
Il sortait de l’école secondaire. Il ne savait pas quoi faire. Il a tiré à pile ou face. Face, la construction. Pile, la cuisine. La pièce est tombée côté pile. Laurent Godbout s’est inscrit à l’école de cuisine de Sherbrooke. En stage à l’Auberge Hatley, un établissement Relais & Châteaux dans les Cantons-de-l’Est, il a découvert un monde dont il ignorait même l’existence : la gastronomie.

Stages au Québec et en France, premiers emplois dans des restaurants très variés, depuis la table cotée de Nicolas Jongleux, à Montréal, jusqu’à un club de golf ou un grand hôtel : le jeune artiste forge son « identité culinaire ». Et ouvre, en 2000, son restaurant, Chez l’Épicier. C’est là qu’il me reçoit. Les grandes fenêtres donnent sur le marché Bonsecours, dans le Vieux-Montréal. La cuisine — fine, inventive, festive — est toujours l’une des plus réputées de la ville.
« J’aime créer l’inattendu dans l’assiette », dit Laurent Godbout. En témoigne son club sandwich au chocolat, avec frites d’ananas et melon miel râpé comme une salade de chou, un de ses plus fameux desserts. Ou le menu qu’il offre depuis quelques jours, et jusqu’au 20 avril, comme « chef à l’érable » de la Scena, dans le Vieux-Port de Montréal.
Le menu de cabane à sucre y est, ô combien, revisité. Les cretons sont au jambon et au foie gras. La tourtière vient avec une poêlée de champignons et une sauce au poivre et au cognac. Et ainsi de suite pour les fèves au lard (finies avec un jus de cuisson de jambon réduit à l’érable), le jambon à l’os (accompagné d’une tartiflette au vieux cheddar), la tarte au sucre (servie en cornet, avec chantilly et framboises fraîches) et la tire (un granité de lait remplace la neige). « Du traditionnel chic renouvelé », résume Laurent Godbout.
Pourquoi le sirop d’érable ? Parce que c’est « nos racines, l’or liquide de notre terroir », répond le chef originaire de Lac-Mégantic, au cœur d’une grande région acéricole. Parce que c’est son enfance, aussi : « Mon père était bûcheron, j’ai couru les érables avec lui. » Et puis, tout simplement, parce que ce produit est « quelque chose d’exceptionnel ».
L’an passé, Laurent Godbout a tenu cabane à sucre à l’érablière Shefford, près de Granby (« 8 000 personnes en sept fins de semaine, et on a refusé des gens ! »). Il récidive cette année dans son « restaurant de cuisine ouvrière » de Granby, l’Attelier Archibald. Il y a quelques jours, il a fait cabane à sucre en… Normandie, à Mortagne-au-Perche, où il avait apporté quatre barils de sirop.
Et pour les becs fins et sucrés qui trouveraient que tout cela est bien loin, il y a la Scena. « Pas d’excuse, dit le chef à l’érable. À Montréal, on peut aller à la cabane en métro. »
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À propos de Yanick Villedieu
Yanick Villedieu a effectué sa première incursion dans le monde du journalisme gastronomique en publiant, en 1999, un reportage sur les fromages du Québec dans le magazine L’actualité. Il anime le magazine scientifique radio Les Années lumière sur les ondes d’ICI Radio-Canada Première et publie régulièrement des articles sur la médecine et la science dans L’actualité, en plus d’y signer la chronique «Plaisirs gourmands». On peut le suivre sur Twitter : @yanickvilledieu.