandage requis.

Patrice Demers (Photo : Les archives / Le Journal de Montréal)

Les préférées du chef

Voici les deux variétés de pommes que le pâtissier Patrice Demers aime particulièrement cuisiner.

La honeycrisp, une variété introduite au Québec depuis peu, mais qui gagne en popularité. Elle est très croquante, juteuse et peu sensible à l’oxydation. « Son équilibre sucre-acidité la rend intéressante en salade. Elle est aussi très bonne marinée, en accord avec des terrines ou des foies de volaille. »

La golden russet, plus acide, « qui se marie bien aux plats salés ».